Je me lance, je me décide enfin
à prendre la plume pour t’écrire ces quelques mots. Et
crois moi, il me faut une sacrée bonne dose de courage pour
oser m’adresser à toi de la sorte.
Bon, bien sur, je ne me fais pas trop
d’illusions, il y a peu de chance que tu parviennes à lire
cette missive.
Je dois t’avouer que ma vie a basculé
depuis le jour où j’ai croisé ton regard. C’était,
il y a environ deux semaines. Je rentrais chez moi.
Je descends
l’auto au sous sol pour la garer dans son box qu’elle aime tant,
puisqu’elle y est au calme, loin de la fureur de la ville. Puis,
tranquillement, insouciant du danger, je me dirige vers l’ascenseur.
Avant d’y accéder, je dois encore traverser un petit sas entre
le garage et le couloir. C’est en pénetrant dans ce sas que je
tombe nez à nez avec ce qui, depuis, hante mes nuits.
Une effroyable, énorme, immonde
et menacante araignée. Attention, pas la petite bête que
les écoliers prennent entre leurs petits doigts pour effrayer
les petites filles en leur courant derrière. Non, celle ci
était plutôt à ranger dans la catégorie
des bêtes féroces, genre mygale ou tarantule.
Alors, bon, j’ai beau être un
homme (si, si, j’vous jure !), avec tout ce qu’il faut … là,
n’écoutant que mon courage, j’ai fermé la porte et je
me suis enfuis en ressortant par la grande porte du garage. Le
souffle court, le coeur battant, la sueur au front.
Depuis, je vis un enfer, puisque je
n’accède à mon garage qu’en passant par dehors. Les
voisins me prennent certainement pour un débile. Je les
soupconne, dès que j’ai tourné le dos de dire des trucs
du genre
« il est pas un peu con le
type du premier, il va au garage par dehors, alors qu’il pleut !!
Pourquoi il descent pas directement par l’ascenseur ? »
« ouais, t’as raison
Geneviève … mais c’est qui le type du premier ?? celui qui a
un basset hound qu’il a baptisé Derrick ? »
« Ouais c’ui là »« Arf, ça ne m’étonne
pas qu’il soit comme ça alors ! Un chien pareil avec un nom
pareil … c’est même étonnant qu’il ai reussi à
trouvé la porte du garage !! Sinon, tu reprendais bien une
petite Suze ? »
« aller, Ok, on marche sur
deux jambes, non ? On va pas repartir sur une patte !! »
(Tous les prenoms ont été modifiés, sauf celui du chien)
Tu vois à quoi j’en suis réduit
l’araignée à cause de toi. Sans parler que les dix
mètres que je parcours dans le garage, je les fais la tête
levée au plafond, redoutant à chaque instant, le moment
où tu vas me tomber sur la tête !! Hein, quoi, j’suis
parano, moi ?? Qui a dit ça ?
Bien sur, j’entends déjà
les gars, virils, forts, les ‘moi, peur de rien’ qui vont me dire,
après s’être copieusement foutu de ma gueule: « Mais
t’avais qu’à l’écrabouiller cette bestiole … eh, les
petites bêtes mangent pas les grosses !! »
Euh, d’abord, j’ai même pas peur
qu’elle me mange, juste qu’elle me grignote un bout d’oreille,
qu’elle ponde ses oeufs dans mon crâne (il y a la place, depuis
que j’ai enlevé mon petit vélo).
Puis je pouvais pas la tuer. Vu sa
taille, il m’aurait fallu une pelle de chantier, une mine anti
personnelle ou le menton d’un Bogdanov.
Mais malgré tout le dégout
que me provoque la vue d’une araignée, j’ai beaucoup de mal à
leur faire du mal depuis cette histoire que m’a raconté un
pôte musulman.
Un jour de printemps, cezig était
dans mon auto. Je roulais lorsque je vis une tout petite araignée
monter le long de la fenêtre de la voiture. M’apprétant
à mettre fin à l’existance de l’insecte (ben oui celle
ci était minuscule), mon ami stoppa mon geste, pretextant
qu’il faut la laisser vivre et qu’elle porte bonheur et me raconte la
raison.
Alors je sais pas si j’ai bien tout
compris à l’histoire, mais il semblerait qu’en tissant une
toile devant une grotte dans laquelle s’était abrité le
prophete je crois, ou Kadhafi, je sais plus, cette toile lui avait
sauvé la vie puisque ses poursuivants n’ont jamais trouvé
le grotte.
Bon, c’est sans doute une légende
ou alors l’araignée tissait vachement vite, ça devait
être une araignée chinoise ou un truc du genre
génétiquement modifié.
Cela fait donc quinze jours que je me
dit qu’il y a un foutu porte bonheur dans mon garage qui me fout les
pétoches … le plus dur c’est de dormir les yeux ouverts, des
fois qu’elle ait envie de venir me porter bonheur dans mon lit.
Bonne nuit les petits.