Au gueuleton de Brassens

Publié le 05 septembre 2011 par Decrauze

Auprès de son arbre, je voudrais rester pour mieux digérer le monde qui se lézarde. Au bois de son cœur, nos vagabondes pensées s’aiguiseront contre les pitres tirailleurs. En tous sens, au tréfonds désabusé, ils s’ingénient à faire mourir les autres pour leurs ineptes idées. A cette valetaille de jusqu’aux boutistes, aux fossoyeurs d’une douce rentrée, je souhaite une cohorte de gorilles obsédés.Le temps ne fait décidément rien à l’affaire : la technique galopant vers le confort ultime, l’humanité s’étourdissant dans un ballet moutonnier à la sauce Panurge. Une lueur, tout de même : si quelques Rois ont toujours des cons pour leur servir la soupe, des peuples ardents dégagent ces tartuffes qui monopolisent le pouvoir ; un long, un petit, un frisotté, un empâté… Une maturité populaire dont nous, qui sommes nés quelque part en France, devrions nous inspirer pour empêcher la Marine de jeter ses amarres sur nos terres.Alors oui, divin Brassens, je trinque à ta mauvaise réputation persistante, toi qui as laissé croître tant de vers dressés comme autant de mauvaises herbes urticantes. Voyou poète à la trompette débouchée, vous arrachiez les guêtres suspectes des faussaires emplumés. En vous, vraiment, il n’y a rien à jeter : d’abord et surtout mécréant pornographe à perpétuer comme une précieuse résistance à l’aire du tant religieux. Pudibonds et censeurs de tout voile garnissez-vous ! car le Moyenâgeux a des disciples qui vous foutront jusqu’à la garde pour dégorger vos préceptes.Multiplier les rendez-vous musicaux avec vous pour ne pas flancher face aux croquants de la finance, aux experts en concurrence déloyale, aux casseurs de vie qui se gargarisent tant et plus. Vivifiez notre esprit, Monsieur Brassens, et nos poings dans leur moche tronche en seront plus lourds, avec tout l’irrespect qu’on leur doit.
Non, je n’attendrais pas le Vingt-Deux Septembre, et encore moins le Vingt-Neuf Octobre pour passer le pont avec celui qui a mal tourné et fondre sur les papillons en fête à l’ombre du cœur de ma mie. Laissons derrière nous les sanglants vergers des rois boiteux, improvisons, comme au temps jadis, une ballade en chaleureuse compagnie. Retrouvons-nous sous le grand chêne, avant que les opportunistes ne se pressent, étreignons-nous affectivement, avant que les charognards ne le dépècent.Toi d’abord, Jeanne ma bonté, pas très loin de ton compagnon au cœur chaud, l’Auvergnat qui me sourit, qui me comprend. Jeanne, femme d’Hector peut-être, trésor de femme sans nul doute, tu entraînes dans ton sillage ceux dont la société ne veut plus sous ses cieux imbus de performances, de résultats et de culbutes… financières : la brave Margot et le pauvre Martin, le petit joueur de flûteau et ce vieux Léon en proie au siècle d’airain. Sur ta lancée, garde aussi le doux Bonhomme et son impeccable Pénélope, celle qui eut voulu, par une subversive distraction, être surnommée « Petit Verglas » pour enivrer quelque poète éperdu. Passons le ruisseau, là où trempèrent les vénérés orteils d’Hélène, à sucer sans retenue, où se reflétèrent les silhouettes de Marinette et de troublantes passantes croisées entre loup et chien par une fraîche fin d’été, comme une promesse d’humanité, la vraie pas la soldée du XXIème siècle. Tapis de mousse sous toit feuillu : couche idéale pour convier la bandante Fernande, Mélanie l’inassouvie et ses trente cierges, comme une paillarde supplique pour que tu nous reviennes.Je loue vos belles figures féminines, mais je néglige vos pics misogynes. Maux infinitésimaux lorsqu’on les compare à ceux des mâles copains : eux d’abord, quatre-vingt-quinze fois sur cent, les promoteurs d’hécatombes, les faiseurs de 14-18, les exécuteurs de malheureuses Tondues… Cupidon s’en fout, certes, mais la Camarde a tout du travesti aux gonades explosives.
Restons encore sur ce banc, au vent fripon, mirer les mirages aquatiques de la si claire fontaine. Une rose à humer, une bouteille à partager et nos mains à serrer sans arrière pensée. Par un soir d'orage, le petit cheval fut foudroyé.

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Dans la même veine, sur Brel, cf. Brêle ce monde !