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5 bonnes raisons de refuser un salaire trop bas

Publié le 06 septembre 2011 par David Talerman

Vous avez passé le cap du CV et des entretiens avec succès, et une entreprise suisse vous propose un poste. Seulement, après avoir fait quelques vérifications, vous vous rendez compte que la proposition de salaire qu’on vous fait est bien en dessous de ce qui se pratique sur le marché. Bref, en acceptant, vous risquez d’être sous-payé. Alors que faire ?

Que signifie « Etre moins bien payé que ce que propose le marché » ?

Avant de commencer, il me semble important d’indiquer ce que j’entends par être moins bien payé que ce que propose le marché. Si vous êtes un ingénieur informatique, un commercial spécialisé dans la vente de produits médicaux ou encore un coiffeur, votre poste à un prix, déterminé par ce que les entreprises sont prêtes à donner pour ces postes, et par ce que les candidats sont prêts à accepter. C’est une bête loi de l’offre et de la demande.

Si avez une expérience en Suisse, vous savez probablement ce que vous valez sur le marché du travail. Si ce n’est pas le cas, je vous invite à vous renseigner rapidement sur les niveaux de salaires, dont vous trouverez quelques ressources sur notre page Salaires en Suisse (notamment les calculateurs officiels proposant des données cantonales). Gardez bien à l’esprit que pour un même métier, les secteurs d’activité peuvent proposer des niveaux de salaire très différents. Même chose d’un canton à l’autre : par exemple, les différences de salaires, pour un même poste, entre Zurich et le Tessin sont parfois importantes.

Prenons le cas concret d’un programmeur dans le secteur informatique, ayant une formation universitaire supérieur, 5 ans d’expérience souhaitant travailler dans le canton de Fribourg. Le calculateur de salaire nous donne une estimation des résultats suivants :

5 bonnes raisons de refuser un salaire trop bas

source : Observatoire Fribourgeois du marché du travail

Avec ce type d’informations, vous avez une estimation de ce à quoi vous pouvez prétendre, sachant que 25% des personnes qui ont votre profil sont payées 7 520 francs suisses brut par mois ou moins, 50% perçoivent un salaire de plus de 8 490 francs suisses, et 25% touchent un salaire de plus de 9 260 francs suisses bruts par mois.

Si d’aventure la proposition qu’on vous faisait était en dessous du 1er seuil (7 520 francs suisses bruts par mois), alors c’est ce que j’appelle un salaire qui est objectivement en dessous du marché. C’est ce qu’on appelle du dumping salarial. Attention toutefois à intégrer tous les paramètres : certains employeurs proposent des salaires plus bas, mais en contrepartie proposent des avantages qu’il faut intégrer dans le salaire (comme par exemple la prise en charge d’une partie des frais de logement).

Le décor étant planté, je vous propose à présent d’aborder les 5 raisons qui me permettent d’affirmer qu’il vaut mieux refuser un poste sous-payé.

1 – Vous risquez de ne pas vivre correctement en Suisse (ou dans la région si vous êtes frontalier)

Ce premier conseil s’adresse aux travailleurs étrangers qui n’ont jamais travaillé en Suisse et qui sont probablement les « proies » les plus faciles. Certains salaires sont non seulement trop bas par rapport à ce que vaut un tel profil sur le marché, mais trop bas tout court : dans ce cas, cela signifie que vous risquez de ne pas pouvoir vivre correctement sur place (que ce soit en Suisse ou en France, car le coût de la vie élevé ne s’arrête pas à la frontière), et peut-être même vous mettre en situation de pauvreté. Pour information, le seuil de pauvreté pour un couple avec 2 enfants vivant en Suisse est de 4 800 francs suisses par mois…

2 – Un bas salaire risque de vous suivre pendant toute votre carrière

En acceptant à votre entrée en Suisse un salaire bas, il vous sera très difficile de négocier une augmentation de salaire une fois dans l’entreprise. Même chose si vous changez de job : certes, beaucoup d’entreprises, notamment les moyennes et grandes entreprises suisses, proposent des grilles de salaires (en fonction de la qualification, de l’expérience etc.), ce qui permet de limiter le risque d’être franchement sous-payé. Mais toutes ne sont pas dans ce cas, et si l’employeur vous demande votre salaire, que vous lui direz-vous ? Lui mentirez-vous ? Quelle que soit la réponse, vous serez mis(e) en difficulté.

3 – A cause de vous, les salaires des autres employés baissent

Le marché du travail fonctionne grâce à un équilibre subtil entre l’offre et la demande, ces 2 paramètres devant être « sains ». En acceptant de faire un job pour un salaire très faible, vous déséquilibrez toute cette harmonie, ce qui a pour conséquence d’entraîner l’ensemble des salaires à la baisse dans l’entreprise, et à une plus grande échelle, dans le secteur d’activité : personne n’a à y gagner, ni vous, ni les autres salariés déjà sur place, ni les travailleurs qui arriveront après vous.

4 – En acceptant un salaire anormalement bas, vous donnez raison aux entreprises

Pour ceux qui ne le savent pas, il n’y a pas comme en France de salaire minimum obligatoire « général » en Suisse, seulement des entreprises et secteurs d’activité qui sont soumis, via leur CCT (Convention Collective de Travail), à des salaires minimum. Dans ce contexte, une entreprise qui n’est soumise à aucune CCT  n’a aucune obligation de proposer de salaire minimum à un salarié. J’ai d’ailleurs eu récemment un retour d’une Française à qui on a proposé un salaire correspondant à moins de la moitié de ce qu’elle aurait pu prétendre (la proposition qu’on lui faisait était d’environ 25 000 francs suisses inférieure au salaire moyen en Suisse). Ces entreprises, sans scrupule, exploitent le système et se disent, malheureusement à raison, qu’un candidat (désespéré ?) finira bien par accepter. Autant le dire : à ce tarif là, c’est de l’exploitation, et il vaut mieux renoncer plutôt que d’alimenter un système malsain.

 5 – Vous faites baisser le montant de votre future et éventuelle indemnité chômage

Supposons enfin qu’après avoir accepté de prendre un poste sous-payé en Suisse, vous vous retrouviez au chômage : que ce soit en France (pour les frontaliers) ou en Suisse, le montant de l’indemnité chômage que vous toucherez est directement lié au salaire que vous touchiez. Donc qui dit salaire bas, dit indemnités chômage encore plus basses.

Et la réalité du marché dans tout ça ?

J’entends certains me dire que pour certaines situations, il vaut mieux prendre un poste, même sous payé, notamment lorsqu’on est au chômage depuis longtemps par exemple. C’est  vrai dans certains cas, et le fait de retravailler permet de se réinsérer dans la vie professionnelle, de se remettre dans la boucle en quelque sorte. Mais je prétends qu’il faut regarder l’offre à 2 fois avant de dire oui, tant les conséquences de ce choix peuvent être problématiques. Par ailleurs, même si la négociation du salaire est toujours possible, ne rêvons pas : les employeurs qui rentrent dans de telles logiques camperont en général sur leur position.

Malheureusement, les études montrent que ce sont les personnes ayant les plus faibles qualifications qui sont le plus exposées à ce type de problème, et probablement les personnes qui ont le moins d’arguments à faire valoir face à un employeur. Au risque de me faire détester de la communauté, je maintiens toutefois mon conseil de ne pas accepter un mauvais deal, car s’en est un. Vous n’êtes pas une fin de série, vous n’êtes pas non plus modèle d’exposition, alors ne vous soldez pas.

Et avec un franc suisse qui devient de plus en fort par rapport à l’euro, les propositions de certains employeurs suisses risquent à mon sens de se multiplier, notamment auprès des frontaliers puisqu’un salaire en francs suisses, même bas par rapport au marché, pourrait aujourd’hui sembler plus attractif pour quelqu’un qui vit en France.

Enfin si vous êtes « victime » d’une telle offre (ou l’avez été), je vous invite à m’en faire part de manière anonyme, soit en commentaire sur ce blog, soit sur la page Facebook de Travailler en Suisse. Je prendrai alors contact avec vous pour en savoir un peu plus, et vous aider à y voir plus clair.


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