Toi, bradeur d'hommes bleus,
par la peste blême du tourisme,
tu as violé l'indépendance de notre figuier !
Hawad Le coude grimaçant de l'anarchie extrait
Le regard déformant de l'extérieur
vexillogie provençale
“ Oh ! Mes Touaregs ! Quel mystère vous conduit sous vos voiles étranges ? A l'image de votre âme, votre parler berbère est marqué de mots chrétiens, le nom latin immense de péché, celui gracieux des anges, et, à travers les règles musulmanes de votre art, vous faites triompher sur vos objets familiers la croix chrétienne ”
C.Kilian 1934
Déserts : perspectives croisées
Paul Pandollfi : Le stéréotype touareg
Conclusion de l'analyse
De nos jours, le stéréotype touareg est encore largement opérant. Qu'on se souvienne de quelle manière un véritable lobby des « amis de la cause touarègue » (cf. Casajus 1995) a soutenu sans aucune distance critique la rébellion touarègue au Mali et au Niger. En juin 1992, les murs de Paris furent ainsi recouverts d'une affiche où sur un visage d'homme voilé s'inscrivait cette interrogation pour le moins problématique « Touaregs. Un peuple doit-il disparaître pour exister ? » alors que, dans le même temps, sous le patronage de l'association France-Libertés se déroulait dans le hall du musée de l'Homme une exposition de photographies figeant les Touaregs dans cette représentation stéréotypée qui répond si bien aux désirs et aux intérêts des Occidentaux.
Homme bleu - salines
Cette image est également répétée à satiété dans les récits de voyages, livres de photos et autres brochures touristiques. Parfaitement connue par la plupart des individus auxquels elle s'applique, elle est très souvent reprise et réutilisée par ces derniers dans le cadre de stratégies diverses. L'exemple touristique est ici le plus parlant : combien de Sahariens ne doivent-ils pas littéralement se déguiser et jouer au Touareg afin de correspondre au plus près à l'image que veulent retrouver les Occidentaux à la recherche des « hommes bleus ». Dans le contexte fortement inégal du tourisme Nord / Sud s'exprime une violence évidente : pour exister, l'Autre doit encore et toujours se conformer à l'image que nous avons construite de lui.
Seguedine
Or, d'un point de vue historique, ce qui nous paraît central ici est bien la relation triangulaire précédemment évoquée : en aucun cas il n'y a appréhension de l’Autre touareg sans l’intervention de ce second autre représenté pour l’essentiel par les populations arabes d’Afrique du Nord. Le modèle ainsi établi voit deux groupes se distinguer, s’opposer voire se combattre au sein d’un même espace. Dans ce cadre, comme l'a justement relevé M. Kilani (1997), c'est une relation spectrale avec l'autre qui se met en place. Le processus qui amène l’Occidental soit à rapporter l’Autre touareg à lui-même soit, dans le même mouvement, à se projeter dans cet Autre, a pour conséquence principale de séparer cet Autre privilégié, cet Autre « semblable et proche », de l’Autre stigmatisé et rejeté.
Aussi, il paraît évident qu'une telle stratégie répond in fine, dans le contexte colonial à un objectif principal : diviser pour mieux régner. En ce sens, nul ne l'a mieux défini que Gallieni dans sa fameuse circulaire du 22-05-1898 :
« S'il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu'il faut savoir démêler et utiliser à notre profit en les opposant les unes aux autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les autres ».
Paul Pandollfi
source Le stéréotype touareg
Bibliographie
Rhissa Rhossey
" De l’aliénation du colonisé, c’est-là le premier apport fondamental de Fanon : la colonisation ne pouvant fonctionner durablement que par l’intériorisation d’un complexe d’infériorité, d’un désespoir et d’un sentiment d’impuissance ".
Il est difficile de rester soi-même quand on sort de plus d'un siècle de captivité, d’abâtardissement, de négation de son soi authentique.
L'amajigh ou l'amazigh ou tamacheq est victime de ces époques dont parlent Fanon et Césaire,
avec cette intensité,
cette douleur,
ce cataclysme à nul autre pareil.
Les faux-semblants, les faux-fuyant, les mascarades, les dérobades, les esquives, les dribbles et les feintes sont belles et bien les stratégies du désespoir.
Rhissa Rhossey
Assam Midal
" Au plan culturel, les Touaregs appartiennent à la grande civilisation berbère qui peuple l’Afrique du Nord et le Sahara. Ils parlent le tamacheq et ont une écriture propre : le Tifinagh.
LesTouaregs, à l’image d’autres peuples représentés ici, sont handicapés par ce morcellement qui fait que dans chacun des États, ils sont incontestablement minoritaires à tous égards. Cet état de fait est d’autant plus marqué que toute revendication à caractère identitaire est systématiquement assimilée à une subversion.
Les stéréotypes marquants qu’on leur prête sont ceux d’un peuple dominé, victime de catastrophes naturelles et incapable de s’assumer : exploité, dépendant économiquement et socialement étroitement lié à son environnement naturel dans la vie quotidienne, les coutumes, les croyances, ce peuple souffre de graves atteintes portées à son environnement par des intérêts extérieurs.
Nous servons de terrain d’élection au tourisme exotique et à la folklorisation - visite des cités et espaces sahariens, artisanat peu rémunérateur, troupes pseudo-culturelles, etc. Dans chacun de ces États notre langue et notre culture sont minimisées ou parfois combattues. Il n’y a guère de pouvoir culturel moderne : création d’écoles, activité théâtrale, littéraire reconnues.
Quant aux médias, ils font peu de place à la vie de notre peuple si ce n’est sous une forme exotique ou ethnographique.
Les clichés ci-dessus énumérés ne sont pas exhaustifs mais sont suffisamment consistants pour illustrer les difficultés que nous vivons. C’est pourquoi il y a une nécessite absolue de procéder a travers un centre culturel à la sauvegarde de la culture Twareg, cela permettra d’avoir une fenêtre ouverte de la culture touarègue sur le monde.
Le centre est un support qui aura pour mission principale d’échanger, former, informer, sensibiliser, vulgariser la culture, et surtout éduquer ces populations pour leur garantir un avenir acceptable ...
Faris Amine
Oh Sahara
Montre-nous le jour de l'asphyxie
Dans lequel nous avons accepté
Cette humanité-larve
Nous avons accepté ses lois comme les nôtres
Nous avons laissé entrer les trafiquants d'illusions
Dans les profondeurs de nos esprits
Le libre commerce des destructeurs
Aux mille langues
Nous avons cru que ce mirage artificiel
urine de vache sucrée embouteillée
pouvait mieux faire grandir nos enfants
Pourquoi ?
Pourquoi cette acceptation totale ?
Nous avons vendu nos savoirs
Pour une poignée de riz
Et de sorgho pourri
Faris Amine extrait
Laisse-les, chauve-souris,
laisse-les bêler le Touareg mort-vivant
qu'ils ont empaillé avec des macaronis,
des francs et des versets du Coran,
épouvantail touareg
planté dans le désert pour baliser
la course de Renault et Peugeot.
Hawad Le coude grimaçant de l'anarchie extrait
" Donnez-moi une cartouche
d'encre tifinar'
Je vous taillerai
d'autres lisières de routes
où pas même le rêve
ne s'est aventuré "
(...)
Hawad Lisières des braises, 1995)