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"Au même moment, je deviens conscient de ces Yeux qui me regardent directement à travers ma tête; des Yeux qui atteignent jusqu'aux replis les plus honteux de mon âme, qui bientôt semblent m'entourer de toute part qui me voient de l'extérieur comme de l'intérieur, jusqu'à ce que tout ne soit plus qu'un seul Oeil. Et comme il n'y a ni sourcils ni visage, il m'est impossible de dire qu'elle est l'expression de cet Oeil. Il ne fait que regarder, ce que je ne peux supporter. Je tombe sur le sol, je m'y roule, je ferme les yeux, je me couvre la tête. L'Oeil arrive alors sur moi du plus profond de moi-même, plus vaste que jamais, remplissant tout l'espace imaginable.
Il n'y a nulle part où aller, absolument nulle part. Il n'y a même plus un centimètre carré sur lequel se tenir ou derrière lequel se cacher. Le seul lambeau de moi qui reste est juste ma terreur, une terrible envie de fuir cet Oeil. Il n'y a plus rien à faire : seul, l'Oeil est là, qui regarde. Ma terreur ne peut se réfugier nulle part, personne ne peut venir calmer mes sanglots, aucune ombre ne peut me cacher, aucun trou n'est là pour ensevelir mon corps. Et, juste à cet instant, je suis l'Oeil.
Car "l'oeil avec lequel je vois Dieu" dit maître Eckart, "est le même oeil avec lequel Dieu me voit"."Alan Watts in Etre Dieu (Denoël éditeur)
Nous sommes en effet cet oeil immense dans lequel le monde apparait. Watts fait ici référence à une terreur, à une peur devant l'Oeil. Nous avons en effet tous nos résistances devant cette vision. Nous sommes accrochés à notre identification et ce lâcher-prise dans l'inconnu nous inquiète. Il s'agit en réalité d'une peur de mourir.
Pourtant il n'y a rien à craindre car ce qui meurt est juste une illusion: celle de se croire un corps, une chose parmi les choses. Et ce que l'Oeil nous révèle nous fait revivre d'une vie tellement plus vaste et plus libre. C'est ainsi que je comprends la mort et la résurrection : la mort de identification et la résurrection en tant que conscience pure, en tant que Vision.
Je suis l'Oeil. Mais qui regarde?
Ah, cela est à vivre!
jlr