07 - 09
2011
Le calvaire d'Alain Marécaux, l'un des accusés à tort du procès d'Outreau. La descente aux enfers d'un innocent que le système judiciaire s'obstine à considérer comme coupable sur la foi d'un témoignage.
Bien entendu, comme j'ai vu ce film dans la foulée de "L'Ange noir" de Michele Placido (sortie le 7 septembre aussi), petite merveille de film mafieux, ça n'a pas aidé... Ici, on a un sujet très fort, un homme ordinaire dévoré par la machine infernale du procès d'Outreau, resté dans toutes les mémoires, un acteur surinvesti (Philippe Torrenton) et une mise en scène plate, sèche, ou gonflée de pathos en alternance, qui aurait gagné à rester en sobre de bout en bout, l'interprétation de Torreton aussi, d'ailleurs. C'est une histoire vraie, le film étant tiré du livre "Chronique de mon erreur judiciaire" d'Alain Marécaux, d'après le journal qu'il tenait en prison. Car c'est un film sur le chemin de croix d'un homme, victime d'une erreur judiciaire, et pas un film sur l'affaire d'Outreau.
photo Mars distribution
Philippe Torreton joue le rôle d'Alain Marécaux, un huissier de justice, accusé de crimes pédophiles par Myriam Badaoui, la principale accusatrice du procès d'Outreau, qu'il n'avait jamais rencontrée. Elle avouera des années plus tard (2005) que sur la vingtaine de personnes qu'elle avait accusé de viol sur ses enfants, seuls elle, son ex-mari et un couple de voisins étaient coupables. Dans l'intervalle, on assiste au calvaire d'Alain Marécaux dont le mariage s'essoufle très banalement, arrêté brutalement sans explications à 6h30 un matin (2001), lui et son épouse, leurs enfants placés dans des familles d'accueil. La descente aux enfers ne fait que commencer. Au fil des années, Alain Marécaux perd tout, son travail, sa femme, ses enfants, sa maison, puis, sa mère qui n'a pas tenu le coup. Plusieurs fois, il tente d'en finir. Au final, une grève de la faim où il manque d'y rester lui ouvrira la porte de la sortie. Il sera innocenté en 2005 lors du procès en appel et retrouvera ses fonctions d'huissier (on l'avait obligé à démissionner, son étude rachetée à bas prix) beaucoup plus tard.
photo Mars distribution
C'est typiquement le genre de films où la critique est impossible sous peine d'être accusé de sécheresse de coeur... Pour ma part, je suis touchée par la douleur muette et la sobriété... Est-ce que face à cette histoire effroyable, qu'il s'agisse des crimes pédophiles perpétrés par les deux couples (Badaoui/Delay et leurs voisins) ou du calvaire des hommes et des femmes victimes d'erreur judiciaire, le spectateur a besoin d'être encouragé à l'empathie?
Outre l'interprétation surjouante de Philippe Torreton, débordant de bonne volonté** mais incapable de prendre une distance avec son personnage, l'air déjà accablé avant même qu'on l'arrête, c'est un peu pathos-machine : certaines scènes sont ostensiblement tire-larmes, ce qui est particulièrement agaçant : Marécaux sur son lit d'HP, désespéré, le ventre et le torse couvert de photos de ses enfants... En revanche, ce qui est bien montré, c'est la force du tabou, accusé de pédophilie, Alain Marécaux ne peut pas se défendre, excepté son avocat, personne ne l'entend, les flics ne le croient pas, le juge Burgaud s'accharne à trouver quelques mots dans ses déclarations qui iraient dans le sens de l'accusation d'autant que le témoignage tardif d'un de ses fils, influencé par son copain, le fils de Myriam Badaoui, est accablant. Même l'épouse de Marécaux le lâche pour "protéger" leurs enfants.
Ceux qui prisent les performances d'acteur type Marion Cotillard dans "La Môme" aimeront Philippe Torreton dans ce rôle difficile (il a tout de même perdu 27 kilos), pour les autres, j'ai l'intuition que la lecture du livre d'Alain Marécaux (je ne l'ai pas lu) est sans doute plus intéressante que le film... Dans tous les cas, il y a la compassion naturelle et surtout l'identification à une situation qui pourrait arriver à n'importe quel citoyen...
** "pour moi, ça allait bien au delà du cinéma : c'était comme un cri que je me sentais obligé de pousser à la place de quelqu'un..." (interview Philippe Torreton extrait du dossier de presse du film)
photo Mars distribution
Notes extraites de la fiche Wikipédia :
L'instruction débute en 2001 et se clôt en mai 2003 par une ordonnance de mise en accusation confiée au juge d'instruction Fabrice Burgaud par le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Gérald Lesigne. Sur dénonciations de plusieurs enfants, confirmées par leurs parents, un grand nombre de personnes sont mises en garde à vue puis en examen. Dix-huit d'entre elles — dont les parents des principaux enfants accusateurs — sont écrouées en détention provisoire par décision du juge des libertés et de la détention. Elles y restent en tout entre un et un peu plus de trois ans. L'une d'elles meurt en prison d'une surdose de médicament; Durant tout ce temps, les enfants, qui ont été immédiatement séparés de leurs parents, sont placés en familles d'accueil.
Le 4 mai 2004, s'ouvre, au palais de justice de Saint-Omer (Pas-de-Calais) le procès dit "d'Outreau", du nom de la ville où se seraient déroulés les faits présumés. 9 semaines d'audience pour assister au jugement de ces 17 personnes qualifiées de monstres. le verdict du 2 juillet 2004 Treize personnes sur les dix sept accusés, quatre femmes et neuf hommes, ont toujours clamé leur innocence, mais à St Omer, seules sept d'entre elles, sont définitivement reconnues innocentes des faits qui leur étaient reprochés. Gérald Lesigne, Procureur de la République de Boulogne sur Mer, et avocat général à Saint Omer, avait requis leurs acquittements, reconnaissant ainsi qu'il s'était lourdement trompé dans ce dossier. Quatre des 13 accusés qui criaient leur innocence, sont condamnés à des peines couvrant la détention provisoire qu'ils avaient déjà effectuée, et deux d'entre eux seront emmenés en prison pour effectuer le solde des peines qui avaient été prononcées par cette cour d'assises, mais quelques jours plus tard, ils retrouveront leurs familles, après une ultime demande de remise en liberté. Les six condamnés à tort feront appel de la décision rendue à Saint-Omer. Les quatre accusés qui avaient reconnu leur culpabilité sont condamnés : - à 15 et 20 ans de réclusion criminelle pour le couple Badaoui-Delay pour viols, agressions sexuelles, proxénétisme et corruption de mineurs. - à 4 et 6 ans de détention pour le couple de voisins.
Le procès en appel de six des dix personnes condamnées en première instance se tient en la Cour d'assises de Paris. Dès les premiers jours, l'accusation s'effondre, suite aux aveux de la principale accusatrice, Myriam Badaoui. Celle-ci déclare le 18 novembre 2005 que les six appelants "n'avaient strictement rien fait" et qu'elle avait menti. Son ex-mari,Thierry Delay, soutient ses déclarations. À la fin du procès, l'avocat général requiert l'acquittement pour l'ensemble des accusés. La défense renonce à plaider, préférant observer à la place une minute de silence pour François Mourmand, mort en prison d'une surdose médicamenteuse. Enfin, le jeudi 1er décembre2005, un verdict d'acquittement général pour l'ensemble des accusés est rendu par le jury, mettant fin à cinq années de ce qui est souvent qualifié, depuis le premier procès, d'un "naufrage judiciaire ".
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Mots-clés : avant-Premières, cinéactuel, cinéma français, Présumé coupable, Vincent Garenq