Magazine Régions du monde
L'exposition "Marc Riboud, 50 ans de photographie" organisée par l'Alliance Française dans le cadre de son centenaire, a ouvert ses portes hier. Elle durera jusqu'en janvier prochain.Je me suis donc rendu au Musée d'Art de Reykjavik (Hafnarhús) pour découvrir celui qui photographia le célèbre "peintre de la Tour Eiffel" perché à quelques centaines de mètres au-dessus du vide dans la position imprudente d'un danseur d'opéra. Je pensais trouver quelques badauds admiratifs des clichés du célèbre reporter de l'agence Magnum, mais je n'imaginais pas que ce que compte la capitale Islandaise d'amateurs éclairés, de notables et même de hauts dignitaires (tel Ólafur Ragnar Grímsson) s'étaient donnés rendez-vous pour l'occasion.
Me voilà donc en mode journaliste people, cheveux en mode flou artistique, rasoir en mode Off depuis 2 jours et appareil photo en mode flash, pénétrant dans l'enceinte du musée comme dans une ferme en tourbe et arpentant chaque salle du musée pour trouver Marc, au milieu des robes longues et des costumes trois pièces. Mon allure décontractée ne suscite pourtant pas le moins du monde la curiosité; mondanités ou pas, les islandais n'ont que faire des bizarreries de votre accoutrement. J'entame ma quête et me faufile dans chacun des espaces qui communiquent les uns avec les autres. Aucune trace du pote de Robert Capa. Je croise quelques invités qui paraissent manifestement plus enclins à s'enfiler ostensiblement leur piquette jaunâtre dans un verre polymérisée qu'à admirer (sans aucune chance d'y parvenir) la témérité en noir & blanc d'une Jane Rose Kasmir opposée à la guerre au Vietnam et se tenant une fleur à la main face aux baïonnettes des soldats Américains. D'autres forment des petits groupes et discutent en tournant le dos aux affiches colorées qui jonchent les murs.
A mesure que je déambule, je m'étonne d'ailleurs de n'apercevoir que des toiles du peintre Erró en lieu et place des photos de Riboud. La confusion n'est plus guère possible. Et la confirmation m'ait donnée par un français aux cheveux longs qui disserte sur chacune des toiles du Maître Islandais."Alors tu vois" explique-t-il à son interlocuteur en observant une toile à plus de deux mètres "ici, je ne saurais dire si c'est une forme de morbidité exacerbée qu'il veut nous donner à contempler ou bien au contraire comme un refus obstiné de la mort". L'autre est tout ouïe, manifestement subjugué par les analyses du géant à la crinière. Au regard du nombre de toiles qui restent à décortiquer, c'est préférable. Il écoute dans la position si caractéristique de l'expert en phase d'intense concentration. La main droite fixée sous l'aisselle gauche et la main gauche arrimée à la mâchoire. Je m'éloigne discrètement, de crainte que l'orateur pense avoir trouvé un nouvel admirateur et je continue à fouiner sans enthousiasme, désormais convaincu que les photos recherchées sont ailleurs.
Un peu plus loin, j'aperçois une dame esseulée qui observe le paysage depuis la fenêtre. Personne n'a songé à lui dire que la vue ne fait pas partie de l'exposition.
En définitive, je n'aurai jamais trouvé les photos de Marc Riboud. Et pour cause : l'inauguration avait lieu à quelques mètres de là, au Musée de la photographie de Reykjavik; ça m'apprendra à lire les invitations en mode dilettante.