Or donc, Serge Dassault, « un très grand industriel (…) qui crée des emplois (…) de l’activité » [1], aura marqué le Campus UMP, en estimant, haut et fort, que taxer les riches « ça ne sert à rien, ce n’est pas comme ça qu’on va régler le problème du déficit. C’est idiot et nul ! ».
Voilà qui pourrait, en ces temps de crise(s), heurter le néophyte. Celui qui ne sait pas comment ça se danse, l’hypra-libéralisme.
D’où ce décryptage qui a pour noble ambition d’expliquer une bonne fois pour toutes aux laborieux de ce pays, à quel point Serge Dassault est un homme éclairé, voire : notre ami.
Prenons un riche. Peu importe lequel. Quelle est sa particularité ? Ce qui fait sa différence ?
La réponse est simple comme bonjour : sa richesse. Autrement dit : son pognon. Sans lui, il n’est plus rien. C’est sa seule raison de vivre (et de jouir, de préférence, en Josas...).
Vous comprenez, dès lors, que si l’on touche à son trésor, ne serait-ce qu’à hauteur de 3%, le riche est atteint dans son identité. Son intime. Avec une conséquence que chacun peut aisément deviner : la souffrance.
Or, que fait un être humain, quel qu’il soit, quand il souffre ?
Il consulte. Afin d’atténuer, voire éradiquer, la douleur qui le dévore.
Mais ce n’est pas un médecin lambda que le riche s’en va trouver, comme nous autres les vilains.
Ce sont des conseillers, des consultants, des collaborateurs. Des experts de la finance. Ceci étant, ils n’ont rien à envier à nos carabins, tant leurs prescriptions sont efficaces. Il faut voir les ordonnances qu’ils délivrent ! Défiscalisation, délocalisation, optimisation, évasion, et j’en passe ! Toutes les options possibles et inimaginables, pour soulager le riche de sa souffrance, sont passées au scanner. Ainsi, certains seront invités à délocaliser, qui en Roumanie, qui au Pakistan, voire même, en Chine ; d’autres à "placer" leur oseille au Luxembourg, en Suisse ou aux Caïmans ; ceci n’étant qu’un maigre aperçu des remèdes proposés. [2]
Ce qu’il faut retenir, c’est que ça marche ! Taux de rémission : 100% !
Seulement voilà, à tout traitement – ici, de cheval – correspond des effets secondaires.
Et ils sont, présentement, tout aussi redoutables qu’inattendus.
En effet, ce soulagement du riche, qui se traduit donc par une fuite massive des capitaux, contribue à appauvrir notre pays. Logique ! Le pognon se barrant « ailleurs », c’est moins de recettes escomptées pour notre pays. Ce qui, donc, alourdit et sa dette, et son déficit.
Du coup, nous commençons à comprendre pourquoi Serge Dassault nous dit que ce n’est pas en taxant les riches « qu’on va régler le problème du déficit ». Au contraire !
Premier effet secondaire.
Premier, car il y en a un second (sinon, c’est pas drôle).
Le déficit s’alourdissant, que va-t-il se passer ?
Angoissé à l’idée de voir la France perdre son Triple A, le gouvernement va prendre des mesures, qu’il qualifiera de «difficiles, mais nécessaires», comme par exemple, au hasard : une taxe sur les sodas, les cigarettes, les mutuelles, etc.
Ceci constituant la première étape d’un plan de rigueur qui ne veut pas dire son nom ; la seconde étant prévue pour le second semestre de l’année 2012, avec – liste non exhaustive – augmentation substantielle des franchises médicales, suppression de certaines aides ou prestations sociales, baisse conséquente des allocations chômage (et pas seulement pour les cadres), réduction accélérée des effectifs dans la fonction publique (jusqu’à liquidation totale), hausse de la CSG, création d’une TVA dite « sociale », bref, toute une batterie de mesures qui touchera de plein fouet, non les riches (puisqu’ils sont – lapalissade – riches), mais les classes moyennes et populaires.
D’autant plus si la croissance reste égale à zéro. Ou approchant.
Nous entrevoyons à présent et très clairement, quelles dramatiques conséquences, une simple taxe sur les riches, auraient sur les plus modestes d’entre nous. Même un auditeur de Sud Radio serait à même de le comprendre !
Nous assisterions, impuissants, à un effet d’un type « dominos », un truc infernal, qui pourrait se résumer de cette façon :
Taxe sur les riches = fuite des capitaux = appauvrissement de notre pays = pauvres et autres laborieux, nous en sommes bien marris, mais il faut que vous passiez à la casserole afin de ramener le déficit dans les clous de Maastricht [3] ; il en va de l’avenir de vos enfants et de la France, Amen !
Or donc, Serge Dassault a raison : taxer les riches « c’est idiot et nul ! » étant donné qu’au final, ce sont les pauvres salariés qui payeront l’addition.
CQFD.
Nonobstant, il n’est pas interdit de penser, haut et fort, que Serge Dassault se fout ouvertement de notre gueule ; que ce « très grand industriel (…) qui crée des emplois (…) de l’activité » [1] est d’un mépris et d’une arrogance insupportables ; un homme qui, de surcroît, se moque éperdument de la démocratie, à commencer par celle sortie des urnes ; qu’il est un héritier qui jalousement n’engendre que des héritiers ; que son attitude, détestable, démontre qu’il refuse, quoi qu’il arrive, d’aider son pays [4] ; bref, il n’est pas interdit de lui dire merde, et de lui promettre que demain, c’est bien lui qui va payer, et pas nous.
[1] Jean-François Copé, lundi 5 septembre 2011, sur France Inter.
[2] C’est ainsi que par tous ces subterfuges, une entreprise comme Total ne s’acquitte plus, bon an comme mal an, que de peanuts d’impôt sur le territoire français.
Alors, elle est pas belle, la vie ?
[3] Maastricht, pour qui, je te le rappelle, tu as dit oui, en 1992. Pauvre de toi !
[4] En revanche, ça ne lui pose aucun problème, à Serge Dassault, de proposer des Rafale à Kadhafi. Celui-là même qu’on honnit et pilonne, aujourd’hui.