Hollande/Aubry : un rapport de force en question

Publié le 08 septembre 2011 par Cahier

Délits d’Opinion s’intéresse au duel annoncé François Hollande / Martine Aubry en focalisant tout d’abord sur le rapport de force au sein du parti. Dans un prochain article, nous verrons les traits d’image et les (faibles) différences idéologiques qui pourraient faire la différence.

Plus qu’un mois avant le premier tour de la primaire socialiste : le 9 octobre prochain le premier vote de ce scrutin particulier – ouvert à (presque1 ) tous rappelons le – donnera ses premières tendances avec comme enjeu principal le score des deux favoris actuels et le niveau de participation.

François Hollande peut-il arriver en tête des primaires ?

Si l’on considère que la base des votants aux primaires socialistes seront des militants ou sympathisants proches du parti ou d’une de ses structures périphériques, la victoire ne peut pas échapper à Martine Aubry. La première secrétaire jouit d’une crédibilité certaine qu’elle a su imposer depuis le congrès de Reims, estompant en partie l’image brouillée des différents barons du parti, relançant la machine intellectuelle en s’entourant des meilleurs spécialistes sur les principales thématiques prioritaires et structurant le Laboratoire des idées autour de Christian PAUL.

Au premier tour

Le rapport de force et la mécanique de report de voix lui serait forcément favorable. Elle était parvenue à rallier durant le congrès de Reims, déjà, de nombreux strauss-kahniens tout en comptant sur les fabusiens, de sorte que ses opposants estimaient que sa motion constituait une « alliance entre la carpe et le lapin. » Le pacte de Marrakech fonctionnerait à bloc, d’autant que les strauss-kahniens n’ont jamais apprécié Hollande et les commentaires de ce dernier lors de la mise en cause de DSK dans l’affaire de la cassette Méry n’avaient pas amélioré les choses.

A ce même congrès, la motion de Ségolène Royal était arrivée en tête avec 29% des suffrages exprimés, devant Bertrand Delanoë (25.2%), Martine Aubry (24.3%) et Benoît Hamon (18.5%). Or on sait que Bertrand Delanoë et Benoit Hamon ont appelé à voter Martine Aubry. L’avantage au premier tour serait donc clairement en faveur de la maire de Lille.

Au second tour

Parmi les cadors du parti socialiste, François Hollande n’est pas loin de faire l’unanimité contre lui. Laurent Fabius ne cache pas son animosité à son encontre, que ce soit par des sobriquets « Monsieur petites blagues », « fraise des bois », « opposition caoutchouc », ou un mépris clairement affiché, comme ce fut le cas récemment devant des étudiants de l’IEP de Bordeaux « Franchement, vous imaginez Hollande président de la République? On rêve. »

Arnaud Montebourg n’a jamais caché non plus les mêmes sentiments, on se souvient bien sûr de sa sortie médiatique contre le « compagnon » de Ségolène Royal, qu’il appelait « Flamby ». Le report de voix de celui-ci en faveur de Martine Aubry paraît également acquis. Sur cette pure logique partisane, le second tour paraît également acquis à la maire de Lille.

Cette logique partisane était d’ailleurs prévue par de nombreux dirigeants PS. Récemment dans un article du Monde, Gérard Le Gall, ancien délégué national du PS aux enquêtes d’opinion, déclarait au sujet des électeurs aux primaires :  » le gros du corps électoral sera constitué de sympathisants du PS ». Or, rappelle-t-il : »les sympathisants votent comme les adhérents : on l’a vu lors de la primaire de 2006, quand le vote des seconds a confirmé les sondages effectués auprès des premiers ».
 

Oui mais…

si cette hiérarchie de principe semblait respectée jusqu’en début d’année 2011, avec des études d’opinion largement favorables à la première secrétaire, il semble que les spécificités de cette primaire et les motivations propres de vote jouent en faveur de son adversaire. En effet, l’une des originalités de cette primaire socialiste est qu’elle appelle à voter un champ électoral bien plus large que les simples sympathisants PS.

Le nombre de votants, d’après la dernière enquête parue, pourrait atteindre un niveau particulièrement haut avec un potentiel situé entre 9% et 14% de la population française âgée de 18 ans et plus, ce qui représente un chiffre entre 4 et 6 millions d’électeurs. Cette estimation pourrait même être revue à la hausse puisque la population interrogée est âgée de 18 ans et plus, quand les primaires sont ouvertes également aux moins de 18 ans qui seront en âge de voter lors de la présidentielle. S’il paraît cependant bien évidemment fort peu raisonnable d’imaginer une vague d’une telle ampleur se déplacer lors des primaires – un tiers de ce chiffre constituerait déjà une belle réussite – on peut cependant penser que les consignes de vote et les reports de voix sont plus flous et dispersés que prévus.

En outre, les choix effectués par les personnalités du PS paraissent plus que prévu, pour preuve le ralliement de Moscovici qui en profite pour prendre un des postes clés de l’équipe de campagne de Hollande ou celui de Collomb, ancien allié de Ségolène Royal, même si la majeure partie des amis de DSK ont rallié Martine Aubry comme Catherine Tasca, Alain Richard ou Tony Dreyfus, en passant par le président du conseil général d’Ile-de-France, Jean-Paul Huchon.

François Hollande : le nouveau favori des sondages


Au final, la logique transcendante au Parti Socialiste semble convenir parfaitement à l’élu corrézien. Depuis le mois d’avril, François Hollande fait la course en tête des intentions de vote au premier tour, partant de 37% jusqu’à 44% des suffrages potentiels. Sa rivale et pour tout dire sa seule adversaire crédible actuellement vu l’écart creusé avec les autres, Martine Aubry, ne parvenant plus à dépasser les 34%.

Le premier tour

(source Opinion Way – Fiducial2 )

Il est à noter que l’ancien premier secrétaire du parti arrive en tête auprès de l’ensemble des sympathisants de gauche mais également des sympathisants PS. En outre, cet écart avec la maire de Lille paraît d’autant plus important que près d’un électeur sur deux déclarant vouloir voter pour François Hollande se déclare également certain d’aller voter. Cette proportion n’est que de 30% pour les soutiens de Martine Aubry.

En outre, autre avantage pour l’ancien secrétaire national du PS, celui-ci est particulièrement populaire auprès des catégories de population qui traditionnellement votent le plus massivement. Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, expliquait ainsi3:« S’il y a de l’érosion parmi les 9 % de ceux qui se disent certains d’aller voter, on peut supposer qu’elle sera moindre au sein des segments de l’électorat qui sont traditionnellement les plus “participationnistes”, c’est-à-dire les hommes et les retraités. Or, dans chacun de ces segments, c’est François Hollande qui, pour l’instant, est en tête. »

Le second tour

Cette tendance est également présente au second tour puisque Martine Aubry ne parvient pas à dépasser les 44% de voix potentielles. L’écart entre les deux candidats est d’autant plus important que près des deux tiers des personnes déclarant vouloir voter pour le favori des sondages se disent certains d’aller voter, quand cette proportion n’est que de 38% pour son adversaire.

 

Au-delà des chiffres du moment, il est surtout intéressant de percevoir la tendance à plus longtemps terme : « la dame des 35 heures » comme aiment à l’appeler ses opposants, était nettement en tête des intentions de vote du début d’année. Depuis le mois d’avril, le rapport de force semble s’être modifié au profit de son adversaire et ne semble pas pouvoir être remis en cause.

Un vote sur le fond, pas à la tête du client et pas dans une logique partisane ?

Autre information intéressante, le report de voix ne semble pas du tout opérer tel qu’on aurait pu l’imaginer, selon des pures lignes partisanes. En effet, celui-ci est favorable à François Hollande, auprès de tous les autres candidats.

 

Ce non–suivi strict des consignes et cet oubli relatif des querelles anciennes peuvent s’expliquer par la dynamique de campagne et les motivations des futurs électeurs : alors qu’une majorité d’entre eux met en avant le débat de fond et la capacité à vaincre Nicolas Sarkozy comme facteurs déterminants du choix de vote, les aspects personnels du candidat n’apparaissent que marginal.

On peut noter que la capacité à battre Nicolas Sarkozy est particulièrement importante chez les personnes sures d’aller voter (49%). On passerait donc d’une élection sur la personnalité du candidat, à une élection misant avant tout sur un programme et un véritable choix politique.

Une victoire inéluctable ?

François Hollande serait donc en train de remporter une bataille, sur le fond et sur la forme, face à des logiques partisanes au départ favorables à son adversaire. Cette tendance favorable pour lui se transpose également sur l’opinion positive générale le concernant : alors qu’il ne recueillait que 39% d’opinion favorable à la mi-janvier, son adversaire le dépassait alors nettement avec 46%, il a régulièrement progressé pour atteindre 58%, quand son adversaire socialiste stagnait à 49%4.

En fait, parallèlement à la progressive montée en puissance de François Hollande, tout se passe comme si Martine Aubry n’était jamais vraiment entrée en campagne : elle n’a, visiblement, jamais su lancer la machine, progresser dans les sondages, modifier son image. Il semble qu’elle ne parvienne pas à rassembler une majorité claire de potentiels votants autour de sa personne, ni à vraiment focaliser vraiment l’attention autour de son projet : pour preuve de ce constat, les audiences chaque fois catastrophiques de ses interventions télé.

  1. http://www.lesprimairescitoyennes.fr/comment-ca-marche [Revenir]
  2. http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway-fiducial-le_figaro-lci_le_barometre_des_primaires-vague4_15_juillet.pdf [Revenir]
  3. http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/08/29/les-candidats-parient-sur-des-electorats-differents-a-la-primaire-socialiste_1564809_823448.html [Revenir]
  4. sondage Viavoice – Libération de juillet 2011 [Revenir]