On sait que les banques sont inquiètes et qu’elles ont peur de ne pas récupérer l’argent qu’elles avaient prêté auprès des états. En effet, ceux-ci sont tellement endettés qu’on imagine même qu’ils pourraient tomber en faillite et donc se retrouver dans l’impossibilité de rembourser. Je n’ai jamais bien compris comment un état pouvait tomber en faillite, car un état est pour moi une collectivité et non une société privée. Mais bon, je ne suis pas économiste et je ne vais pas ergoter là-dessus. Cependant, j’entends dire par des plus malins que moi en ce domaine, que cette évaluation des états sur leur degré de solvabilité est récente. Les banques, avant d’engager leurs fonds, voulaient être certaines de bien placer leur argent. Elles effectuaient donc une étude préalable qui revenait en gros à se demander s’il n’y avait pas moins de risques d’investir en Allemagne plutôt qu’en Grèce, par exemple. Mais une telle étude n’était pas facile à réaliser et elle coûtait cher. Alors les banques, toujours soucieuses de faire des économies, ont sous-traité ce travail et l’ont confié aux fameuses agences de notations.
Celles-ci, toutes fières de leurs nouvelles missions, sont donc venues trouver les états et leur ont demandé des chiffres. Dans un premier temps, les états ont éclaté de rire (du moins leurs représentants). Mais les agences leur ont fait comprendre que si elles ne disposaient pas de chiffres valables, elles inventeraient n’importe quoi et que leur rapport risquerait d’être fort négatif. Par contre, si l’état collaborait et si ses chiffres étaient bons, alors, évidemment, le rapport serait on ne peut plus favorable, ce qui permettrait, en cas de nouvel emprunt, d’obtenir des taux d’intérêts préférentiels.
Devant de tels arguments, les états se sont donc laissé convaincre les uns après les autres et ils ont coopéré. Alors les agences, sous la pression des banques qui les avaient engagées et qui rétribuaient leurs services, sont revenues trouver ces états et elles leur ont dit en substance : « Puisque grâce à nous vous parvenez à avoir des intérêts préférentiels (conséquence de la bonne note que nous vous avons attribuée) et donc que vous faites des économies, la moindre des choses, c’est que ce soit vous qui rétribuiez nos services. »
Et c’est ainsi que les Etats se mirent à payer, à la place des banques, ces firmes qui venaient pour les évaluer.
Tout alla bien jusqu’au jour où ces firmes découvrirent que les états avaient des dettes. Ce n’était un secret pour personne et surtout pas pour les banques qui leur avait commandé le travail, puisque c’étaient ces banques-mêmes qui avaient prêté de l’argent (espérant en retirer de gros bénéfices et en retirant en effet d’énormes). Alors on se mit à écrire des rapports négatifs : la Grèce était au bord du gouffre, le Portugal ne valait pas beaucoup mieux. Quant à l’Espagne et l’Italie, n’en parlons pas.
En quelques semaines, toute l’Europe du Sud se retrouva en situation de faillite potentielle. Les bourses s’effondrèrent et les riches commencèrent à avoir peur pour l’argent qu’ils avaient placé. Alors, les banques, en nouveaux maîtres du monde qu’elles sont devenues, donnèrent des ordres. Il fallait redonner confiance au marché. La banque centrale européenne, qui craignait pour l’existence-même de la monnaie unique, répercuta cet ordre auprès des gouvernements (lesquels, rappelons-le, ont la confiance des parlementaires pour lesquels nous avons voté) et c’est ainsi qu’on entendit que des mesures drastiques devaient être prises envers les citoyens. Pas les riches, non, les autres citoyens, ceux qui travaillent et qui sont en fait l’âme de ces états aujourd’hui endettés.
Pour le dire autrement, ces citoyens qui avaient déjà contribué l’an passé, avec leurs impôts, à sauver les banques quand celles-ci étaient en difficulté, se voyaient maintenant contraints, par ces mêmes banques, de se serrer la ceinture pour permettre au système capitaliste de perdurer.
On n’insistera pas sur le côté ignoble de la situation, qui saute aux yeux de tous, mais on fera quand même remarquer que depuis ce jour nous ne sommes plus en démocratie puisque ce ne sont plus les élus du peuple qui décident mais les banques, qui ne sont tout de même que des firmes privées. Ce ne sont donc plus les intérêts des citoyens que l’état gère, mais des intérêts particuliers. Le « Contrat social » de Rousseau semble bien oublié
Alors, quand en plus on a le culot d’aller renverser des dictateurs en Afrique du Nord sous prétexte de défendre la démocratie, cela me fait quand même franchement rire.
Nous verrons d’ailleurs demain comment cette dictature, elle, se comportait avec ses citoyens.
L'Eurotower à Francfort.