Troisième et avant-dernière partie de notre série sur l’accès à l’information télévisée pour la communauté sourde où nous présenterons un rapide historique de la présence de la langue des signes française à la télévision avec l’apparition à l’écran des premiers interprètes en LSF.
Les deux premières parties sont ici et là.
C’est en 1970 qu’une première émission de télévision est interprétée en LSF à la télévision française appelée à cette époque ORTF. Il s’agissait d’une émission religieuse présentée par le Père Claude Robert.
Puis, la visibilité de la langue des signes s’accroît : en Janvier 1979 une nouvelle émission en langue des signes est diffusée, « Mes mains ont la parole ». Destinée au jeune public sourd et malentendant elle est présentée par Marie-Thérèse L’Huillier puis, à partir de 1986 par Philippe Galant, un comédien également sourd. Elle sera diffusée jusqu’en juin 1988 sur Antenne 2 dans le cadre de l’émission de jeunesse Récré A2.
Souriante, la jeune conteuse raconte en langue des signes, accompagnée d’une voix off féminine, des histoires de contes et de légendes pour les enfants…
Son intervention débutait ainsi : « Regardez, regardez mes mains. Elles vont vous raconter une histoire. L’histoire…»
En 1992, sur France 3, une émission de «La Marche du Siècle» a pour thème «Le Peuple des Sourds». Cette émission, de débats et de reportages animée par Jean-Marie Cavada, avait pour objectif de présenter la communauté sourde en France. Comme le rappelait Daniel Abbou lors du Congrès de l’Unisda en 2007, «il y avait quatre interprètes sur le plateau, il y avait des traductions durant les reportages et il y avait un interprète juste à coté de Jean-Marie Cavada. C’était vraiment une situation exceptionnelle qui ne s’est jamais reproduite. Puis il y avait un quatrième interprète en médaillon pour interpréter tous les débats. Donc il y avait toute une organisation. C’était en 1992 et ce qui a permis effectivement à L’Oeil et la Main dans la foulée de se créer».
Seule émission en langue des signes du paysage audiovisuel français, «L’Œil et la Main», apparaît en 1995 sur France 5. Elle s’adresse aussi bien aux sourds qu’aux entendants. Présentée par Daniel Abbou et Isabelle Voizeux, chaque émission est consacrée à un thème illustré par un film documentaire ou un reportage. Les sujets évoqués sont variés : le militantisme politique, la situation de la communauté sourde en de nombreux pays, l’histoire des langues des signes, les sourds et la santé, la justice, le monde du travail… Le but est de mettre en images le point de vue de sourds et, ce faisant, de porter un regard différent sur ce monde. L’émission propose une traduction permanente entre le français et la langue des signes, et sa réalisation est supervisée par un comité éditorial composé de personnes sourdes d’âges et d’horizons différents qui travaillent en collaboration avec des réalisateurs entendants.
A cette même époque (1995), France 3 Midi-Pyrénées diffuse pendant plusieurs mois une émission mensuelle : « Pôle-Signes ». Produite et réalisée par Vidéo-Signes, société de production créée par Jacques Sangla (producteur et réalisateur sourd qui est à l’origine de Websourd) cette émission s’arrête après quelques numéros.
En 1998 le rapport Gillot est présenté à l’Assemblée Nationale. Afin que les sourds puissent suivre les débats une incrustation en médaillon à l’écran offre la traduction en langue des signes par un interprète. Depuis, ce même système est repris les mardi et mercredi lors des séances des questions au gouvernement.
En décembre 1975, sur Antenne 2, une première émission d’informations est proposée aux téléspectateurs sourds avec la collaboration de deux locuteurs entendants pratiquant la langue des signes et faisant office d’interprètes : Joëlle Lelu-Lapnièce et Claude Marcotte (enfants de parents sourds). Bi-hebdomadaire et intitulée «Le Journal des Sourds et des Malentendants» elle propose en 15 minutes un résumé des informations de la semaine.
Puis, en 1977, naît le premier journal télévisé hebdomadaire (diffusé chaque samedi vers 18h20) pour les sourds traduit en LSF sur Antenne 2 : «Le journal des sourds et malentendants» créé à l’initiative de l’Unisda. «C’est grâce à l’appui du premier ministre et du délégué général à l’information que l’Unisda a pu établir des contacts avec la direction d’Antenne 2 et elle fut reçue par son président, M. Julian. Une première série d’émissions expérimentales fut diffusée sur cette chaîne pendant les vacances de Noël 1975. L’expérience ayant été concluante, Antenne 2 a programmé de façon permanente une émission hebdomadaire composée d’un résumé des nouvelles de la semaine traduite en langage gestuel, accompagnée d’images sous-titrées».
Au tout début, c’était Claude Marcotte, lui-même journaliste, et neuf interprètes, qui traduisaient. Ses parents étant sourds, il était particulièrement impliqué dans ce projet. Il fut ensuite rejoint par Frédéric Astoux, journaliste, qui deviendra le responsable de ce journal. Le relais fut alors passé à des interprètes professionnels comme : Élisabeth Kraut, Francis Jeggli, Cécile Guyomarc’h ou Corinne Gache.
À cette époque les interprètes travaillaient de façon individuelle. Cependant, France 2 souhaitait travailler avec un service d’interprètes pour plus de fiabilité, plus de régularité, par exemple pour pouvoir facilement remplacer un interprète qui serait indisponible.
C’est pourquoi, le 6 septembre 1991, suite à une sollicitation de cette chaîne, Serac, un service d’interprètes, signe une première convention pour un flash d’informations quotidien de trois ou quatre minutes diffusés du lundi au vendredi vers 11h00 et interprété en LSF.
Un avenant est très rapidement ajouté au contrat (le 12 septembre 1991) pour compléter ce flash quotidien par un flash d’informations thématiques sur la surdité. Il s’agissait de délivrer des informations plus ciblées vers le public sourd : annonces d’événements, de conférences… Celui-ci était enregistré le vendredi et diffusé le samedi matin. Cependant, il fut rapidement supprimé de l’antenne.
A suivre…