Un matin, sur la table de nuit, je découvre cette lettre au réveil :
« Mon cher fonctionnaire bien aimé,
au moment où tu découvriras ce petit mot, je serai dans l’avion de Singapour pour vendre les produits de beauté dont je dirige la marque… après ces jours et ces nuits passés ensemble au manoir, souvenirs inoubliables, quel déchirement ! J’ai besoin d’un type comme toi. Un romancier, ça ne se lâche pas ! J’ai besoin d’histoires ! Je t’embauche comme « conseiller en communication écrite » ( il faut bien rigoler), et même si tu veux je t’épouse, tiens (non, excuse, c’est peut-être un peu tôt)! Je rentrerai mardi prochain à 21h15 par le vol direct. Je suis sûre que tu m’attendras à l’aéroport.
Au cas où tu aurais quelques scrupules : oui, on a réellement voulu attenter à ta vie pour que tu partes. Tu fais trop bien ton travail de secrétaire et ces rats craignent pour leur place. Ils sont logés et nourris dans les sous-sols et ne lâcheraient leur «poste» pour rien au monde. Tu leur es insupportable. Ils ont été placés ici en renfort (!) de ma mère à cause de leur incompétence ; on ne sait pas quoi faire d’eux. Si tu restes fonctionnaire, ils vont te supprimer, sécurité de l’emploi oblige !!
A propos de ma mère ceci encore: le rectorat s’amuse depuis sa retraite (il y a vingt ans) à la fournir en dossiers anciens ; ils en font un jeu. Dans sa nébuleuse folie, ma mère s’imagine qu’elle travaille encore ; on prend soin de l’entourer de ces parasites, mais l’activité du manoir est purement fictive.
La seule chose vraie c’est que je t’aime. Je t’embrasse de toute ma tendresse. À mardi.
Caroline. »