[Critiqe dvd] Où va la nuit ?

Par Gicquel

Du roman de Keith Ridgway «  Mauvaise pente » publié en 2001 (Prix Femina étranger, Prix du 1er roman étranger) il ne reste pas grand-chose. Plus rien de l’Irlande des années 90, de son fait divers qui dans un contexte politique, religieux et patriarcal très fort, avait défrayé la chronique. Martin Provost,en conserve une trame, l’idée d’un meurtre, comme une délivrance, l’idée d’un père, d’un mari, à l’autorité maladive, et des secrets de famille qui s’y raccrochent ,alors qu’on les imaginait à jamais enfouis.

Rose trimballe tout ça dans sa malheureuse valise, tirant un trait sur son passé, recommençant une nouvelle vie avec son fils qui depuis longtemps a quitté l’enfer familial. Mais pour aimer il faut être deux et la liberté recouvrée n’interdit pas la culpabilité.

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C’est cette histoire que le réalisateur de « Séraphine », et son coscénariste Marc Abdelnour, nous content admirablement bien, retrouvant en Yolande Moreau , la comédienne tout aussi attentive à sa caméra que lorsqu’il lui fallait peindre, les sentiments d’une femme en quête d’un absolu inavouable. Elle porte l’ingratitude, telle une revendication, une affirmation de soi.

Provost qui parfois paraît filmer à l’instinct (je pense aux scènes dans l’appartement de Thomas) est en réalité très près de son cadre, très attentif .Tout s’y concentre de manière naturelle en y mélangeant les thèmes et les histoires, la quête personnelle, très intime d’une femme et une enquête policière, quasi introspective.

Elle laisse en quelque sorte, le champ libre à l’héroïne, qui s’enfonce dans la culpabilité, mais assume son mensonge .La manière  dont tout tourne autour de cette présumée innocente, ce faisceau de présomptions,  qui ne viennent pas forcément de là où  on les attend, c’est un véritable film policier, que Martin Provost réalise, en décalage permanent.

Le genre y est peut-être galvaudé, au profit d’une peinture sociale, d’une justesse confondante. On ne va pas s’en plaindre. Le couple Moreau-Provost a encore fait des merveilles.

LE BONUS

Entretien avec Yolande Moreau et Martin Provost

Le réalisateur explique pourquoi il n’a pas voulu suivre le roman qui se passe en Irlande, avant de parler de ses retrouvailles avec Yolande Moreau. «  Mon rapport avec un réalisateur, c’est comme une danse, il faut être deux, dans l’écoute de l’autre, quelqu’un qui danse mal et seul, peut être bien à deux » dit-elle en évoquant le travail d’acteur.On  parle  aussi du paradoxe du comédien, du dédoublement…  «  J’aime Rose, j’ai besoin de l’aimer, pour la jouer