Pour la reprise des projections au Forum des Images, L’Etrange Festival s’est poursuivi avec le début de la carte blanche à Jean-Pierre Mocky et la projection de Viva la muerte! réquisitoire surréaliste anti-franquiste longtemps censuré et La Dernière fanfare, un John Ford méconnu. D’après Jean-Pierre Mocky, il s’agit du film pour lequel le grand cinéaste américain avait le plus d’affection, malgré la présence, dans son imposante filmographie, de chefs d’oeuvres indiscutables du septième art…
Pour concurrencer cette jolie fanfare, les organisateurs ont organisé une séance spéciale “L’Etrange musique”. Ils ont demandé à Marc Caro d’accompagner en live la projection de son Bunker de la dernière rafale, en proposant une nouvelle version de la bande-son, et ont confié au groupe Tuxedomoon le soin de réinventer la musique de Pink Narcissus, film-culte des milieux gays des années 1970 qui entremêlait érotisme testostéroné et expérimentations visuelles kitsch …
Mais personnellement, je n’ai pas assisté à ces séances-là. Pas plus qu’à Dead heads, comédie horrifique avec des zombies annoncée dans la lignée de Shaun of the dead.
A la place, j’ai préféré découvrir Meat, le nouveau film des néerlandais Maartje Seyferth et Victor Nieuwenhuijs (oui, c’est pas facile à écrire, ni à dire d’ailleurs…), sans trop savoir à quoi m’attendre.
Bon, eh bien, c’est typiquement un film pour L’Etrange Festival, ça. Un truc hors normes qu’il est bien difficile de résumer. Et pourtant, je me dois d’essayer. Exercice de funambule…
Disons que c’est l’histoire d’un boucher dont la cochonne de femme couche ouvertement avec d’autres hommes, quand lui-même ne la farcit pas dans la chambre froide, et qui devient obsédé par sa vendeuse, Roxy, une jeune aux jambons et à la poitrine appétissants.
En parallèle, on suit les déambulations d’un flic qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau – sauf qu’il a les cheveux longs – et qui a quelques problèmes à se défaire d’une encombrante maîtresse…
Un soir, après que le boucher et ses employés aient festoyé devant un copieux plateau de viande froide, l’homme se retrouve seul avec Roxy. Ils couchent ensemble et, une fois l’acte effectué, la jeune femme lui urine dessus et le quitte (ça doit être une coutume aux Pays-Bas…), pour retrouver des amis en boîte de nuit.
Fantasmes? Réalité?
En tout cas, le lendemain, on retrouve le cadavre du boucher gisant sur le sol de sa boutique et le flic qui lui ressemble est chargé de l’enquête.
Il convoque évidemment Roxy, qui est la dernière personne à avoir vu le boucher vivant et qui est suspecte de par sa curieuse manie de tout filmer en vidéo – et principalement de la viande et des ébats sexuels.
Peu à peu, il se prend, lui-aussi, à fantasmer sur la jeune femme…
Ca c’est la version à peu près linéaire… Pour le reste, on assiste à un suicide par défenestration et un viol dans les bois par un individu portant un masque de mort, on croise un activiste anti-viande et d’inquiétants bouchers.
Le tout dans une ambiance étrange, presque irréelle, où la chair – la viande et le sexe – est omniprésente. Un peu comme dans un film de Peter Greenaway, en moins cérébral et en plus animal…
A vrai dire, je ne sais pas trop qu’en penser… J’ai été séduit par la beauté formelle et l’audace de certaines scènes, par la plastique de la belle Nellie Benner, mais j’ai eu bien du mal à rentrer dans le film et à avoir envie d’assembler les pièces de ce puzzle meat-aphysique…
Et puis, même si j’ai bien saisi l’esprit général du film et ses principales thématiques, j’avoue que je ne suis pas certain d’avoir tout compris… Euh, c’est grave, Docteur?
- Non, mon brave Monsieur Boustoune, ça doit être juste un coup de fatigue passager, conséquence d’un abus d’images étranges et insoutenables pour le commun des mortels. Mais pour plus de précautions, je vais vous prescrire une série d’examens à l’hôpital… Tenez, je connais une clinique aux Etats-Unis, un centre spécialisé qui…
- Ah non, hein! Pas la clinique tenue par le docteur Leo Baines (Donald Pleasance) dans Dément. Hé, je ne suis pas fou! Je sais bien ce qui se passe, dans ce film de Jack Sholder, datant du début des années 1980 : quatre dangereux psychopathes (dont Jack Palance et Martin Landau) profitent d’une panne de courant pour s’échapper et semer la terreur – et les cadavres – en ville.
Leur cible? Dan Potter (Dwight Schultz, le Looping de “L’Agence tous risques”), le nouveau psychiatre, qu’ils soupçonnent d’avoir tué leur médecin habituel. Et comme les quatre barjots ont un sens de la justice plutôt expéditif, la nuit va être mouvementé pour le brave médecin et sa famille… Et éprouvante pour les nerfs des spectateurs…
- Ah?!? Dommage, c’est un bon film pourtant… Mais si vous l’avez déjà vu… Sinon, je vous propose d’aller en Australie faire un tour dans The Clinic de James Rabbits…
- Euh, vous êtes sûr, Docteur? Parce qu’ils sont un peu fous aussi, ces australiens… On le sait depuis le terrifiant Wolf creek… Bon, OK, si vous le dites…
Euh… dites, c’est normal que votre clinique ressemble à un abattoir? Ah ben oui, c’est parce que c’est bien un abattoir… Moi qui voulais me changer les idées après Meat…
En fait, on suit les horribles mésaventures de Beth, une femme enceinte et presque à terme qui, après avoir passé la nuit avec son mari dans un motel désert se réveille dans une baignoire pleine de glace, victime d’un accouchement par césarienne brutal…
Elle réalise qu’elle est enfermée dans un abattoir et que ces accouchements forcés ont l’air d’y être monnaie courante. De fait, elle tombe sur trois autres femmes ayant subi le même sort qu’elle.
Elles décident d’unir leurs forces pour retrouver leurs bébés et fuir de cet endroit glauquissime… Mais encore faut-il échapper à la vigilance de leurs geôliers, invisibles, et surtout, de survivre aux attaques d’une autre “patiente” de cette clinique particulière, devenue complètement folle…
Là aussi, la nuit va être mouvementée… et éprouvante pour le spectateur…
Ce point de départ aurait pu donner un bon film d’horreur, d’autant que la mise en scène fait gentiment monter le suspense et que Tabrett Bethell, en plus d’avoir de jolis poumons, est une scream-queen convaincante…
Le problème, c’est que, même si le scénario affirme s’inspirer d’événements réels, rien n’est vraiment crédible dans cette histoire…
Déjà, franchement, vous vous verriez traverser l’Australie en voiture, en pleine canicule, avec une femme enceinte de huit mois à bord? Et vous vous verriez vous arrêter pour la nuit dans un motel à peine salubre alors que, visiblement, vous n’êtes plus trop loin de votre destination? Non, hein… Surtout si le propriétaire dudit motel vous fait payer plus que prévu et jette des regards lubriques sur votre dulcinée…
Eh bien Cameron, lui, s’en fout… Mieux : il laisse sa femme dormir toute seule dans la chambre d’hôtel, malgré la proximité inquiétante du vieux pervers et des deux seuls autres clients, des russes à la mine patibulaire, pour aller, tenez vous bien, acheter quelque chose à manger. Ah, on est pourtant un soir de réveillon de Noël et tous les commerçants sont fermés. Et surtout, le neuneu sait pertinemment qu’il n’avait plus beaucoup d’essence dans le réservoir…
Il rentre donc à pied et constate que sa femme a disparu. Là, il a une réaction logique (ouf!) : il appelle la police. Mais il ruine ce bel effort en ne trouvant rien de plus intelligent à faire que de molester le gérant du motel…
Revenons maintenant sur le groupes de femmes kidnappées. Elles ne semblent pas plus paniquées que cela à l’idée d’être enfermées dans un abattoir, à proximité des saligauds qui les ont charcutées et ont volé leurs enfants. Plutôt que de tenter de s’enfuir, elles veulent retrouver leurs bébés – ça, on peut le comprendre – mais cela ne leur vient pas à l’idée d’aider l’une d’entre elles à s’échapper pour prévenir les autorités pendant que les autres recherchent les bébés…
Elles font comme dans tous les mauvais films d’horreur : elles se séparent en deux groupes de deux plutôt que de rester groupées pour parer à toute attaque de leurs geôliers… Pire, un des groupes de deux se transforme en deux groupes de un (ça va, vous suivez?). Tout ça parce qu’une des greluches a vu un paquet de bonbons dans une vitrine et a abandonné sa camarade, qui se fait illico trucider…
Et ça continue comme ça jusqu’au bout du film, de comportement aberrant en rebondissement ridicule (l’explication de tout ce cirque vaut son pesant de cacahuètes…).
Cela reste regardable, certes, comme un survival de série B moyen, à condition de faire abstraction de l’absurdité de la chose ou de prendre tout cela au second degré…
Mais ceux qui rêvaient d’un film glaçant de réalisme façon Wolf Creek en seront pour leur frais…
Bon, finalement, je crois que je ne vais pas aller faire ce check-up dans une clinique… Une bonne nuit de sommeil et je devrais être d’attaque pour la suite des réjouissances. Au programme, des super-héros, des japonais frappadingues et un inquiétant culte païen…
A demain, donc, pour la suite de ce voyage dans le fascinant monde de l’étrange…