Comme dans la plupart des États africains, les échéances électorales en RDC sont propices à l'agitation, voir au conflit. Pas plus tard qu'en ce début de mois de septembre 2011, deux mois avant les élections, les marches de protestation se succèdent et de nombreux journalistes se disent accusés de soutenir l'opposition et ainsi menacés. La « bagarre » entre Kabila et ses potentiels rivaux (Bemba, Tshisekedi, Makombo, Kamerhe,…) risque d'être difficile dans tous les camps politiques, mais également pour l'économie : les 6,5% de croissance économique prévus en 2011 pourraient en souffrir.
Cependant, la RDC ne rebute pas pour autant les investisseurs. En effet, elle dispose d'atouts non-négligeables. Premièrement, l'article 34 de son code d'investissement stipule que « la propriété privée est sacrée ; l’Etat encourage et veille à la sécurité des investissements privés nationaux et étrangers ». Une responsabilité de l'Etat qui est renforcée par son adhésion (en cours) à l'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires). Adhésion qui marque une avancée importante pour l’amélioration du climat des affaires et le respect de l’Etat de droit en RDC, ainsi que pour l’intégration juridique en Afrique. Forte de ces avancées juridiques en matière de droit des affaires, la RDC continue d'attirer les investissements étrangers. Pour illustrer le propos, trois exemples : le sous-sol, l'agriculture et les télécommunication.
Premièrement, et ce depuis l'époque coloniale, les immenses richesses du sous-sol congolais sont exploitées par une multitudes d'acteurs internationaux. Les belges sont toujours très présents dans l'extraction du minerais de cobalt, et des très stratégiques « terres rares » au travers d'Umicore. En plus d'une concurrence chinoise de plus en plus importante, ceux-ci devront composer à l'avenir avec la concurrence russe. KZF et Conrus, deux filiales du groupe minier russe Rosspetssplav, se sont associées à la Société minière du Kivu pour l'exploitation de deux sites riches en niobium (utilisé dans les aciers à hautes caractéristiques notamment dans le secteur spatial) dans la province du Nord-Kivu. Cet investissement russe dans l'extraction minière est une première en RDC. Quant au secteur pétrolier, bien qu'il ne soit pas ou peu « off-shore » en RDC, il n'y est pas étranger. Tant dans la région de Kinshasa qu'à la frontière ougandaise (Lac Albert), prospection et exploitation s'enchaînent. Total est partie prenante, au même tire que l'italien ENI qui bénéficie du lobbying « offensif » du Vatican. Bref une véritable guerre économique pour le pétrole congolais. Deuxièmement, à nouveau les belges dans les plantations : la Nocafex (38.000 ha de concessions) et Finasucre (12.000 ha de canne à sucre au Bas-Congo). Mais ce sont les chinois au travers de ZTE Agribusiness Company Ltd. qui remportent la palme avec plus d'un million d'hectares de palmier à huile. Il faut également noter les 100.000 hectares de canadien TriNorth. Enfin, troisième exemple dans le secteur des télécommunications : les chinois s'étaient associés à l'Etat congolais dans l'entreprise China Congo Telecom (troisième opérateur en RDC). Ceux-ci se désengagent toutefois et très probablement au profit de France Telecom qui reprendrait tant les parts chinoises que congolaises, soit une entreprise 100% France Telecom.
Un bref aperçu, loin de toute exhaustivité, mais qui démontre que la RDC est une terre d'investissements. Des efforts colossaux ont été faits ces dernières années, tant sur le plan politique, que sur les plans économique et juridique. Un problème récurrent dont les pays d'Afrique subsaharienne ont du mal à se débarrasser et qui représente un handicap majeur se situe dans les échéances électorales. Les prochaines élections présidentielles en RDC feront-elles exceptions? Avec des perspectives de développement et une croissance confortables, l'intérêt de la RDC et des entreprises exerçants sur son territoire, est une période ante et post-électorale empreinte de raison. Mais ce serait faire preuve de naïveté que de croire que les États étrangers et les grands groupes (miniers, pétroliers, agroalimentaires, bancaires…) ne se serviront des prochaines présidentielles congolaises pour mener leur propre guerre économique. En dépit des efforts faits par les africains eux-mêmes et les institutions internationales (processus de régionalisation, zones de libre-échange, harmonisation du droit,…), l'Afrique est souvent considérée comme un grand échiquier sur lequel se joue une véritable guerre économique, plus que nébuleuse, mêlant intérêts politiques et stratégiques. L'immense RDC échappera-t-elle à la règle?
Stéphane Mortier