MAX et NEO

Publié le 05 septembre 2011 par Toulouseweb
Le duopole Airbus-Boeing se porte bien, merci !
Tentons de prendre du recul, quelques jours aprčs le lancement du 737 MAX, livrable ŕ partir de 2017, qui va se décliner en trois version, 737-7, 8 et 9, de 126 ŕ 180 places. Boeing aura mis un an environ ŕ comprendre qu’il lui fallait urgemment infléchir sa stratégie de milieu de gamme pour tenter d’éviter qu’Airbus ne fasse durablement la course en tęte, grâce ŕ la famille A320 NEO. Une inertie américaine difficile ŕ comprendre, tant la maničre de procéder des Européens était limpide dčs le premier jour et transposable de Toulouse ŕ Seattle.
Grâce ŕ Pratt & Whitney d’une part, au tandem General Electric/Snecma, d’autre part, des moteurs de nouvelle génération sont désormais disponibles et offrent une consommation de carburant diminuée de 15% environ par rapport ŕ ceux actuellement en production. Dčs lors, moyennant un investissement proportionnellement modeste, il est devenu possible de réduire sensiblement les coűts directs d’exploitation des court/moyen-courriers par un simple jeu de remotorisation. Une formule d’attente permettant de reporter ŕ 2020/2025 l’apparition d’appareils entičrement nouveaux, résolument novateurs, ŕ financer quand les difficultés actuelles d’Airbus et Boeing seront enfin oubliées. Dans une petite quinzaine d’années, en principe, A380, A350XWB, 787 et 747-8 seront devenus rentables, permettant ŕ l’un et l’autre de passer ŕ autre chose.
Ce raisonnement a le mérite de la clarté et il est trčs vite devenu réalité ŕ Toulouse. A l’opposé, Boeing a longtemps estimé qu’il lui serait possible de faire l’impasse sur une étape intermédiaire et a consacré de gros efforts ŕ un hypothétique New Small Airplane, et cela en ne tenant pas suffisamment compte de l’impatience de quelques-uns de ses plus importants clients de référence comme Southwest Airlines. Moyennant quoi Airbus a travaillé dans la sérénité et constaté qu’il n’en coűterait pas plus d’un milliard et demi de dollars d’offrir une cure de jouvence ŕ la lignée A320. Ainsi est né le NEO, New Engine Option, qui a connu un démarrage commercial fulgurant, au-delŕ de toutes les espérances.
C’est ŕ ce point de ce bref rappel historique que se situe une étonnante inconnue : la passivité de Boeing est longtemps restée entičre. Apparemment, le grand industriel américain a estimé qu’Airbus faisait fausse route. A Seattle et au sičge de Chicago du groupe, le concept NEO a été sous-estimé. De maničre générale, les grands chefs américains ne nous ont pas facilité la tâche, tant ils sont avares en confidences. Jim McNerney, James Albaugh et Nicole Piasecki, drapés dans la dignité de leurs hautes fonctions, en disent le minimum. A leur maničre, sans doute continuent-ils d’exprimer une culture d’entreprise faite d’incompréhension sur la maničre de faire d’Airbus agrémentée d’agacement et, surtout, de sous-estimation des capacités de leur grand rival. En exagérant un peu, on serait tenté d’affirmer que Boeing ne prend toujours pas Airbus tout ŕ fait au sérieux, oubliant au passage que, depuis plusieurs années, ce sont les Européens qui font la course en tęte. Il y a lŕ matičre ŕ réflexion.
Le débat vient de rebondir et promet quelques rebondissements croquignolets. Voici le MAX lancé, fort de 496 commandes non détaillées, American Airlines mise ŕ part, alors que sa définition technique est loin d’ętre bouclée. Mieux, la motorisation en sera assurée par des CFMI Leap-1B dont le concept n’est pas finalisé, tout au moins pour ce qui est du diamčtre de sa soufflante, ŕ contenir au MAXimum parce que l’avion est trčs bas sur pattes. De ce fait, CFMI est obligé de développer une variante sur mesures du Leap-1B en tenant compte de limites physiques précises, une premičre.
A partir d’ici, on s’interroge. On repense ŕ ceux que l’historien Ron Davies appelait les artistes de la communication, en entendant Boeing affirmer que les coűts d’exploitation de son nouvel avion seront inférieurs de 7% ŕ ceux de ses Ťfuturs concurrentsť. On en conclu que la conception du Leap-1B n’est pas terminée mais que ses caractéristiques économiques n’en sont pas moins déjŕ connues. Mieux vaut dire les choses telles qu’elles sont : MAX et NEO vont inévitablement évoluer dans un mouchoir de poche et seules des concessions sur les prix permettront de convaincre les hésitants.
Voici donc le duopole ŕ nouveau en pleine forme. Et, au cœur de la grande agitation qui vient de rebondir, personne ne prend la peine de mentionner Comac et Irkut, timides outsiders limités ŕ une discrčte figuration. En bon français, dans ces cas-lŕ, on dit Ťbusiness as usualť.
Pierre Sparaco-AeroMorning