Les marchés financiers tremblent à nouveau. Depuis lundi, les Bourses s'affolent. A Paris, l'Assemblée s'agite. Rien n'y
fait. C'est l'heure de vérité, mais Nicolas Sarkozy, comme souvent, se cache en province.
Il est allé à la rencontre des routiers, ce mardi matin. « Vous savez, depuis 3 ans, j'ai fait près de 300
déplacements... C'est presque un an de ma vie » lâcha-t-il devant les micros. Les journées de travail sont bien courtes chez Nicolas Sarkozy. Ces déplacements de terrain, bi-hebdomadaires,
durent rarement plus d'une demi-journée, vol compris. Cette fois-ci, Sarkozy voulait réhabiliter le travail, expliquer combien il préférait être aux côtés de ceux « qui veulent travailler davantage » plutôt
que de ceux « qui réclament de travailler moins ». Nicolas Sarkozy devrait se détester, à force de vacances, vélos et plages au Cap Nègre.
Le mauvais contexte
En Europe, la Grèce que l'on nous avait vendu sauvée par une rigueur inédite et des milliards d'euros de prêts européens est
au bord de la faillite, c'est-à-dire du défaut de paiement. L'alerte a été donnée la semaine dernière, par le gouvernement grec lui-même. La rigueur... déprime l'activité (quelle surprise !), et
l'économie souterraine prospère toujours autant. Bref, le pays ne sera plus en mesure de rembourser ses prochaines échéances. Le FMI menace, l'Allemagne s'agace. L'affaire tombe mal. Les
différents parlements de la zone euro sont censés approuvés, comme en France pendant cette micro-session extraordinaire, le plan de sauvetage.
Pour les banques européennes, et notamment françaises, les conséquences d'un défaut de paiement de la Grèce signifieraient de
nouvelles pertes abyssales. Comme en 2008, chaque gouvernement serait appelé à la rescousse pour recapitaliser, voire nationaliser, ses établissements bancaires défaillants.
Le risque est alors grand d'un nouveau « credit crunch ». Déjà, les banques se prêtent moins les unes aux autres.
Comme en 2008, la méfiance est revenue. On s'approche du krach, mais à l'Elysée, comme il y a 4 ans, c'est silence radio. Le candidat est en campagne.
L'autre sujet d'inquiétude est évidemment la situation économique. Pour une fois les marchés ont raison d'être
inquiets. A force de multiplier les plans de rigueur, certes d'une ampleur variable d'un pays à l'autre, les gouvernements occidentaux ont cassé la timide reprise. Aux Etats-Unis, les
mauvais chiffres du chômage ont fait chuter toutes les Bourses vendredi dernier. En Allemagne, Angela
Merkel a fait mine d'ignorer la stagnation du PIB au second trimestre.
Le troisième facteur d'instabilité est la mauvaise visibilité politique dans la plupart des pays occidentaux. Aux Etats-Unis,
la cohabitation entre Barack Obama et un parlement républicain (chambre comme Sénat) fait des ravages. En Espagne, José-Luis Zapattero a convoqué des élections anticipées pour l'automne et
prévenu qu'il ne se représenterait pas. Au Portugal, la crise a provoqué des élections voici trois mois. Au Japon, sa mauvaise réaction à la catastrophe de Fukushima a coûté sa place au premier
ministre.
Le mauvais président
En France, le gouvernement bavarde, tergiverse, masque ou ignore. En une longue phrase, mardi sur Europe1, le ministre François Baroin, en charge de l'économie et des finances mais pas du budget (une
incongruité sarkozyenne depuis 2007), résumait maladroitement toutes les critiques qui sont portées à son gouvernement:
« On fait des réformes de structures et on produit des efforts, mais qui sont adaptés à l’économie française. J’entends certains qui ont dit : ‘ce sont des rustines’. Ce sont des gens qui se sont dégonflés quand ils étaient aux affaires. J’entends d’autres qui disent : ‘ce n’est pas assez. Qu’ils proposent autre chose. J’entends certains qui disent : ‘regardez l’Italie, regardez l’Espagne, voilà des gens sérieux’. Ils ne sont pas dans la même situation. On aurait un plan à l’italienne ou à l’espagnole, ce serait un plan récessif qui nous entraînerait sur un toboggan avec de l’huile." »
Les critiques sont-elles à ce point injustes ?
1. Mardi, Nicolas Sarkozy n'assumait pas et n'assumait rien. Ce fut à
François Baroin et Valérie Pécresse d'assurer le service après-vente et défendre tant les mesures de rigueur que le soutien à la Grèce. L'absence médiatique du chef de l'Etat sur ces sujets
cruciaux est incroyable. Il fallu attendre la fin de
journée pour apprendre que l'Elysée avait convié tous les députés UMP pour un déjeuner le lendemain. Le stress est manifeste. L'imprévoyance également. Mardi, Sarkozy préférait jouer au faux
candidat avec une quinzaine de routiers.
2. Pas de récession ? Peut-être, mais pas de croissance non plus ! On
nous promet qu'il n'y aura pas de récession en France. L'explication a encore été rappelée par François Baroin,: la France en récession ? « Elle ne l’est pas parce que nous avons un plan qui
s’appuie sur deux piliers : des mesures d’économie, et un pilier de croissance ». Il y a quinze jours, François Fillon avait été contraint de réviser les prévisions de croissance à la
baisse pour 2011 et pour 2012. Or, une croissance faible voire quasi-nulle ne fait pas de bons comptes.
3. Quel est donc ce plan dont l'une des jambes est un «pilier de croissance »
? Le ministre de l'économie racontait n'importe quoi : « Le moteur de l’économie française, c’est la consommation. Nous protégeons par des mesures à la fois d’encouragement ou
de pouvoir d’achat ce pilier de la consommation des ménages.» Quel soutien au pouvoir d'achat ? François Baroin voulait sans doute faire croire que l'absence d'austérité massive est en fait
une mesure de soutien de la demande ! Le plan proposé aux députés depuis mardi contient une belle hausse de la CSG, de la TVA sur les boissons sucrées (mais rien sur celles dosées à l'aspartam)
et les alcools forts sous le fallacieux prétexte qu'il faudrait joindre l'utile (la santé) au nécessaire (la lutte contre la dette).
4. Depuis 2008, que s'est-il passé ? Rien. En France, comme ailleurs,
l'attentisme a été incroyable. Aucune nouvelle régulation sérieuse n'a été imposée aux marchés financiers depuis. Ce nouveau séisme démasque l'immobilisme des dirigeants occidentaux depuis 2008.
Et au passage, ruine l'argumentaire électoral de Nicolas Sarkozy selon lequel notre monarque serait l'homme expérimenté qu'il nous faut pour affronter les turbulences de demain.
5. Concernant la Grèce, le leadership franco-allemand s'est avéré finalement bien faible. Après le sommet européen du 21
juillet dernier, les pays de la zone euro auraient du accélérer la manoeuvre, saisir rapidement leurs parlements, pour mettre en place, très
vite, les mesures annoncées en fanfare. Au lieu de quoi, Nicolas Sarkozy multipliait déjà les weekends de 4 jours avant de filer en vacances pour 23 longs jours au Cap Nègre. Pédaler plutôt que
gouverner ?
6. Dégagée de toute responsabilité gouvernementale, Christine Lagarde s'est inquiétée
de l'insuffisante capitalisation des banques françaises. Cette remarque de la directrice générale du FMI n'a pas plu au FMI. Lundi comme mardi, les banques ont dévissé en Bourse.
Christine Lagarde est-elle enfin lucide ?
7. Contre la crise, Nicolas Sarkozy a été imprudent, et peu prévoyant.
Il a commencé l'année 2011 en coupant 15% des crédits de la politique de l'emploi. Il a aussi lancé un « Grand Emprunt » anachronique pour « préparer » l'avenir alors que
l'urgence est immédiate. « A long terme, nous serons tous morts » disait la maxime. Nicolas Sarkozy s'est comporté comme s'il y avait un choix.
8. On aurait aussi pu espérer un minimum de courage politique. Le
Monarque a tous les pouvoirs, Vème République oblige. Il a nommé des proches à la tête des quelques banques (Caisse d'Epargne/Banques Populaires, Dexia) et institutions (Fond Stratégique
d'Investissement); l'Assemblée lui est acquise, tout comme le Sénat. Le gouvernement est à sa botte. Et pourtant, Sarkozy hésite. Ses efforts d'économies sont une goutte d'eau dans l'océan des
dettes. Sa chasse aux niches fiscales est ridicule. Les relèvements d'impôts frappent les plus modestes (600 millions d'euros d'augmentation de CSG). Comme l'écrit notre confrère Nicolas,
il est temps de redescendre sur terre et d'augmenter les impôts : « En 2001, la plus haute tranche des
impôts était taxée à 47%. Elle l’est maintenant taxée à 41%. »
UMP affolée
Mardi 6 septembre, l'Assemblée nationale débutait l'examen des
mesures de rigueur. Durant le weekend, Nicolas Sarkozy en avait abandonné déjà une, sans crier gare et pour des raisons de politique interne à l'UMP, le relèvement de la TVA sur les parcs à
thèmes. Quelle crédibilité ! Quelle vision !
Lundi, les députés UMP et Nouveau Centre de la commission des finances s'étaient mis d'accord pour assouplir une autre des
mesures d'économie: ils ont décidé de remettre une exonération d'impôt sur les plus-values immobilières sur la vente des résidences principales au bout de 30 ans de propriété (contre 15
actuellement), un joli cadeau pour la rente.
Mardi, le gouvernement a proposé de taxer... le Fouquet's et
consorts. Quel symbole ! Les nuitées hôtelières supérieures à 200 euros seront taxées d'une modeste contribution nationale de ... 2%. Devant son micro à l'Assemblée, Valérie Pécresse s'étranglait
à la tribune pour louer la « justice » du plan de rigueur.
A quelques kilomètres de là, dans la Loire, Sarkozy demandait à une assistance docile «
de réfléchir à ça : imaginez quelle serait votre réaction si la France était dans la situation de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie, voire des Etats-Unis ».
Certains, dans l'assistance, se sont demandés quelle serait leur réaction si la crise n'avait pas empêché Nicolas Sarkozy d'appliquer son programme.
Un président pas crédible, des députés affolés, des ministres abandonnés, où va-t-on
?
Sarkofrance