Rappels sur le fléau des algues vertes en Bretagne
Quand elles s'entassent en grande quantité, les algues vertes aussi appelées " laitues de mer ", peuvent dégager de l'hydrogène sulfuré, un gaz potentiellement mortel. Celui-ci peut provoquer une irritation des yeux, du nez ou de la gorge, et, en cas d'exposition aigüe, peut entraîner perte de connaissance, coma accompagné d'oedèmes pulmonaires et décès.
En 2009, un cheval enlisé sur une plage recouverte d'algues vertes avait trouvé la mort en inhalant une quantité trop importante de ce gaz. Un an plus tôt, deux chiens avaient connu le même sort.
Parmi les causes de la récente prolifération de ces algues figure la prolifération des nitrates. Le nitrate provient aujourd'hui essentiellement des activités agricoles, notamment de l'épandage d'engrais azoté d'origine minérale ou organique (engrais de ferme, issu des déjections animales : lisier ou fumier - forme liquide ou solide).
Chargés d'effectuer des analyses de la qualité de l'air dans les zones où se développent les algues vertes, l'Anses et l'Ineris estiment que les émissions d'hydrogène sulfuré au niveau du sol atteignent des seuils mortels et n'excluent pas d'éventuels accidents.
Deux rapports officiels ont confirmé mardi et mercredi les effets meurtriers de l'hydrogène sulfuré (H2S), un gaz toxique émanant d'algues vertes en décomposition. En effet, une courte durée d'exposition (une minute) suffirait à entraîner la mort de toute personne respirant un taux de 2400 mg/m3 de ce gaz.
Chargés de procéder à une campagne de mesures pour évaluer les niveaux de concentration en H2S au sol et dans l'air ambiant à proximité des zones d'habitations de la baie de Morieux (Côtes d'Armor), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'environnement (Anses) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ont découvert des dégagements pouvant par endroit aller jusqu'à 3 000 mg/m3, alors que le seuil létal est à 2400 mg/m3. Ces mesures effectuées au sol diminuent au fur et à mesure que l'on s'élève dans les airs.
Dans l'air ambiant, "les concentrations les plus élevées ont été relevées dans les zones les plus difficiles d'accès (zones escarpées, vasières). Sur la zone témoin de l'étude (hors des zones de dépôts d'algues), la valeur mesurée est 2,9 μg/m3; elle est un peu supérieure à ce qui est généralement observé dans l'air ambiant, en France (0,15 à 0,45 μg/m3)."
Pour rappel, cet été, les cadavres d'une trentaine de sangliers, de ragondins et de blaireaux ont été retrouvés sur la plage de Saint Maurice à Morieux et dans l'estuaire du Gouessant qui y débouche. Or, l'Anses et l'Ineris ont retenu comme "hautement probable" l'hypothèse d'une intoxication au sulfure d'hydrogène (H2S) pour expliquer la mort de ces animaux.
''La survenue d'un accident ne peut être écartée''
Le rapport relativise cependant le danger pour l'homme en faisant valoir qu'il faut envisager le cas d'une chute accidentelle suivie d'une immobilisation de plus d'une minute dans une vasière très toxique pour que le risque soit létal.
Malgré des concentrations ponctuellement importantes relevées dans l'air (jusqu'à 210 µg/m3), "le fait de résider à proximité de la plage ou de l'estuaire toute la saison (...) ne semble pas présenter de risque préoccupant pour la santé" des riverains, précise ainsi le rapport.
Mais "il semble important, d'un point de vue environnemental, de ne pas négliger l'aspect chronique des expositions à l'hydrogène sulfuré et de maintenir l'effort pour réduire la formation des algues vertes", poursuit l'Ineris.
De plus, l'Ineris considère que l'odeur d'''oeuf pourri'' qui émane des algues vertes n'encourage pas les promeneurs à s'attarder sur la zone. Pour des randonneurs qui se déplacent sur des zones d'accumulations d'algues vertes avec des valeurs de 15 à plus de 140 mg/m3 un risque " d'anesthésie de l'odorat " existe, " au-delà d'une heure d'exposition en continu sur des zones de dépôts d'algues".
Si les cas d'immobilisation près de seuils élevés restent "peu probable" selon le rapport, "l'hypothèse de la survenue d'un accident ne peut être écartée (enfant jouant dans le sable, chute grave...)''.
Célia Garcin