Passionnant, non, la chamaillerie entre Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy à propos de cette taxe sur les parcs à thème ? Et bienvenue, surtout. Tant ladite taxe était un sujet majeur. Sur lequel, il convenait de débattre « sans tabou, ni a priori ».
Comment ne pas remercier chaleureusement Jean-Pierre Raffarin d’être monté au créneau, d’avoir bravé avec verve, pugnacité, courage, et son propre camp, et l’autorité présidentielle ?
D’autant qu’il aurait triomphé, et avec quel talent !
Ou, retiendra-t-elle la ficelle, celle qui dans nos souvenirs immémoriaux, se doit d’être la plus grosse possible afin que plus facilement ça passe ?
Parions sur le bon sens, celui de nous autres, celui qu’on vante en haut lieu, pour de suite affirmer, que c’est la ficelle qui l’emportera.
Car de toutes les gabelles, celle sur les parcs à thème n’était assurément pas la plus douloureuse. La dénoncer, commedia dell’arte, c’était pour, en vérité, mieux cacher la forêt, or donc l’essentiel.
Il faut reprendre la liste des taxes pour bien mesurer la gabegie, l’entourloupe, dont nous venons d’être les premières victimes.
Ainsi, celle sur les sodas.
L’éminent « collaborateur » du suzerain nous expliqua, paternaliste, que c’est pour des raisons de santé publique, qu’il décidait d’instaurer une telle taxe. Il est vrai que ces boissons, hautement chargées en sucre, affectent, avec le temps, notre petit métabolisme. En consommer immodérément provoquerait, dit-on, des dysfonctionnements ô combien désagréables (diabète, obésité, problèmes cardio-vasculaires, etc.). Or, qui prend en charge les dysfonctionnés, sinon notre régime d’assurance maladie, ce système solidaire devenu, lui aussi, déficitaire ?
Or donc, voyez, tout se tient.
En apparences.
On taxe ce qui fait du mal à notre corps, autrement dit : on ne nous taxe pas, on nous protège ! Et, en même temps, on épargne notre sacro-sainte Sécurité Sociale d’un éventuel trou supplémentaire !
Comment ne pas applaudir à tant de sollicitudes, de prévoyance ?
Comment ne pas saluer cette gestion de bon père de famille ?
Ce serait oublier la gabelle touchant les complémentaires de santé.
Une taxe autrement plus rémunératrice que celle sur les sodas et les boissons sucrées (gains : 120 millions d’euros en 2012), ou celles sur les alcools forts (340 millions) le tabac (600 millions) et les fameux parcs à thème (90 millions) puisqu’elle devrait rapporter à l’Etat la coquette somme de 1,1 milliard d’euros en 2012, soit près de la moitié du total estimé des taxes devant peser sur la consommation des ménages (dans le cadre de ce plan d'austérité).
Ainsi, on nous annonce que c’est pour notre santé que l’on gabellise ici et là, mais dans le même temps, on taxe, et copieusement, les mutuelles.
Belle incohérence ! Fantastique fumisterie !
Croyez-vous que les classes moyennes, les plus modestes d'entre nous, aient les moyens de supporter ce coût supplémentaire ? Nonobstant, quand on sait pertinemment que bon nombre d’entre eux n’a déjà pas les moyens financiers d’en contracter une ? Or, si vous n’avez pas de mutuelle, vous renoncez à quelques soins primordiaux, comme les dents, par exemple. Ou la vue. Et je ne vous parle pas des divers frais d’hôpitaux.
Comment peut-on, dès lors, avancer un argument de santé publique pour justifier de taxes, quand parallèlement, vous éloignez une partie de la population, celle-là même que vous prétendez vouloir protéger, de l’accès aux soins ?
Etonnant, n’est-ce pas, qu’aucun Raffarin n’ait pensé à monter au créneau, à braver l’autorité présidentielle, sur ce sujet, cette incohérence. Que ça n’ait pas provoqué un débat, voire une chamaillerie. Que ça n’ait pas fait les gros titres, non plus.
Pourtant, quelqu’un s’est indigné.
A demandé (le 29 août dernier) « solennellement » au président de la République d'abandonner cette idée d’alourdir la taxation des complémentaires de santé, en développant l’argument suivant : « Cet alourdissement (…) contraindra les familles modestes à renoncer, pour des raisons financières, à une couverture complémentaire-santé ou, comme nous le constatons déjà, à choisir des garanties beaucoup moins protectrices » [*].
Cet homme, c’est Etienne Caniard, le président de la Mutualité française.
Il aura eu moins de succès que Jean-Pierre Raffarin.
Et surtout, on aura donné que peu d’écho à son appel « solennel ».
Or donc, nous voyons mieux, désormais, comment se danse cette histoire.
On met en avant une taxounette, celle touchant les parcs à thème. On en fait un sujet de dispute ; en réalité, une mise en scène. De fait, on occupe l’espace médiatiquement. Ah mon dieu, on se déchire dans le parti majoritaire ! C’est bon ça, coco, pour le buzz.
Et puis, finalement, tout s’arrange. Bon comme le pain, le président finit par céder à celui qui fut son Premier ministre. Et l’on a l’impression que le gouvernement a lâché du lest, mieux : qu’il nous a fait une faveur. Soyez heureux, les gueux, vos attractions restent au même tarif ! Dans ce déluge de mauvaises nouvelles, forcément, ça ne passe pas inaperçu. Mais c’est fait pour…
… Pour cacher la forêt. La vraie taxe. Celle qui fait mal. Qu'est injuste. Celle qui nous touche vraiment.
Voilà pourquoi Raffarin a faussement titillé Sarkozy sur une taxe dont, franchement, nous nous foutions comme de notre première chemise : pour mieux en taire une autre ; la douloureuse.
Pauvres de nous !
NB : Plutôt que d’accabler les ménages moyens et populaires de ce pays, sous prétexte de crise, d’austérité, d’unité nationale et tout le merdier habituel, le gouvernement aurait pu mettre à contribution les plus riches. Qui, eux, n’ont aucun problème pour s’équiper sport en matière de mutuelles.
D’aucuns me diront que c’est le cas ! Enfin, messire ! Une taxe de 3% concernant les revenus supérieurs à 500 000 euros annuels (gains estimés : 200 millions d’euros en 2012) c’est pas grand-chose, mais ce n’est peut-être qu’un début !
Le début de la fin, plutôt.
Etant donné que la voix de son maître, le dénommé Serge Dassault, a claironné ce week-end, lors du Campus UMP, que taxer les riches « ça ne sert à rien, ce n’est pas comme ça que l’on va régler le problème du déficit. C’est idiot et c’est nul ! »
Gageons qu’il sera plus entendu qu’Etienne Caniard.
C’est que, voyez-vous, la 89ème fortune du monde, qui plus est propriétaire du journal censé assurer la réélection du suzerain, ça a quand même autrement plus de poids qu’un petit président de mutuelle.
[*] Le Monde – mercredi 31 août 2011