Je ne fais pas ici référence à la brochure de Camille Desmoulins, mais à l’étrange dialectique qui depuis quelque temps anime nos journaux télévisés, les débats de nos hommes politiques, et des journalistes.
Les frères Goncourt
Car presque comme dans la chanson « ce n’est pas tout à fait la haine, mais ça y ressemble », et l’on croirait à les entendre que la France de 1793 est au goût du jour, les riches ayant remplacé les aristos ; ce qu’avaient prévu d’ailleurs les frères Goncourt dans leurs Mémoires. « Tout cela comme toutes les révolutions, révolutions d’envie ! La bourgeoisie a mangé la noblesse. Mais patience, écrivains qui frappez sur ce vieux régime ! Il y a en dessous des gens qui n’ont pas de bottes. Générations qui maudissez les privilèges du passé, l’heure viendra pour vos privilèges. Et l’on ne vous verra pas, bourgeoisie, laisser dans l’histoire, comme l’aristocratie française, la trace d’un grand souvenir et d’une belle mort. On ne vous guillotinera pas, vous ne méritez pas Samson ; mais on vous rognera vos fortunes. On vous frappera au cœur par des impôts sur le revenu. Et le privilège de l’argent sera mangé comme le privilège de la noblesse »Les aristos n’ayant en général pour toute richesse qu’une particule, témoignage de leur histoire familiale qui souvent se confond avec celle de la France, ils n’intéressent plus que les sites spécialisés, Stéphane Bern ou les pages de Point de Vue et Images du Monde.
A moins bien sûr que nantis et aristos, ils cumulent non pas les mandats électifs comme nos chers représentants, mais ces deux fonctions :
- la nobiliaire qui au 18e, siècle des lumières, les promettait soit à la lanterne soit à la lunette (du Docteur Guillotin) qu’ils n’évitaient qu’en alliant la sagesse à la prudence en prenant la route de l’exil ce qui a plus d’allure que de prendre à toute allure la poudre d’escampette, même si la résultante est identique ;
- la fortune à ne pas confondre avec la chance (le malheur n’est pas le monopole des malheureux, contrairement à ce que l’on pourrait croire), car c’est le malheur (ici manque de chance) qui conduisit aristos et bourgeois nantis à finir le début de l’ancien siècle sous les balles ou les baïonnettes des révolutionnaires russes, le salut n’étant que dans le bannissement, où à défaut de richesse ils emportèrent le panache, permettant à Kessel de nous offrir « Nuits de Prince».
Aujourd’hui, « les Riches » ont remplacé les aristos dans une société égalitariste, où il est de bon ton de désigner à la vindicte populaire ceux dont le compte en banque permet d’échapper aux vicissitudes de la vie quotidienne que nous sommes une vaste majorité à partager.
Ils doivent donc payer, au propre comme au figuré semble-t-il. Le candidat favori de la primaire socialiste les a d’ailleurs prévenus : « Nous arrivons ! » S’adressait-il aussi aux grandes fortunes du P.S? S’adressait-il aux acteurs à succès sympathisants ou membres du parti ? Aux joueurs de foot et gagnants du loto ? J’en doute ! Eux, ce sont des riches populaires, ils arborent la rose où distraient les masses dans les nouveaux jeux du cirque. Le foot, nouvelle religion, nouvel opium du peuple ! (Moi je préfère le rugby !)
Car le racisme « anti-riches » auquel nous assistons fait un pied de nez que personne ne dénonce aux principes républicains. Alors à quand une association « Touche pas à mon riche ! » présidée par Laurent Fabius ou DSK ?
Une fois de plus, des propos démagos basés sur le ressentiment sont jetés en pâture à la frustration populaire, le mal français dénoncé par Alain Peyrefitte n’a pas pris une ride comme le dit si bien Jean d’Ormesson, et il est toujours entretenu par des politiques qui cherche une hypothétique élection à travers un bouc émissaire, nous ramenant à Nietzsche et la généalogie de la morale lorsqu’il écrit que « La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfante des valeurs….».
Ce ressentiment, cette incitation permanente à la haine du riche nous renvoie au « çà ira, çà ira les aristocrates à la lanterne » interprétée avec le talent inégalé d’une Édith Piaf, le poing vengeur, accrochée aux grilles du Palais de Versailles dans le film de Sacha Guitry.
Heureusement pour nos amis les riches, le « Falcon » a remplacé le cheval. (Et je ne fais pas référence à Han Solo).
Mais ce discours n’ a pas de frontières et n’est pas l’apanage d’un hexagone qui ne tourne plus rond. Ce même discours se retrouve dans une frange de la représentation politique monégasque, qui essaie de se construire une légitimité populaire sur le principe d’une lutte des classes, alors que s’ils étaient France, ironiquement ils seraient eux-mêmes classés du côté des nantis.