Soudan: l'horreur des frappes aériennes vécue par les civils

Publié le 07 septembre 2011 par Podcastjournal @Podcast_Journal
PLAN DU SITE Abonnez-vous à nos flux RSS ou atom! Recherche d'évènements à venir (indiquez un mot significatif) Au cours d'une mission d'une semaine dans la région, des chercheurs des deux organisations ont enquêté sur 13 frappes aériennes ayant touché les régions de Kauda, Delami et Kurchi. Ces bombardements ont tué au moins 26 civils et en ont blessé 45 autres depuis le milieu du mois de juin. Les chercheurs ont également vu des avions du gouvernement voler en cercles au-dessus de zones habitées par des civils et les bombarder, obligeant ainsi les habitants à se réfugier dans les montagnes et dans des grottes.

"La campagne incessante de bombardements tue et mutile des civils, hommes, femmes et enfants, déplace des dizaines de milliers de personnes, les mettant ainsi dans une situation où elles ont désespérément besoin d'aide, et empêche des communautés entières de planter des cultures et de nourrir leurs enfants",
a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch.
"Le gouvernement soudanais est littéralement en train de commettre des meurtres en toute impunité et essaie d'empêcher le monde extérieur de s'en rendre compte. La communauté internationale, et plus particulièrement le Conseil de sécurité des Nations unies, doit cesser de détourner le regard et doit agir pour mettre fin à cette situation", a déclaré Donatella Rovera, conseillère d'Amnesty International en matière de réaction aux crises.

Les civils n'ont aucun moyen de se protéger de bombardements aveugles. Des proches de victimes ont décrit ce qu'ils subissent à Amnesty International et à Human Rights Watch. "J'ai entendu des explosions, et là un voisin a apporté le corps de Maryam à la maison, a expliqué la mère de deux filles tuées lors d'une même attaque aérienne. Elle avait été touchée à la tête et une partie de son crâne avait été emportée. Il m'a dit d'aller au cimetière parce qu'ils y avaient emmené Iqbal. J'y suis allée, mais ses blessures étaient si horribles que je n'ai même pas pu regarder."

D'après des organisations d'aide humanitaire présentes sur le terrain, les bombardements, les attaques et les combats ont déplacé plus de 150.000 personnes dans les régions sous le contrôle des forces d'opposition, où les restrictions imposées par le gouvernement empêchent ces organisations de leur apporter des ravitaillements ou toute autre assistance. Environ 5.000 personnes ont traversé la frontière avec le Soudan du Sud pour rejoindre un camp de réfugiés dans l'État d'Unity.
Les bombes ont eu un effet dévastateur sur la population civile. Les communautés déplacées, obligées de partir de chez elles à cause des bombardements répétés, vivent dans des conditions éprouvantes dans des grottes, au sommet de montages, sous des arbres ou dans la brousse, loin des villes. Elles n'ont pas assez de vivres, de médicaments, d'installations sanitaires ni d'abris contre les fortes pluies. De nombreuses familles déplacées ont expliqué aux chercheurs qu'elles se nourrissaient de baies et de feuilles et que leurs enfants souffraient de diarrhée et de paludisme.

Le 23 août, le président Omar el Béchir, qui est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes graves commis contre des civils dans la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, a annoncé un cessez-le-feu unilatéral de deux semaines dans le Kordofan méridional, où les forces soudanaises combattent les forces d'opposition armées depuis le début du mois de juin. Cependant, des organisations locales présentes sur le terrain affirment que, malgré le cessez-le-feu, le gouvernement continue de bombarder des zones habitées par des civils. Le président soudanais a également annoncé que ni les Nations unies, ni les organisations humanitaires internationales ne seraient autorisées à aider les personnes déplacées.
Durant la période où les chercheurs étaient sur le terrain, des avions Antonov ont largué des bombes presque quotidiennement sur les fermes et les villages. Par exemple, le 14 août, un avion a bombardé une zone près du village de Kurchi, à 70 kilomètres à l'est de Kadugli, détruisant la maison et les biens de Wazir al Kharaba. Les chercheurs ont également photographié trois bombes tombant d'un avion Antonov près de Kurchi à 17 h 15 le 19 août. Le 22 août, une autre frappe aérienne a gravement blessé un homme à la jambe et une femme âgée à la mâchoire, et a endommagé une école.

Aucune cible militaire évidente n'était visible près des zones ayant fait l'objet de frappes aériennes et dans lesquelles se sont rendus les chercheurs. Des témoins ont indiqué que des avions Antonov ou des chasseurs à réaction volant à haute altitude auraient largué des bombes sur des zones civiles qui ne se trouvaient selon eux à proximité d'aucune cible militaire.
Des spécialistes en armement ont expliqué aux organisations que les munitions utilisées ne sont pas téléguidées et qu'elles sont souvent poussées manuellement hors des avions-cargos Antonov ou lancées à partir d'autres avions d'une manière que ne laisse aucune place à la précision. « L'utilisation, dans des zones habitées par des civils, d'armes ne pouvant pas être dirigées de manière précise sur des objectifs militaires rend tout discernement fondamentalement impossible lors de telles frappes, ce qui représente une violation du droit humanitaire international », ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch.

Dans les régions sous le contrôle du gouvernement, les agences des Nations unies et d'autres organisations humanitaires indiquent ne pas avoir été en mesure d'atteindre de nombreuses personnes touchées en raison des conditions de sécurité et de sévères restrictions émanant du gouvernement. Les autorités soudanaises ont empêché ces mêmes agences et organisations d'accéder et d'apporter des secours aux populations vivant dans les zones contrôlées par l'opposition en refusant d'autoriser les vols de secours et en lançant des attaques aériennes sur les pistes et les aires de décollage ou d'atterrissage utilisées pour l'acheminement de l'aide humanitaire. Les 14, 19 et 24 juin, des avions du gouvernement, notamment des avions de chasse, ont bombardé la piste de Kauda et ses alentours.
Bien que le gouvernement ait annoncé le 20 août qu'il n'avait jamais limité l'accès aux monts Nouba, trois jours plus tard, le président Omar el Béchir a déclaré qu'aucun groupe international ne serait autorisé à se rendre dans cet État et que seul le Croissant rouge soudanais pourrait apporter une aide humanitaire.
En tant que parties au conflit, le gouvernement soudanais et les forces d'opposition doivent immédiatement accepter d'autoriser l'acheminement d'une aide humanitaire par voie aérienne et terrestre à destination de toutes les populations affectées, quel que soit l'endroit où elles vivent, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. Toutes les agences et organisations d'aide humanitaire doivent être autorisées à circuler librement pour aider les civils qui ont désormais de toute urgence besoin, entre autres, de vivres et d'abris.

Le conflit entre le gouvernement soudanais et l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) a débuté le 5 juin à Kadugli et Um Durein et s'est rapidement étendu à d'autres villes et villages où sont présentes à la fois les forces du gouvernement et celles de l'APLS.
Les combats ont éclaté sur fond de tensions croissantes entre le parti du Congrès national, au pouvoir au Soudan, et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), qui dirige désormais le Soudan du Sud, devenu indépendant. Ces deux partis sont en désaccord sur des mesures de sécurité dans l'État du Kordofan méridional et sur l'élection contestée qui a eu lieu dans cet État et à l'issue de laquelle le candidat sortant au poste de gouverneur, Ahmed Haroun, un ancien ministre des Affaires humanitaires lui aussi recherché par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, a été réélu de justesse.
Le Kordofan méridional abrite des communautés Noubas conséquentes partageant depuis longtemps des liens avec l'ancien mouvement de rébellion du sud du pays, qui a combattu les forces gouvernementales soudanaises dans les monts Nouba durant la guerre civile qui a duré 22 ans et s'est achevée en 2005. Lorsque le Soudan du Sud est devenu un État indépendant, le 9 juillet 2011, le MPLS présent au Soudan est devenu le MPLS-Nord et le groupe d'opposition armée qui agit au Kordofan méridional est devenu l'APLS-Nord.
Les chercheurs d'Amnesty International et de Human Rights Watch n'ont pas pu se rendre sur les lieux des combats ni pénétrer dans les zones contrôlées par les forces armées du Soudan où les violences ont éclaté. En revanche, ils ont pu s'entretenir avec des dizaines de personnes déplacées qui ont fui les combats à Kadugli et dans d'autres régions.

Selon les témoins, les soldats et les miliciens ouvrent le feu sur les gens dans la rue et procèdent à la fois à des fouilles systématiques de toutes les maisons et à des arrestations à des points de contrôle en se servant de listes sur lesquelles figurent les noms de partisans connus du MPLS. Ces témoins ont également décrit les destructions, les pillages et les incendies volontaires d'églises et de maison, ainsi que la destruction au bulldozer des maisons de membres connus du MPLS.
Leurs récits concordent avec de nombreux éléments contenus dans le rapport publié par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme le 15 août. Ce rapport s'appuyait sur des recherches menées par les observateurs des droits humains de la Mission des Nations unies au Soudan (MINUS) avant la fin du mandat de cette dernière, début juillet, peu avant la déclaration d'indépendance du Soudan du Sud. Il rassemble des informations faisant état d'homicides illégaux très répandus et d'attaques généralisées contre des biens civils qui pourraient équivaloir à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch.

Le gouvernement soudanais a rejeté les conclusions du rapport des Nations unies et demandé au Conseil de sécurité de retarder toute discussion avec le Kordofan méridional jusqu'à ce que le gouvernement ait mené sa propre enquête relative aux droits humains.
Le Conseil de sécurité s'est réuni le 19 août mais n'a pas été capable de s'accorder sur une déclaration condamnant les violations des droits humains au Kordofan méridional ou de prendre des mesures concrètes, en grande partie en raison des objections soulevées par l'Afrique du Sud, la Russie et la Chine.

Amnesty International et Human Rights Watch ont exhorté le Conseil de sécurité à condamner fermement les bombardements aveugles de régions habitées par des civils et les autres violations des droits humains au Soudan et à réclamer qu'il y soit mis un terme, à demander que les organisations humanitaires puissent accéder sans encombre à toutes les zones touchées, et à prendre des mesures concrètes pour garantir la présence d'observateurs indépendants des droits humains dans tout le Kordofan méridional.
Les deux organisations ont aussi instamment prié le Conseil de sécurité de mettre en œuvre les recommandations la haut-commissaire aux droits de l'homme, qui a appelé à ouvrir une enquête indépendante sur les violations présumées du droit international humanitaire et relatif aux droits humains perpétrées au cours des hostilités dans le Kordofan méridional, et à amener les responsables présumés à répondre de leurs actes.
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