Les débats furieux engagés entre la défense d’une culture crispée sûre de ses tris et les enthousiasmes confus qui posent l’équivalence de toutes les créations et de toutes les pratiques ne sont peut-être qu’un théâtre d’ombres. (Roger Chartier).
Comme convenu, ce blog donne suit à un certain nombre de propos et de textes publiés cet été pour tenter de cerner leurs enjeux quant à la conception de la culture et l’action publique en la matière.
Aujourd’hui Pour une autre politique de l’art, Robin Renucci, Le Monde, 6 août 2011.
Ce que nous avons entendu et lu ces dernières semaines nous laisse nombreux sur notre faim. La dimension budgétaire est déterminante, mais elle ne saurait être le pivot de nos raisonnements. Elle ne répond pas aux questions posées par l'art et la culture aujourd'hui.
Oui, il faut des moyens nouveaux, mais ils ne prendront sens que si nous engageons une réforme ambitieuse de nos objectifs et de nos actions. Le sens, là est la question majeure.
Y répondre impose un changement radical de logique. On ne rejette pas André Malraux en disant que "rendre accessibles au plus grand nombre (...) les oeuvres capitales de l'humanité" ne peut plus être le paradigme des politiques publiques de la culture en ce début de XXIe siècle.
(…)
Il ne s'agit plus d'"accès" aux oeuvres. Il faut faire en sorte que "les oeuvres oeuvrent" comme le dit joliment le philosophe Bernard Stiegler. Parlons de création partagée, d'appréhension individuelle et collective, de contribution populaire. Sortons des oppositions bien peu innocentes entre une culture "populaire" et une autre qui ne le serait pas. Refusons l'opposition caricaturale entre professionnels et amateurs.
On notera au passage que la question de ces oppositions est, entre autres, au cœur de la vive controverse qui oppose depuis quelques jours Nicolas Roméas (L’art, la culture et la gauche, 8 août 2011 Médiapart) d’une part et Michel Simonot et Diane Scott, d’autre part, (Résister au « populisme culturel : pour un argumentaire renouvelé de la culture, Le Revue des livres 1er septembre) ; échange passablement virulent suivi de Résister aux intégristes de l’art, réplique de Nicolas Roméas et Valérie de Saint-Do, (Micro Cassandre, 5 septembre), à l’interminable et vaseuse dissertation (sic) de Simonot et Scott.
L’excellent blog L’Oizeau rare (Jean-Gabriel Carasso) s’est fait l’écho de ce « débat » ce qui me dispense, pour le moment, de commenter de vives diatribes donc j’avoue ne saisir pas l’enjeu.
Revenons aux propos du nouveau directeur des Tréteaux de France :
L'historien Roger Chartier écrivait ici même il y a vingt ans : "Il y a quelque chose de pathétique à vouloir dresser une digue étanche, infranchissable, entre les études et les oeuvres dont se délectent "les amateurs habituels des choses de l'esprit" et les "pratiques culturelles" du plus grand nombre, alimentées par le marché des loisirs. Le lien qui les unit (...) réside dans la trajectoire même qui donne leur sens aux oeuvres les plus puissantes" ("Pas d'oeuvre sans pratique", Le Monde du 26 septembre 1991).
Peut-être comme moi, avez-vous cherché le texte intégral de cette tribune de Roger Chartier sur le web ?… je ne l’ai pas trouvé, du moins en accès gratuit.
Fidèle à la vocation de La Cité des sens (dont je ne sais si elle est « artistique » plutôt que « culturelle » mais assurément pédagogique) qui est de permettre à ses lecteurs d’accéder aux textes eux-mêmes je livre donc ici cette brève et remarquable mise au point de l’historien de la lecture et des pratiques culturelles (écrite à l’époque, en écho au livre de Marc Fumarolli, L’Etat culturel).
Tribune de Roger Chartier, Le Monde 26 septembre 1991.
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