"au nord du nord" les inuit(2)

Publié le 07 septembre 2011 par Regardeloigne

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ULTIMA THULE ? « Deux mots, une promesse, inscrite dans Médée, la tragédie de Sénèque » nous dit J. Malaurie. Médée, maudit Jason qui la trompe, mais le chœur antique  rappelle en écho les hauts faits des Argonautes  et ouvre une porte sur  l’avenir : « Plus tard, lorsque le monde sera plus vieux, un moment viendra où l'Océan déliera les liens des choses. Une terre immense s'ouvrira : Thétis découvrira des continents nouveaux. Alors Thulé ne sera plus dernière des terres»

En 1808, paraissait en Allemagne l'édition définitive du premier Faust de Goethe. Dans la scène 8 de la tragédie, Marguerite se prépare pour la nuit ; elle chante Es war ein Kônig in Thulé... « II avait roi à Thulé », symbole de la fidélité, à qui son amante en mourant donna une coupe d'or. Lorsque lui-même se sentit mourir, il la  jeta dans la mer du haut de son château. Ce chant atteste dans notre culture  la constance d’une légende  plus de deux fois millénaire. Aussi, écrivant Les Derniers Rois De Thule, J.Malaurie évoque le Faust de Goethe.Il suggère  par là que les Inuit ,peuples des confins, peuples « premiers »  furent dignes de fournir des rois.ils ont quelque chose à nous apprendre de leur civilisation alors qu’ils luttent pour leur identité et leur survie dans un contexte de mondialisation ; celle ci symbolisée par l’apparition  imprévue d’une gigantesque base américaine amputant soudainement  et sans les avertir une partie de leur territoire de chasse.

« ... Lieu dernier de ce pays glacé..., les doctes doutent de ton assiette... ». Le jour se lève. Ce point mystérieux du globe se découvre au travers de la brume sans le moindre fard. Le décor est hostile, sévère, sans pitié. Une plage rocail­leuse et sale, un petit hôpital, une vingtaine d'iglous noires aux hauts murs de tourbe, quelques demeures danoises colo­rées de rouge et de jaune, des chiffons et des débris de caisses épars sur la grève, des ossements et de vieilles casseroles. Les commentaires sont désabusés, Thulé, ultima Thulé... Qui ne l'a célébrée ? Virgile, Pythéas. Thulé de Pythéas où, selon César, « la nuit régnait cent jours de suite au moment du solstice d'hiver ». Dicuil, Procope ont honoré ces rois de Thulé auxquels, en 512, les Hérules ont voulu s'allier. Thulé fut enfin le mythe des mages et des ésotéristes d'une Germanie en folie, puisque Ahnenerbe stiftung du Dr Scheffer devait être en 1933 à la base même du nazisme. Et il me revient en mémoire la singulière Thulé Gesellschaft du baron von Sebottendorff.

Je songe aussi aux avertissements que formulait, dès 1618, Pierre Bertius, cosmographe du Roy Très Chrestien. « La froidure y est indomptable... et... en tue plusieurs. L'hiver y dure neuf mois sans plouvoir... Les plus riches se défen­dent... par le feu ; les autres par se frotter les pieds et les autres par la chaleur des cavernes de la Terre. Tout ce pais est plein d'ours cruels avec lesquels les habitants ont une guerre continuelle. Il y a aussi... si ce qu'on dit est vray, des licornes. Tous tiennent qu'il y a des hommes appelés pygmées... Les pygmées ont, paraît-il, une forme humaine, chevelus jusques au bout des doigts, barbus jusques aux genous, mais brutes sans parole et sans raison, sifflant à la façon des oyes... »

 je ne voudrais néanmoins achever sur une impression fausse : les derniers rois de Thulé ? Oui, certes ; le mode d'existence de ces chasseurs, le seul possible si l'on veut vivre sur le pays, est condamné. Mais ce peuple, dans son originalité, l'est-il du même coup ?

A cet égard les tâches qui s'offrent à l'Européen sont pressantes. L'essentiel n'est pas de regretter pour les Esquimaux une ère révolue, mais de faire en sorte que leurs besoins réels continuent à être satisfaits. Quels sont-ils ?

La solution que requiert la survivance des primitifs dans notre monde industriel pourrait être ce que je convien­drais d'appeler une solution « muséologique ». Pour qui a connu ces chasseurs de Thulé, goûté leur joie de vivre, cette solution n'est pas acceptable. Peut-on, du reste, imaginer que l'Inouk, « l'homme par excellence », batte longtemps en retraite devant les possibilités d'une vie nouvelle ? Préservé des défauts de l'âge mûr par la dureté même de son sort, ce peuple est encore un peuple jeune.

Le rôle du Blanc qui a découvert la hauteur de leur destin, leurs dons originaux, est précisément de continuer à les aider à mieux en prendre conscience. C'est en lui-même et dans le cadre de sa communauté que le « primitif » doit, en définitive, trouver assez de force, ce « supplément d'âme » nécessaire pour se défendre contre une civilisation de tôle émaillée et de consommation de nos surplus que d'aucuns jugeraient pour lui suffisante. Une éducation politique de ce peuple est donc d'urgence nécessaire afin de l'armer contre les, dangers de l'assimilation culturelle et de ce qui lui est proposé sous couleur de progrès technique. ..Qu'il serait en vérité tragique de penser qu'après tant d'autres, ces primitifs du XXe siècle qui pendant des millénaires ont surmonté au Pôle le défi d'une géographie impi­toyable, soient tentés d'abandonner leur condition d'hommes libres pour la seule et souvent trompeuse attirance de l'assis­tance sociale et des lumières de la ville.

VIDEO:http://www.ina.fr/video/I00018035/jean-malaurie-son-itineraire-personnel-la-culture-inuit.fr.html

 

Assez joueur pour ne pas refuser u jean malauriene telle confrontation, l'Esquimau se doit d'être assez viril nour se créer, sur des données nouvelles, une renaissance aussi vivace et aussi riche que l'ont été ses premiers âges.

Et cette perspective n'est pas utopique. La personnalité puissante et imaginative du Dano-Esquimau Knud Rasmussen est la preuve. Il est le symbole et l'espoir de la civilisation groenlandaise de demain ».-JEAN MALAURIE.LES DERNIERS ROIS DE THULE

 

  

Knud Rasmussen et son ami Peter Freuchen étaient justement  fidèles au mythe tout en le renversant , lorsqu’ils fonderont et nommeront   « ULTIMA THULE » le petit comptoir le plus septentrional au Groenland sur le site d'Uummannaq (le cœur du phoque)» .Ils décidèrent de doter  du nom prestigieux un morceau de terre déshéritée et d’y construire des bâtiments modernes, organisant une vie sociale. Rasmussen, en effet, fut très vite conscient du risque couru par les inuit du fait de leur contact avec les expéditions baleinières. Par troc, au hasard des rencontres ils s’étaient habitués à un matériel moderne menaçant leur culture de chasseur/ cueilleurs ; aussi fonda-t il un comptoir permanent où ils  pourraient sans aléas acheter ce dont ils avaient besoin contre la vente de fourrures. Dans son esprit Thulé, lieu misérable deviendrait ainsi  un avant poste de culture, le dernier si l’on suit le mythe où l’on pourrait  sauvegarder, étudier et  découvrir les richesses du monde inuit. Le comptoir fut une réussite économique, sanitaire et sociale. Le choix n’était pas innocent : reprenant la légende, il faisait reculer la derrière terre mythique vers le pôle (nulle part pour quiconque voulait la posséder) et l’intégrait dans un ensemble comprenant l’Europe l’Asie et l’Amérique. L’ensemble, qui s'étend du glacier de Humboldt, au nord, à la baie de Melville, au sud, tel qu'il s'articule, à l'ouest, par les mers englacées au continent méricain constituait  déjà  un carrefour de routes et d'idées. il faut remonter au passé pour en saisir le sens, pour comprendre la permanence d'un si haut poste.  Depuis 3 000 ans, Thulé, certainement, aura  été le seul passage obligatoire entre l'Arctique canadien et le Groenland, le  dernier territoire à avoir été atteint à l'est par les Esquimaux à la poursuite des baleines et des bœufs musqués ,le plus praticable : « Pont » de Behring, à l'ouest berceau de la culture esquimaude ; « Pont » de Thulé du Canada au Groenland, et pour tous les groupes humains à tradition hyperboréale..

Le comptoir servit  de point de départ à une série de sept expéditions, connues sous le nom d' « expéditions Thulé », entre 1912 et 1933. La cinquième expédition Thulé (1921-1924) aura justement  pour but de comprendre l'origine du peuple Inuit et de recueillir des données ethnologiques, archéologiques et biologiques. Rasmussen voyagera pendant 16 mois à travers le continent avec deux chasseurs inuit, en traîneau à chiens, jusqu'à NOME en Alaska. Il deviendra ainsi le premier Européen à franchir le passage du Nord-Ouest par ce moyen. (Du Groenland Au Pacifique : Deux Ans D'intimité Avec Des Tribus d'Esquimaux Inconnus). 

 

« Quelle est donc la civilisation qui ne s'est pas interrogée sur ce haut lieu : axe de la Terre, terre des morts, paradis... ? Son importance est telle que l'empereur chinois — fils du Ciel, qui s'est toujours estimé à l'aplomb du pôle céleste — se jugeait être le « pôle Nord » ; partout où est l'empereur se situe le Pôle, était-il répété aux sujets de l'empire du Milieu. Il  est le pivot, le « germe », autour duquel tout tourne. Comme aimait à le dire Paul Mus, sur son char, la boussole indique le sud, car « le roi est conçu, en Asie orientale, comme le prêtre d'une religion céleste qui sert d'intermédiaire entre les hommes et le Dieu qui, lui, ha­bite au pôle Nord, le pôle céleste »…. Dans les textes brahmaniques les plus anciens, le monde terrestre est représenté par les quatre points cardinaux. Brahma a quatre têtes ; cité-paradis. L'humanité vulgaire vit dans la plaine au sud. L'initié, lui, vit en altitude, au nord, dans la mon­tagne, près du légendaire mont Meru, pôle Nord de l'Inde ; dans l'as­cèse, il peut y connaître la plus haute spiritualité. Les Vedas évoquent ce temps primordial, l'« arctique », où, « sous un ciel tournant » sur les têtes comme un chapeau et où la nuit dure six mois, vivait dans le Grand Nord une humanité d'initiés. »JEAN MALAURIE ULTIMA THULE

 

Le Nord est donc sacré ; les dieux vivent au-delà des montagnes septentrionales. Dans toute la mythologie épique indienne, c'est en allant vers le nord que l'on va vers les dieux. Le Nord est terre des brâhmanes. Le Grand Nord, c'est, au-delà de l'Himalaya, le pays de la Délivrance, où, n'étant plus condamné à renaître, l'initié vit dans l'espace de Shiva. »

La tradition biblique  et chrétienne va inspirer les premiers explorateurs britanniques, nord-américains et danois — (on lit la bible et on chante les psaumes sur les navires). Le nord c’est le sombre, le caché et  donc le sacré  « «  Fils de l'homme, lève maintenant tes yeux vers le nord. Et j'élevai mes yeux vers le nord » (Ézéchiel). Le Livre d'Enoch trace une géographie cardinale : l'in­telligence, la Justice sont à l'Ouest, la Sagesse, la Grâce, l'Éternité sont à l'Est, le Nord est la couronne de Dieu (Kether), selon la Kabbale. Dans les cathédrales chrétiennes de plan cruciforme, existe  sur le transept nord (le nord représentant la Nuit d'avant le commencement), une pe­tite porte que l'on franchit la tête baissée tant elle est basse : c'est la porte de lumière conduisant au sanctuaire. Traditions reprise dans la franc-maçonnerie enfin :Kane, Hayes, Peary, les explorateurs américains de cette route du Pôle, sont maçons et procéderont sur place aux rites solennels devant les Inuit — le temple, d'orientation ouest-est (la porte étant à l'ouest), reçoit l'initié au nord-est.

"Les découvreurs britanniques, américains, danois, français, allemands, russes, tous de culture humaniste gréco-latine, face à ces peuples, étaient aussi habités par des idées contradictoires venues de la Bible, lue et relue à haute voix devant les équipages chaque dimanche.  C'est au Nord, en effet, que les forces mauvaises de Gog et de Magog résident et la terreur des marins était de risquer d'hiverner dans une nuit luciférienne avec les païens, ce peuple d'idolâtres que la Bible réprouve, les Esquimaux, les Toungouses, des sauvages cruels et à peine humains. Et c'est au filtre de ces imaginaires que les prodigieux Haïda, les Tlingit, les Kwakiutl, les Esquimaux, les Sâmes, les Samoyèdes, les Tchouktches et les Koriaks ont d'abord été regardés, dévisagés sans être évidemment compris « Et, à bord du navire, dans leurs quartiers froids et humides, au retour de leurs sorties douloureuses sur la banquise, dans leurs veilles inquiètes, officiers et marins vivent, en ces mois d'ascèse volontaire, des résurgences, parfois suicidaires, de leur moi profond. Se bousculent dans leurs pensées les traditions les plus ténébreuses, d'autant que la Bible est lue matin et soir par certains et avec une dévotion d'autant plus émotive que tous sont confinés dans un univers triplement carcéral : l'environnement noc­turne, le navire, le groupe. Le dimanche, les psaumes sont chantés, les prophéties rappelées. Et, avec les presbytériens écossais, dans une at­mosphère de frayeur sacrée ; les oreilles ont encore en mémoire les ter­reurs de l'Apocalypse qu'aimé commenter le chapelain.. Dans les coursives humides et froides, sur la piste glacée, sous les aurores boréales. le voyage devient eschatologique.

 

Cet imaginaire d'enfant, lorsque, encore gamins, ils franchissaient le narthex, au seuil de cet espace sacré où souffle l'esprit divin,. revient en eux, en cette gigantesque cathédrale de glace, sans murs, sans autre toit que le ciel étoile, nef immense encore agrandie par le silence tom­bal. Psaumes, prophéties, apocalypse... tout étant dit, n'est-ce pas au très haut, au plus haut de la Terre, au plus proche du ciel, du pôle cé­leste, que vit notre grand Juge ? Les marins, souvent analphabètes, se parlent, recueillent les dernières pensées des agonisants. « Ne nous laissez pas, ami, au pays maudit de Gog et Magog. » Telles sont leurs ultimes volontés. Les affreux Gog et Magog, forces sataniques annon­cées par Ézéchiel pour la fin du monde, mais où sont-ils ? Lors des raids en traîneaux à chiens, sur la banquise inconnue, la hantise est de rencontrer, au détour d'un iceberg, l'un de ces monstres nordiques que les craquements de la glace ou le mugissement du vent laissent pressentir. S'il est des sceptiques parmi les officiers, on ne manque pas de leur rappeler sèchement les vœux pressants de

l'illustre Francis Bacon, chancelier d'Angleterre, père de la méthode expérimentale et maître de la philosophie moderne ; convaincu de la réalité de Gog et Magog, il disait et répétait qu'il fallait accélérer l'exploration du monde, afin de mieux situer les lieux de résidence de ces forces du mal, et même construire une muraille au nord du monde civilisé, afin de se prémunir contre leur invasion au temps de la Parousie. Qui oserait douter de tels propos ? L'Église n'est-elle pas sous l'autorité person­nelle du roi d'Angleterre ?

 

Une mer de cristal. Une mer vitrifiée... Ultima Thulé, Septentrion, centre des aurores boréales, pôle géomagnétique. La parole biblique prend ici une force sacrée. Ces hautes latitudes seraient-elles, à la fin des fins, au sommet des nuées, le siège du combat final entre le Dieu suprême et le Prince des ténèbres ? La base nucléaire de Thulé en se­rait-elle la première expression ?

La fulgurance d'Arthur Rimbaud, dans les Illuminations, s'avère pro­phétique : « Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc ?»   JEAN MALAURIE ULTIMA THULE

 

Tous, athées, agnostiques et croyants sont enveloppés par un cortège d'images  mythiques. Kane, maçon de la Grande Loge de Philadelphie, croit reconnaître en 1853-1854, dans le décor d'icebergs, cette terre d'utopie célébrée par les poètes. L'hallucination est si forte qu'après avoir entrevu, d’après les simples dires d'un Groenlandai, une nappe d'eau libre de peu d’importance, il sera convaincu que le pôle Nord est une mer libre de glace suivant en cela le mythe d’hyperborée. Hayes, éminent explorateur américain, médecin qui a succédé à Kane en ces régions, a même publié en 1862, au retour de sa seconde grande expédition vers le Pôle, un livre au titre éloquent : la Mer libre du Pôle.

 

Que dire alors  du mythe prodigieux de la Licorne ? Il est au confluent de cinq traditions étrangères l'une à l'autre — inuit, asiatique, gréco-latine, hébraïque, chrétienne. La licorne, monstre ou animal selon la religion ou le merveilleux du lieu, devint au fil des siècles symbole de pouvoir, après avoir été celui de la virginité. Elle figure  sur le blason de la couronne de Grande Bretagne, comme les dents de narval sur le trône des rois de danemark).

Il d’ailleurs est révélateur que les Esquimaux du Nord groenlandais  aient  repris l'ancien nom de Qaanaaq, le  narval, la « licorne de mer .Selon un mythe d’origine c’est le symbole de la femme : sa dent serait  la tresse enroulée d'une vieille Esquimaude entraînée dans les eaux, alors qu'elle cherchait à tirer le cétacé sur le rivage pour nourrir ses enfants affamés.

 

Corps blanc de cheval, tête de cerf, aux yeux rouges, « l'ongle fendu comme une chèvre », cette licorne apparaît dans le merveilleux du Moyen Age comme  l'incarnation du Christ Sauveur et de la Vierge. Pour saint Bonaventure, c’est  l'« arbre de vie ». Selon la tradition du prêtre Jean, elle est à l'entrée du Paradis. Une dent de narval est parfois placée à la droite de l'au­tel dans les églises médiévales. mais la  licorne  a  déjà sa place en Inde (l’unicorne est un des noms de Vishnou) et de la chine ( c’est l’animal symbole du bon gouvernement selon Confucius).Quoiqu’il en soit, sa parenté avec le narval est attesté par la célèbre tapisserie du XVème, allégorie de l’amour où la dame côtoie l’animal dont la corne est torsadée comme celle de la « licorne de mer ». Aussi les marins et explorateurs n’auront-ils aucun mal à reconnaitre et à confondre l’animal sacré  avec le narval à dent frontale ,bien réel. D’ou les interrogations et angoisses véhiculées par les symboles contradictoires : le  Grand Nord ? Paradis, pays des morts ou de re­naissance, mer libre de glaces, route de Chine??

 

On peut noter  enfin que ces angoisses ne sont pas étrangères à la mythologie des inuit eux-mêmes.

"Et les Inuit ? Indifférents à ces intrus et à leurs tourments. Mais eux aussi, pensent et vivent... Comment lisent-ils donc le monde ? Différemment, assurément. Mais il est des convergences. Pour eux aussi, il est un peuple, plus au nord, qui les précède ; un peuple my­thique... de géants. Les Esquimaux polaires gardent en mémoire un peuple préesquimau, plus fort et conquérant, les Tornit ou Tunit. Il est remarquable que les Sud-Groenlandais avaient, encore au XIXe siècle, une conscience aiguë de l'existence de ce peuple inconnu. Et c'est avec difficulté qu'étaient recrutés, pour les expéditions, des chasseurs sud-groenlandais tant leur terreur était grande de rencontrer ces Tornit, peuple de géants et parfois de cannibales. Dans l'Arctique central cana­dien, en Terre de Boothia, près du pôle magnétique, on m'a montré avec respect, en 1961, d'énormes pierres avec lesquelles ces Tunit construi­saient de grandes iglous. A Thulé, chez les Esquimaux polaires, on m'a dit, en 1950-1951, quelques mots du vocabulaire de ce peuple perdu dans la brume de siècles obscurs. Plusieurs rencontres furtives — et mal­heureuses — entre les Tunit et les Inuit, m'ont même été relatées avec les accents de la vérité. Et de me transmettre des récits de témoins ocu­laires selon lesquels les Tunit, agressifs et puissants, violentaient leurs voisins inuit, lors de raids meurtriers. J'en ai publié quelques-uns. Les points cardinaux ont partout une valeur symbolique précise, dans l'Occident comme chez les Inuit. Le Septentrion (ava-avannaa : « vers le nord ») est sous le signe du haut, c'est-à-dire du pays des âmes, des morts, le Midi étant chaud et lumineux. Cette géographie correspond  à une perception bisexuelle de l'univers. Pour l'Inuk, c'est l’union incestueuse  incestueuse entre une sœur et un frère qui présida à la création ,paradoxalement le soleil (Seqineq), la sœur, et de la lune (Anningaaq), le frère... JEAN MALAURIE ULTIMA THULE

 

(A SUIVRE)

 

 

 

 

 

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