Sur un chemin de découverte vers "Le Hameau des Coquelicots" en compagnie de Christian Couteau qui m'accorde le bénéfice de son article rédigé avec tant de poésie.
"Un peu d'eau pigmentée, quelques mots épicés, une recette personnelle pour vous faire goûter la découverte d'un site discret du terroir gascon dominant le minuscule village de Saint Léon en Lot et Garonne...
Rompant une désertion de dizaines d'années, les fleurs messicoles montrent de nouveau leur nez dans ce terroir agricole.Indomptables et libérées, elles veulent casser l'image de ces fleurs jaunes domestiquées, haut perchées et trop serrées dans des parcelles bien alignées, qui tendent leur cou et chapeau d'été vers leur tuteur préféré, le soleil bien aimé, comme pour mieux bronzer jusqu'à s'en laisser griller. C'est beau l'amour ! Cela vous fait tourner la tête....
Tel un artiste peintre inspiré par les belles croupes arrondies des collines, qui dessinent comme une douce campagne Toscane, le beau temps aime flâner tard dans cette arrière saison. Un clin d'œil à "l'été indien", saison chère à ces peuples d'outre-atlantique qui n'ont plus que ce type d'images à célébrer en mémoire de leurs ancêtres amérindiens ....Ici la couleur oxydée de la terre est comme leur peau : "pain brûlé"... Et lorsque le soleil généreux est trop orgueilleux pour laisser une petite place aux larmes du ciel, les paysans soupirent impuissants contre cette tendance de "croûte trop cuite" qui fige les parcelles, signe annonciateur d'une terre peu propice à leur assurer de quoi "casser la croûte"...
Si tous les chemins mènent à Rome, venues de cette capitale, d'antiques légions avides de nouveaux territoires ont laissé un lointain souvenir de leur passage là haut, tout près du " Hameau des Coquelicots " vers la chapelle de la Madeleine... De ces voies synonymes de rectitude, subsiste dans l'inconscient l'expression imagée de l'ampleur de la tâche: "un vrai travail de Romains"... Quelques impacts blanchâtres éclairent le teint sombre de la peau nue des parcelles, image de joues trop fardées à la poudre de riz comme dans les fêtes des palais vénitiens, indice révélateur d'habitats anciens.
Une trace perdue dans la mémoire des hommes que seule la couche arable conserve au frais en son sein protégeant les vestiges du passé Seul un œil inquisiteur aura tout loisir d'interpréter des éléments insignifiants que la nature a su figer, malgré les désordres de surface d'un remembrement perturbateur. Alignement d'arbres, vestiges de haies où prolifèrent des plantes calcicoles, tronçons de chemin creux...Souvent le souvenir fragile de leur antique présence s'accroche à quelques impénétrables ronciers, garnissant de vagues dépressions que le temps et l'érosion par leur travail d'usure ont gommé du paysage. Bien avant ces conquérants aux sandales de cuir, les "chasseurs indigènes aux pieds nus" ont tracé la résille primordiale des chemins de campagne. Sur la piste du gibier, poussés par leur préoccupation nourricière, ces traqueurs sans chien de chasse suivant leur intuition et les discrètes "coulées" ont par leurs foulées inscrit dans la nature les futurs passages obligés.
Ici quand l'imagination de ses tensions se libère, tout remonte : images, senteurs et sons.Un souvenir lointain comme un poème de Baudelaire !
Cliquetis de chaînes de la charrue, jurons du laboureur qui n'entend pas les gémissements d'une terre qu'il éventre, piaillements aigus de pintades haut perchées dans la haie sous les "charmes"de laquelle elles sont tombées, vacarmes de la basse-cour où certains volatiles se volent dans les plumes pour de sombres histoires de rivaux qui osent faire la cour, claquement d'ailes dans les chaumes des blés quand les cailles décollent apeurées, explosions nocturnes comme des feux du quatorze juillet, lorsque les fusées agricoles chassent la grêle, après ces rudes journées d'été où l'atmosphère lourde comme une chape de plomb empêche de respirer, grincement rouillé de la poulie du vieux puits qui n'en peut plus de remonter des seaux pleins cabossées...
Odeur sucrée d'une treille qui apporte de l'ombre au vieux mur maquillé en vert cuivré, héritage d'une certaine bouillie du bordelais...Effluves piquantes du moût de vendange qui s'échappent du chai...Senteurs âcres des feuilles de tabac brun suspendues dans les séchoirs élevés avant d'aller se faire griller...Remontées fortes de sueur d'une terre apaisée après une douche tiède d'orage, senteurs acidulées du sureau noir aux fleurs blanches...
Au milieu de ces immenses terrains ondulés, comme un bateau au mouillage se dresse le Hameau des Coquelicots. Une lumière légère l'inonde, les papillons comme des taches de couleurs y font la ronde, aux sources de nectar les abeilles abondent. Ici chiendent, liserons, moutarde, camomille romaine, "dents de lion" vivent en osmose dans un environnement sans clinquant ni brillant. Un lieu où même le Divin s'est arrêté tellement l'emplacement lui convient...La terre y respire la vie ! Cette terre qui donne envie de l'embrasser, de la fouler pieds nus, de se rouler dans la verdure, comme le chat "gris souris" du lieu, tapi dans la nature.
Tout proche de là, au carrefour du bas de "Bidoulet", survivance des pratiques du passé pour porter bonheur au cheminement des voyageurs, un petit oratoire lui est consacré. A ses pieds à la saison concernée, discrètement des fleurs champêtres s'y recueillent, dont les fidèles et timides coquelicots et bleuets..... Ces plantes annuelles trop pourchassées ont en effet mal vues par les agriculteurs. Ironie du sort car le bleuet est surnommé "casse-lunettes" par son pouvoir bénéfique sur l'acuité visuelle, tandis que son compagnon le coquelicot à qui l'on attribue des pouvoirs maléfiques - famille des pavots - est surnommé "chaudière d'enfer".
Pour la découverte complète du domaine, suivez Pascale : la mieux placée pour vous guider et vous accueillir pour le prolongement du rêve..."
Christian Couteau exprime ses vifs remerciements à Didier Massé , auteur de la photo "Coquelicots et bleuets ( pourpre entre le bleu et le rouge)".
Envie de découvrir un peu plus le talentueux Christian Couteau ? Envolez-vous pour Valparaiso en compagnie de Pablo.. puis destination son très beau blog Aquarelle et Voyage