La décision arbitraire de la BNS d'un cours plancher d'un euro pour 1,20 franc

Publié le 06 septembre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Ainsi la BNS, la Banque nationale suisse, s'obstine-t-elle à intervenir contre le franc fort. Ses interventions précédentes ont déjà coûté beaucoup. Mais elle persiste et signe.
Après l'injection de liquidités à hauteur de 200 milliards au cours du mois d'août, elle a décidé ce matin à 10 heures 19 précises de ne pas laisser descendre le franc en dessous d'un cours plancher d'un euro pour 1,20 franc.
Qu'est-ce que cela signifie ? Que la BNS va acheter tous les euros dont la valeur sera inférieure à 1,20 franc pour maintenir le cours de change à ce minimum. C'est une façon comme une autre d'acheter des euros, tout aussi ruineuse que celle pratiquée l'an passé et qui s'était traduite par une perte de 21 milliards de francs... C'est inutile et ruineux. Car le problème n'est pas le franc fort mais l'euro faible. C'est s'attaquer à l'effet et non pas à la cause.
Pourquoi 1,20 franc ? Pourquoi pas 1,15 franc ou 1,40 franc comme le demandent l'Union syndicale suisse et les socialistes ici [d'où provient la photo] ? Nobody knows, it's a mystery : c'est à première vue purement arbitraire.

Le communiqué qui va avec cette nouvelle intervention étatique n'est guère rasssurant ici :


"La surévaluation actuelle du franc est extrême. Elle constitue une grave menace pour l’économie suisse et recèle le risque de développements déflationnistes.


La Banque nationale suisse (BNS) vise par conséquent un affaiblissement substantiel et durable du franc. Dès ce jour, elle ne tolérera plus de cours inférieur à 1,20 franc pour un euro sur le marché des changes. La Banque nationale fera prévaloir ce cours plancher avec toute la détermination requise et est prête à acheter des devises en quantité illimitée.

Même à 1,20 franc pour un euro, la monnaie helvétique reste à un niveau élevé. Elle devrait continuer à s’affaiblir sur la durée. Si les perspectives économiques et les risques de déflation l'exigent, la Banque nationale prendra des mesures supplémentaires."
La conclusion de la brève allocution de son directeur, Philipp Hildebrand, ici n'est pas davantage rassurante :

"La Banque nationale s'engage sur une voie exigeante. Nous devons accepter que le prix à payer peut être très élevé. Nous en assumons la responsabilité. Car ne pas agir entraînerait pour notre économie des dommages énormes à long terme. Par la mesure qu'elle prend aujourd'hui, la Banque nationale agit dans l'intérêt général de la Suisse."
D'abord remarquons que la déflation n'est de loin pas une calamité. Dans son livre, Deflation and libertyJörg Guido Hülsmann fait cette remarque qui devrait faire réfléchir le citoyen à qui on est prêt à raconter n'importe quoi :

"Il n'y a absolument aucune raison de s'inquiéter de ses effets économiques, à moins de mettre sur le même plan le bien-être de la nation et le bien-être de ses fausses élites."
Si "à 1,20 franc pour un euro, la monnaie helvétique reste à un niveau élevé", on peut se demander pourquoi ne pas fixer le cours plancher plus haut ? Poser la question, c'est y répondre. La BNS n'en a tout simplement pas les moyens. Cet aveu implicite rend nulle et non avenue sa détermination "à acheter des devises en quantité illimitée". De même l'emploi du conditionnel pour affirmer que le franc "devrait continuer à s'affaiblir dans la durée" confirme-t-il cet aveu d'impuissance.
Ce qui est encore moins rassurant c'est l'affirmation de son directeur que "le prix à payer peut être très élevé". Il justifie cette intervention par l'intérêt national, ce qui est le dernier recours des impuissants pour faire accepter n'importe quoi. L'inaction, selon Philipp Hildebrand, "entraînerait pour notre économie des dommages énormes à long terme". Autrement dit il vaudrait mieux payer cher aujourd'hui pour éviter de payer encore plus cher demain.
En réalité c'est déplacer la charge de quelques uns sur le dos de tout le monde. C'est aussi faire quelque chose pour ne pas se voir reprocher de ne rien faire. Mais on voit déjà, sur l'image ci-dessus [qui provient d'ici] du cours d'aujourd'hui de l'euro contre franc, que, si l'euro s'est apprécié jusqu'à 1,22 franc à l'annonce de la décision de la BNS, il s'est maintenu au cours plancher décidé par elle dans les heures qui ont suivi. Le prix à payer sera certainement très élevé...
Dans un flash de Tocqueville Magazine ici, daté d'hier, et à paraître demain sur son site, mon ami Michel de Poncins écrit :

"Les dévaluations pratiquées par le pouvoir politique sont immorales. Il y a bien longtemps, Moïse reçut sur le Mont Sinaï les commandements de Dieu, dont le célèbre : «Tu ne voleras pas ». Depuis ce fait historique, toutes les législations ont imposé, à la fois aux croyants et aux incroyants, le respect des contrats privés et de la propriété. Or, la dévaluation imposée par les pouvoirs politiques est une rupture de contrat et une atteinte à la propriété."
Dévaluer de fait le franc suisse est non seulement inutile et ruineux mais immoral...
Francis Richard