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« Il s’agit de survivre. Encore y a-t-il de la grandeur dans la survie, et cette vie manque de grandeur. En fait, il s’agit seulement de s’en tirer. » (p. 13)
L’auteur :
Iain Levison est un écrivain américain d'origine écossaise qui vit à Philadelphie.
Son premier roman, Un Petit Boulot, a rencontré un succès important.
L’histoire :
Tribulations d’un précaire est un récit écrit à la première personne. Avec un regard acéré et décalé sur le monde du travail, l’auteur relate avec un humour noir et décapant les petits boulots qu’il a été amené à exercer aux États-Unis pour survivre, après un passage dans l’armée et un diplôme de lettres. Aucune des compétences acquises ne lui servira jamais… Ni pour transporter câbles et cafés lors du tournage d’un film underground, découper des poissons dans un supermarché de luxe, remplir des cuves de fuel ou conduire un camion de déménagement... Ni pour les travaux de forçat en Alaska aux côtés de travailleurs immigrés.
Ce que j’ai aimé :
- La précarité est un thème qui aurait pu plomber rapidement l'atmosphère de ces récits autobiographiques, ce qu'évite avec brio Iain Levison grâce à un ton décalé et à un recul humoristique.
« Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ç’a été un peu confus. C’est parfois difficile de dire exactement ce qui s’est passé, vous savez seulement qu’il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain. Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. À deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : "Je suis ouvrier agricole". Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu 40 000 dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres. » ( p. 12)
L'auteur fait preuve d'une clairvoyance assumée sur sa vie et sur le système économique qui l'amène à connaître ces "tribulations" courtes et décevantes. Car non seulement l'université ne mène nulle part, (« Le fait est qu’à le fin de ma troisième année, quand les chasseurs de têtes étaient venus recruter, je n’avais pas vu une seule annonce portant la mention « licence de lettres exigée. » » (p. 186)) mais ensuite les emplois laborieusement trouvés s'avèrent frustrants, absurdes, voire dangereux (dans le cas notamment des déménageurs) et ne permettent nullement de bénéficier d'un salaire décent ou d'une quelconque couverture sociale. Sans parler du fait que, bien sûr, ils vont à l'encontre de tout épanouissement personnel...
« Des types me disent qu’ils ont trouvé le job de leurs rêves. Des types avec lesquels je me soûle me le disent quelquefois, les plus jeunes. Mais trois semaines plus tard, je les retrouve serveurs de bar. « Qu’est-ce qui s’est passé avec le super boulot ? » Ils haussent les épaules. « Ca n’a pas marché. » » (p. 179)
« Suivez avec confiance la direction de vos rêves, a dit Thoreau. Par la suite, il a ajouté que la plupart des hommes mènent une vie de désespoir silencieux, signe que peu d’entre nous suivaient son conseil. » (p. 179)
Le conclusion reste sans appel :
« Le véritable problème c’est que nous sommes tous considérés comme quantité négligeable. Un humain en vaut un autre. La loyauté et les efforts ne sont pas récompensés. » (p. 187)
Ce que j’ai moins aimé :
- J’ai moins aimé le long chapitre consacré à la pêche en Alaska, moins humoristique que les autres.
Premières phrases :
« C’est dimanche matin et j’épluche les offres d’emploi. J’y trouve deux catégories de boulots : ceux pour lesquels je ne suis pas qualifié, et ceux dont je ne veux pas. J’étudie les deux. Il y a des pages et des pages de la première catégorie, des postes que je n’obtiendrai jamais. Expérience de six ans exigée dans tel et tel domaine, parler couramment le chinois, pouvoir piloter un jet face à une défense antiaérienne, et avoir SIX ANS d’expérience en chirurgie cardiaque. Salaire de départ trente-deux mille dollars. Faxez votre C.V. à Beverly. »
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Du même auteur : Un petit boulot
Autre : Le couperet de Donald WESTLAKE
D’autres avis :
Télérama
Kathel
Tribulations d'un précaire, Iain LEVISON, Traduit de l’américain par Fanchita Gonzalez Battle, Liana Levi Piccolo, 2007, 186 p., 8 euros
Merci à Kathel qui a chaleureusement accepté de faire voyager ce roman jusqu’à moi.