J’me « like », qu’est-ce que j’me « like »

Il y a une chose absolument fabuleuse sur Facebook et qui ne cesse de m’étonner tous les jours, ce sont les gens qui se « like ». Oui vous savez, ceux qui postent la petite phrase du jour sur leur wall, du style « Chloé a fait sa première rentrée, ouf, pas de cris ni de larmes ». Ca c’est plutôt mignon même si c’est vrai qu’on en a pas mal bouffé du gamin cette semaine. Non, ce qui est drôle, c’est qu’en plus de poster cette phrase d’anthologie, certains utilisateurs de Facebook vont jusqu’à « liker » leur phrase. Ce qui signifie en gros et si on était dans la vraie vie « Chloé a fait sa première rentrée, pas de cris ni de larmes » et la minette d’en rajouter en vous gueulant dans les écoutilles : « t’as entendu ce que je viens de dire ? C’est cool non ? C’est vachement passionnant hein ? Tu « likes » ? Tu « like » toi aussi ? Allez, « like », quoi, fais pas ta connasse ». Je sais bien que Facebook a pas mal bousculé les codes de communication, mais il est amusant de constater que la pudeur est partie faire un tour, et n’a pas été remplacée par l’humilité. Certes, on parle tout le temps des photos de profil léchées comme des pages de magazine. Au royaume de Facebook, l’herpès n’existe pas. Moi la première, j’essaie de mettre des photos pas trop moches, et je ne vois pas en quoi j’en sortirais plus grandie si je mettais ma photo de classe de 5^ème B. On essaie tous de montrer notre meilleur profil, c’est de bonne guerre. C’est même une question de politesse.

Mais se « liker » procède d’une démarche différente. Se « liker » c’est un peu comme se masturber devant tout le monde. J’exagère ? A peine, c’est s’auto-satisfaire, c’est se donner des bonnes notes, c’est enfoncer les coudes dans les côtes de son voisin en lui disant « t’as vu comme ce que j’ dis est (au choix) drôle, intelligent, étonnant, bouleversant ». C’est aussi un moyen de ne pas se retrouver seul comme un con avec sa petite phrase suspendue en l’air, avide de commentaires. Parce que ça, c’est terrible aussi sur Facebook. On met une petite phrase d’humeur bien sentie, un truc avec une belle pointe d’humour. On la peaufine, on la digère et on imagine déjà les « amis de Facebook » la récupérer au vol avec les commentaires idoines. On se gargarise par avance d’avoir balancé le petit commentaire qui fait réagir, comme ça, d’un claquement de clic. Mais là, intense moment de solitude, on retourne faire un tour sur son Facebook et la phrase n’a pas trouvé son public. Elle est toute seule, perdue au milieu de la home page, elle descend progressivement avant de se faire oublier dans un coin. Tout le monde s’en fout. Et ce silence est assourdissant. Bien plus que des mots, il signifie « ce que tu viens de dire, on en a rien à carrer ». Alors se « liker » c’est certainement un moyen de se protéger. Si personne ne m’aime, moi au moins je m’aime.