Plaider pour une monnaie forte et, encore mieux, réputée pour telle sur la longue durée, est une entreprise difficile et nécessaire tant l’idée erronée des dévaluations réputées compétitives est ancrée dans les esprits par une propagande incessante. La Suisse encore une fois, vient à notre secours.
L’intérêt d’une monnaie forte est double. D’abord, dans la compétition mondiale, que la Suisse ne refuse pas bien au contraire, les entrepreneurs sont conduits à l’excellence à la fois dans les décisions et dans les investissements : c’est cette course à l’excellence qui crée la vraie richesse. Le petit pays est à l’origine de firmes tout à fait considérables dans le domaine pharmaceutique, dans la haute technologie ou dans d’autres domaines : ce n’est pas un hasard.
Un autre avantage est de donner aux acteurs économiques la possibilité de faire des investissements à l’étranger dans des conditions perpétuellement favorables étant donnée la force de la monnaie nationale. Là aussi, la compétitivité issue de la liberté joue un rôle et permet justement aux firmes suisses de devenir des géants mondiaux sans payer trop cher la place à conquérir. Ce point est essentiel car la richesse d’une nation repose largement sur des investissements en capital bien conduits. Un de mes livres s’intitule « Tous capitalistes ou la réponse au socialisme ».
Les dévaluations inefficaces
Il faut ajouter un point essentiel et que personne ne met en lumière. Les dévaluations pratiquées par le pouvoir politique sont immorales. Il y a bien longtemps, Moïse reçut sur le Mont Sinaï les commandements de Dieu, dont le célèbre : « Tu ne voleras pas ». Depuis ce fait historique, toutes les législations ont imposé, à la fois aux croyants et aux incroyants, le respect des contrats privés et de la propriété. Or, la dévaluation imposée par les pouvoirs politiques est une rupture de contrat et une atteinte à la propriété. Comme l’exemple de la Suisse le montre, elle est inopérante ; ceci est une conséquence de cela et ce n’est donc pas non plus un hasard. Le capitalisme réussit par ses qualités intrinsèques et aussi parce qu’il est moral, reposant sur la fiabilité des contrats.
En outre, la dévaluation revient à donner la clé de la monnaie aux politiques et c’est donc ouvrir la boite de Pandore, ceux-ci agissant selon leur bon plaisir momentané et changeant, avec toutes les combines possibles.
Ces constatations sont fort utiles dans l’actualité immédiate. En effet, beaucoup parlent de sortir de l’euro et, dans la foulée, de l’Europe avec comme argument principal le prétendu avantage de dévaluer la nouvelle monnaie. Or tenter ces sorties en pratiquant une dévaluation, serait courir droit à l’échec.
La ruine par l’euro
Nous partageons, certes, le jugement négatif sur l’euro mais pas du tout à cause de la politique de Trichet, très souvent vilipendée.
La ruine générée par l’euro est venue d’abord des formidables investissements de départ. A l’époque, j’avais montré comment ce déluge d’investissements avaient été considérablement minoré par les adorateurs de la nouvelle idole. L’argent perdu ne se retrouve jamais et, à présent, la faiblesse des économies européennes porte toujours les traces du gaspillage initial.
Vient maintenant un véritable ouragan dévastateur. Le parapluie de l’euro a permis, hélas, la poursuite de la ruine organisée par les pouvoirs successifs par le truchement des 35 heures et celui de la retraite à 60 ans, ainsi que d’autres folies ordinaires. Une monnaie indépendante aurait du subir des sanctions brutales conduisant à des révisions déchirantes. C’est à ce moment même que les statistiques officielles montrent qu’en 2009 8,2 millions de personnes, soit 13% de la population, vivaient en dessous du seuil de pauvreté. En 2008, c’était 7,84 millions et 13%. Certes, cette situation intolérable a d’autres raisons en plus de l’euro mais la coïncidence est troublante.
Des aveux officiels
Monsieur Trichet, soi-même, ne s’apercevant sans doute pas de l’aveu tragique qu’il prononçait, a déclaré, il y a deux ans, que sans l’euro la France n’aurait pas pu faire les 35 heures ! Monsieur Giscard d’Estaing a écrit, le 12 novembre 1997, dans le Herald Tribune :
« Je ne vois pas à quoi l’euro va servir sinon à perturber gravement le monde des affaires. A chaque fois que je pose la question de savoir si c’est une bonne chose de réaliser la monnaie commune, j’entends toujours la même réponse : il faut le faire parce que nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’être laissés de coté. Les responsables des gouvernements portugais, espagnols et italiens m’ont tous fait cette réponse, sans m’apporter la moindre explication. Je n’ai jamais entendu sur ce problème que de mauvais arguments ».
Si cette phrase condamnait le projet, cela n’a pas empêché son auteur de promouvoir l’euro quand son intérêt personnel l’y invitait !
Investissements immenses et création de foyers de pertes, la « rentabilité » est négative en quelque sorte et il est légitime de parler de ruine.
D’ailleurs, un rapport de Bruxelles, peu diffusé, vient de décrire en détail la catastrophe. Les trois premiers pays d’Europe pour la compétitivité sont la Suède, la Grande-Bretagne et le Danemark, pays en dehors de l’euro. La France, l’Allemagne et l’Autriche sont les lanternes rouges. Dans l’Euroland, l’inflation est relancée.
Pour faire bonne mesure ajoutons que la création de l’euro est le type de l’action révolutionnaire par laquelle un quarteron de politiques imposent leurs volontés propres à des millions de personnes au lieu de laisser jouer les marchés.
Elle s’inscrit fort bien dans la mise en place accélérée d’un pouvoir totalitaire mondial, à forte connotation socialiste, dont l’Europe n’est qu’un élément, et qui vise à la disparition des nations. Sortir de l’euro et, le cas échéant de l’Europe supranationale seraient des objectifs raisonnables.
Il serait indispensable que l’équipe en charge soit crédible dans la durée pour maintenir à un niveau élevé la valeur de la monnaie et, ceci, par le choix de techniques adéquates. Indépendamment de cette crédibilité personnelle, il est une autre condition. Il faut renoncer au socialisme, à ses pompes et à ses œuvres. Depuis des décennies, fausse droite et vraie gauche parlent à tort et à travers de défendre la compétitivité des entreprises. Ayant ainsi bien dit, les mêmes tirent à vue sur les entreprises, les industries, l’emploi, les propriétaires, les riches et écrabouillent la nation par leurs impôts et charges.
Beaucoup de pays ont inversé la tendance avec succès par une réduction très forte des dépenses publiques. Citons, à titre d’exemples, le Canada, la Suède, la Finlande, le Danemark.
Les proverbes chinois sont bien commodes. L’un d’entre dit « Quand le riche maigrit, le pauvre meurt de faim » !