Travaillant sur un certain nombre de relations bilatérales, je m'aperçois qu'il y a finalement peu de choses sur l'Italie. Et qu'au fond, il s'agit du grand oublié de la géopolitique française. On ne peut pourtant réduire "France-Italie" à un simple match de foot ?
1/ Des liens naturels, ancestraux, intimes entre France et Italie, les sœurs latines :
- deux pays latins catholiques, avec donc la double filiation romaine, à la fois impériale et papale
- une longue parenté historique (Charlemagne couronné à Rome, guerres d'Italie, Napoléon, unification italienne, ....)
- une longue tradition migratoire
- une proximité linguistique évidente : la vitesse à laquelle j'ai appris l'italien m'a fait perdre beaucoup de l'admiration que j'avais pour le don des Allemands à parler anglais.
- le facteur méditerranéen : de l' EUROFOR de Florence au format 5+5 ou à l'UPM, évidemment, les deux pays ont énormément de points en commun.
2/ Une ambition italienne : être considéré comme "un grand"
- parce que la taille de la population
- la puissance économique
- l'héritage de l'histoire cf. les ambitions impériales de Mussolini qui voulait avoir ses colonies comme les autres....)
3/ Un choix occidental américain et européen constant et affirmé :
- Avec les US, en raison de la diaspora italienne et de la libération de 43-45. : dès le début, choix de l'Alliance atlantique (payée en retour : longtemps, énormément de bases OTAN et américaines en Italie)
- En Europe, en adhérant à toutes les institutions : Traité de Bruxelles UO, plan Marshall/OSCE/OCDE, CEE, UE, Conseil de l'Europe.....
4/ Mais une négligence politique française constante, peut-être parce qu'on néglige toujours la famille par rapport à l'ami de la famille qui nous impressionne par sa richesse (l'Allemagne) ou ses manières (l'Angleterre).
- commencée sous De Gaulle et poursuivie par Giscard même si Mitterrand essaye de trouver un nouveau modus vivendi (sa première visite d'Etat est à Rome en 1982 : sur cette période, voir ici)
- alors pourtant que les relations économiques et culturelles fonctionnent très bien. Trop bien peut-être, les Italiens s'agaçant récemment du capitalisme français trop envahissant (banques, luxe, électricité...)
5/ On perçoit donc des agacements réguliers de la part de Italiens, qui déplorent toujours le manque d'égard des Français :
- Ils ne sont pas d'entrée de jeu dans le G4 convoqué par VGE, au milieu des années 1970
- L'asile français accordé aux participants actifs des "années de plomb"
- plus récemment, la controverse sur l'accueil des immigrés en provenance de Tunisie et au-delà, la question de la "solidarité Schengen"
- quelques divergences sur le dossier libyen, à ses débuts.
- des divergences sur la politique énergétique, l'Italie soutenant de près les vues russes et notamment le gazoduc Southstream
6/ Pendant ce temps-là, les Français ne pensent pas à s'appuyer sur ce "quatrième grand d'Europe", et restent fascinés par les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Angleterre.
7/ Un dernier point : la relation entre la France et le Vatican s'insère/s'ajoute à cette relation générale :
- certes, et depuis longtemps le Vatican n'est pas l'Italie et les deux ambassades sont distinctes.
- Le réseau de l’Église est trop influent et "catholique", c'est-à-dire au sens premier universel, pour que la France puisse le négliger.
- Toutefois, l'importance des prélats italiens dans la Curie, et l'influence de l’Église dans la vie italienne sont telles que cette relation, couverte par le principe général de laïcité, a quelques recoupements avec la relation franco-italienne.
Ainsi, au bilan, une relation "bonne", excellente même : les Alpes n'existent plus. Mais cette proximité peut laisser la place à de la négligence, qui n'est pas forcément la meilleure politique.
NB : Je suis à la recherche de littérature académique sur le sujet, et signe encore de cette négligence, je ne trouve pas grand chose (même sur limes, pourtant excellente revue italienne de géopolitique) : pouvez-vous m'aider ? En revanche, tapez "France Italie" sur google images, vous n'aurez que du foot (et un soupçon de rugby) : significatif...
O. Kempf