Facebook Revolution v.mu.2011
Qu'on ne me méprenne pas. Les visiteurs réguliers de cet espace savent que je partage les mêmes idéaux que les jeunes sur le groupe « WANTED : 15,000 Youngsters to Save OUR Future! ». Du moins au sens épuré. Par contre je n'emboiterai pas le pas aux soi-disant « observateurs de la société » qui se sont ralliés à ce groupe et qui ont offert leur soutien sur papier, sous prétexte que c'est « progressiste ». Peut-être que « progressiste » ici veut dire « à la mode », mais quoiqu'il en soit, pour moi, la révolution n'aura pas lieu.
Simplement parce que ce groupe sur Facebook est une action, et non pas un mouvement. Et voici les raisons, selon moi, pour lesquelles cette action n’aboutira jamais à un mouvement :
Raison une : Une contestation « antidémocratique »
Car au final, c’est ce que c’est. N’oublions pas que ca fait à peine 500 jours que la population du pays a choisi de placer ce gouvernement au pouvoir. 500 jours sur un mandat d’environ 1800 jours. Une lecture détournée serait de dire que ces jeunes – et moins jeunes – à travers ce groupe conteste la « décision du peuple ».
Qu’importe, ce que je veux souligner ici se trouve dans le grille « Une mélodie en sept temps » que j’avais proposée lors de la campagne électorale il y a un peu plus d’un an. Cette grille propose une lecture de la relation entre l’effort du politicien mauricien par rapport à un découpage schématique de l’électorat mauricien. En d’autre mots, ce que certains appelleront du « target marketing ».
Analyse des cibles du discours politiques par tranche de l'électorat
Le groupe sur Facebook ne représente qu’une partie de la catégorie « électorat rationnel ». Même si les organisateurs arrivent à une foule de 20 000 personnes, cela représentera qu’une infime partie de l’électorat mauricien. Et malheureusement, le jeu démocratique est ainsi fait : ce n’est pas le plus bruyant qui s’impose, mais le plus nombreux… aux urnes. Et ça c’était il y a environ 500 jours.
En gros, blâmer les politiciens pour la crédulité de l’électorat majoritaire ne sert à rien à cet instant et représente une contestation des règles de base du jeu démocratique et un non-respect de la décision de cette majorité crédule.
Raison deux: Frustration, et non projet de société
Malgré un manifeste et des posts sur le groupe Facebook, aussi légitimes que peuvent être ces griefs, j’ai du mal à comprendre le but de cette action. Selon un procès verbal d’une émission a la radio, les mots des organisateurs seraient :
Mécontentement généralisé face à un « tripotage politique » et à la « monopolisation du pouvoir » ; un ras-le-bol prononcé au niveau de la population d’un système politique traditionnelle mené sur un fond aigue de communalisme qui « gangrène le pays » […] Sont cités aussi « l’absence de volonté a combattre la corruption » […] Sur la même lancée, les membres du groupe sont tous d’accord pour affirmer que pendant longtemps, trop longtemps, la méthode « diviser pour mieux régner » a primé sur la politique a Maurice. […] Autre point abordé, l’absence de la méritocratie et « tout les temps mem dimune » […] Les jeunes, les moins jeunes, LES MAURICIENS, sont indignés face aux problèmes que rencontre notre société.
Au final, ces jeunes sont en train de réclamer un changement… à travers un statut quo. Outre des demandes utopiques qu’un nouvel ordre économique et social mondial voie le jour à Maurice (sic), les fondateurs de ce groupe semblent aussi demander aux politiciens de 1. se rendre compte et d’avouer qu’ils sont là où ils sont grâce à une supercherie intellectuelle depuis plus de 40 ans, 2. mettre en place un système pour que cela ne se reproduise plus dorénavant et 3. renoncer ensuite à leurs pouvoirs et laisser la place à d’autres. Et ce, 500 jours sur un mandat d’environ 1800 jours.
En d’autres mots, un gros coup de gueule. Mais pas de projet réaliste. Aussi idéaliste que je puisse être sur cet espace, là, j’ai du mal.
Raison trois: le peuple n’a pas faim
Attention, je ne prétends pas que la pauvreté n’existe pas à Maurice. Mes fonctions de journaliste m’ont mené à être témoin de situations de pauvreté extrême dans certains endroits de l’île. Malgré ce que certains puissent dire, ce n’est – heureusement – pas un cas généralisé à Maurice. Au risque de me faire appeler un « homme de droite » (quelle droite ?), j’insiste que ce que d’autres appellent « situation précaire » et « perte de pouvoir d’achat » est principalement du à un manque d’organisation, de planification et d’éducation du foyer mauricien.
Contrairement à d’autres pays africains, la population ne meurt pas de faim. Au contraire. Quand elle a moins de Rs 50 dans son compte en banque à la fin du mois, elle joue au Loto. Et gagne.
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Ainsi, ce que nous avons aujourd’hui est une masse de personnes réunies sur un groupe sur Facebook pour exprimer leur mécontentement sur la façon dont Maurice est gérée moins de 500 jours après que la population ait choisi – démocratiquement – un gouvernement pour un mandat de cinq ans. Dans certains pays, on appellerait ce groupe des « dissidents » ou des « opposants ». Mais vu les connotations douteuses à Maurice, je leur donne le bénéfice du doute et parlerai d’action civile.
Soyons honnête, mouvement ou action, tout doit bien commencer quelque part. On doit au moins leur accorder cela. Mais aussi sacrée que puisse être la liberté – et surtout le besoin – d’expression de cette jeune génération, elle se rendra vite compte que pour nos dirigeants, cette liberté ne vaut pas plus que le sacré droit de vote: elle n’existe qu’en période de campagne, s’achète et se vend. Pour cette raison, j’oserai avancer mes prévisions. De mon experience des foules mauriciennes, le groupe reunira dans les rues de la capitale autant de personnes qu’un meeting du Mouvement Socialiste Mauricien: 2 000 à 2 500 personnes.
Ce sera alors la fin de cette action. Sauf si elle arrive à se transformer en mouvement.