On sait d’ores et déjà que le plan « de rigueur » annoncé par François Fillon, uniquement fondé sur une hausse des impôts, sera un échec. Comme nous l’enseignent les exemples étrangers et la théorie économique.
Par Vincent Bénard
François Fillon vient d’annoncer un plan « de rigueur » destiné à réduire de… euh… ah oui, de 10% un déficit abyssal, avec une hypothèse de croissance de 1,75% alors que partout dans le monde semble s’annoncer un retour dépressionnaire de grande ampleur, alias « le retour du fils de la revanche de Kondratieff », ou quelque chose comme cela.
M. Fillon nous explique qu’il s’agira d’un effort partagé : Sur 11 alouettes au total, 1 alouette d’économies budgétaires pour l’État, 10 alouettes, pardon, un cheval de hausse d’impôts, portant principalement sur les entreprises. Et surtout, le partage équitable s’arrête aux portes de la fonction publique : aucun coûp de rabot sur les rémunérations des emplois à vie, aucun coûp de tronçonneuse sur les bons fromages de la république.
Contre exemples étrangers
Cela a-t-il déjà été essayé ailleurs ? La réponse est oui. Est-ce que ça marche ? La réponse est non.
Par exemple, voyez ce qui se passe aux USA : en Illinois, un gouverneur dépensier, Pat Quinn, a voulu appliquer la même recette et augmenter les impôts sur les entreprises pour tenter d’équilibrer un budget en perdition. Et bien, l’Illinois est l’État de l’Union qui a perdu le plus d’emplois depuis ces hausses, selon les derniers chiffres du BLS.
Au contraire, l’État champion des taxes faibles et des réglementations légères, le Texas, selon les calculs de la FED, a créé pas moins de 40% des emplois américains depuis la sortie (qui va se terminer prochainement) de la récession de 2008-2009 aux USA.
Et si le « taux de chômage, à 8,2%, n’y est pas extraordinaire au premier abord, c’est tout simplement parce que les immigrants internes aux USA ou externes ne s’y trompent pas : c’est au Texas qu’il faut aller pour se construire un avenir. L’afflux d’immigrants au Texas est très important. D’ailleurs, où ont été la grande majorité des sinistrés de l’ouragan Katrina ? Gagné. À Houston.
Et Rick Perry, le gouverneur de l’État, a résisté aux plans de relance, aux projets de dépenses somptuaires de l’administration fédérale (TGV, etc.), aux hausses d’impôts… Le Texas n’est pas exempt de problèmes (la ville de Houston, mal gérée, est elle-même au bord de la faillite) mais rien à voir avec l’Illinois.
La théorie : couper dans les dépenses
Au-delà de ces exemples, un certain nombre d’études ont montré qu’ils étaient en phase avec la théorie. Citons entre autres :
Blanchard and Perotti, Alesina and Ardagna, and Alesina, Ardagna, Perotti, and Schiantarelli.
Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI, peut difficilement passer pour un « ultra libéral ». Pourtant, ses constats sont sans équivoque :
« Both increases in taxes and increases in government spending have a strong negative effect on investment spending. » (L’augmentation des taxes et l’augmentation des dépenses publics ont un effet négatif fort sur les dépenses d’investissement.)
Et sans investissement privé, pas de reprise durable possible.
Les résultats d’Alesina (original PDF), présentés ici en Français par le québécois « antagoniste », se passent de commentaires :
En 2009, deux économistes de l’université Harvard ont publié une étude dans laquelle on a analysé les 107 réformes fiscales réalisées dans 21 pays de l’OCDE sur une période de 37 ans, pour déterminer lesquelles ont été en mesure de réduire le niveau d’endettement des pays. Le résultat est clair, net et sans appel :107 réformes dans 21 pays sur une période de 37 ans ne peuvent mentir : le seul moyen efficace de réduire l’endettement passe par une réduction des dépenses et des impôts/taxes. N’en déplaise à tous les gauchistes de ce monde, les faits parlent d’eux-mêmes : les pays qui ont opté pour le compromis en coupant dans leurs dépenses et en augmentant leur assiette fiscale ont tous empiré leur niveau d’endettement.
Mais bon, en France, nous sommes différents, et tous les keynesiens qui gravitent comme des mouches autour du gouvernement le savent : « la rigueur tue la croissance ». Ah ? Non, en fait…
Une classe politique sans courage qui repousse toujours à demain les décisions douloureuses
Bref, le plan Fillon est la dernière et pitoyable tentative du gouvernement de traire les vaches con-et-tribuables avant écroulement récessionnaire et faillites souveraines en série… Et là, ce n’est plus de rigueur qu’il faudra parler, c’est de sauve qui peut. À force de repousser le traitement des tumeurs parce qu’il apparait trop désagréable, il faudra compter avec les métastases…
Qu’en pensent nos parlementaires ? Rien à espérer de ce côté. Le député Gilles Carrez a osé déclarer, sur l’antenne de BFM, que si le plan Fillon agissait plus sur les recettes que sur les dépenses, c’était parce qu’en France, les parlementaires n’ont pas de marge de manœuvre pour réduire les dépenses, je cite, « les dépenses sont très rigides ». En clair, « toucher aux dispositifs sociaux et à la bureaucratie qui en vit est politiquement très délicat ».
Alors, on va voter le plan Fillon en chantant gaiement, des taxes, des taxes, et des scoubidou-bidous…
Non, monsieur le député, ce n’est pas la dépense qui est très rigide, ce sont vos couilles qui sont trop molles.
——-
Mise à jour Vendredi 2 septembre : voici une carte interactive des créations/destructions d’emploi dans les États US depuis 2006, illustrant parfaitement l’exception texane.