Placido Costanzi (Rome, c.1690-1759),
L’Immaculée Conception, c.1730 (étude préparatoire).
Huile sur toile, 65,4 x 81,28 cm, Los Angeles, Getty Museum.
Au printemps dernier, Leonardo García Alarcón nous avait gratifiés de très belles Vespro a San Marco dont les choix interprétatifs nous permettaient de renouveler notre approche de la musique sacrée de Vivaldi. Ceux qui suivent le parcours assez extraordinaire de ce chef savent qu’il n’est cependant pas homme à se limiter aux compositeurs très fréquentés ; avant Il Diluvio Universale, oratorio inédit de Michelangelo Falvetti, à paraître à la fin du mois de septembre aux Éditions Ambronay, il nous offre aujourd’hui Ave Maria, une anthologie consacrée à un autre inconnu, Giovanni Giorgi, publiée par Ricercar.
Bien qu’il ait occupé des fonctions éminentes, de nombreux éléments de la biographie de Giovanni Giorgi nous échappent, à commencer par son année et son lieu de naissance. On peut lui supposer, comme le fait le livret du disque, des origines voire un apprentissage vénitiens, ce dernier néanmoins largement tempéré par un séjour romain sans doute important, en termes de durée comme d’impact. Le nom du compositeur est, en effet, attesté pour la première fois à Rome en 1719, lorsqu’il succède à Giuseppe Ottavio Pitoni (1657-1743), nommé, lui, à la tête de la prestigieuse Cappella Giulia de la Basilique Saint-Pierre, en qualité de maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran. Le fait que Giorgi obtienne ce poste enviable laisse, à mon avis, conjecturer que ses compétences musicales étaient connues dans la Ville éternelle, un indice plaidant en faveur d’une implantation précoce, qu’elles y étaient suffisamment appréciées pour lui valoir un tel emploi, et qu’il bénéficiait d’appuis solides, vraisemblablement de Pitoni lui-même, une comparaison du style des deux musiciens révélant un plausible lien de maître à élève. Giorgi exerce à Saint-Jean-de-Latran jusqu’en 1725, année où, engagé par le roi João V, il rejoint la cour de Lisbonne en qualité de compositeur et maître de chapelle. D’après les recherches les plus récentes, il semble bien qu’il ait quitté cette ville après le tremblement de terre de 1755 pour gagner Gênes d’où il a continué à fournir de la musique pour les institutions portugaises avec lesquelles il était toujours lié par contrat. C’est dans cette dernière cité ou peut-être à Rome que meurt Giorgi en 1762.
De cette musique plus difficile à mettre en place qu’il y paraît, les vaillantes troupes (photographie ci-dessous) réunies
sous la direction à la fois vive et précise de Leonardo García Alarcón savent d’emblée tirer le meilleur, en usant des qualités qui font de chacune de leurs prestations un rendez-vous toujours
attendu et passionnant. On pourra certes toujours discuter les choix effectués par le chef, particulièrement son ajout de doublures instrumentales dans la Messa a due Cori, mais outre
qu’il est plutôt rassurant, en des temps marqués par la frilosité, de voir un musicien oser proposer de nouvelles pistes, ces dernières sont assumées avec tant d’intelligence musicale et de
panache qu’elles ne peuvent que susciter une vraie sympathie. Car Leonardo García Alarcón sait se donner les moyens de ses ambitions en s’entourant notamment d’interprètes de haut niveau prêts
à donner vie à sa vision des répertoires qu’il aborde. La prestation des musiciens de Clematis et de la Cappella Mediterranea, judicieusement mise en valeur, entre autres, dans une version
purement instrumentale d’In omnem terram, est ainsi pleine de sève et de couleurs, passant sans aucun mal de la vivacité à la tendresse en conservant toujours beaucoup de fermeté de
trait et d’articulation.
Je recommande donc à tous les amateurs de musique baroque curieux d’explorer de nouvelles pistes de ne pas manquer cet enregistrement très réussi, car, outre qu’il permet de préciser la connaissance que nous avons du répertoire sacré du XVIIIe siècle, il démontre que l’oubli dans lequel était tombé Giorgi est loin d’être justifié. Espérons donc que la splendide faim de redécouverte qui anime Leonardo García Alarcón et ses ensembles ne s’éteindra pas de sitôt et continuera de trouver auprès des éditeurs comme du public un écho favorable.
Mariana Flores, soprano. Fabian Schofrin, contre-ténor. Fernando Guimarães, ténor. Matteo Bellotto, basse.
Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Clematis
Leonardo García Alarcón, direction
1 CD [durée totale : 55’00”] Ricercar RIC 313. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. In omnem terram, offertoire
(première partie, cordes seules)
2. Ascendit Deus in jubilatione, offertoire
3. In omnem terram, offertoire
(seconde partie, vents seuls)
4. Messa a due Cori : Gloria
Illustrations complémentaires :
Dirck Stoop (Utrecht, c.1618- Utrecht ?, après 1681), Le palais royal de Lisbonne, c.1661-62 ? Eau forte sur papier, 15,8 x 23,5 cm, Paris, Musée du Louvre.
Photographie de Leonardo García Alarcón dirigeant le Chœur de Chambre de Namur, la Cappella Mediterranea et Clematis lors de la recréation des œuvres de Giorgi au festival de La Chaise-Dieu © Le Progrès.