Lapse de temps urbain

Par Villefluctuante

Qu’importe le lieu, seul compte le temps. Sur une période d’environ vingt ans, F. fit des prises de vue photographique de son milieu, êtres et contexte urbain confondus et cela constitue un œuvre. Pas de soucis pour de monumentalité pour F.. Flaneur, fixant famille et amis dans sa ville, érigeant la promenade comme discipline et dont les traces fixées au sel d’argent sur plaques de verre forment le témoignage.

90 ans plus tard environ. Même ville, le milieu a changé par la force du temps. Tous sont morts. Les lieux sont là, un peu les mêmes, un peu différents. Un lapse de temps s’offrant à la reconduction photographique. Emboitant les pas de F., tant bien que mal, j’ai tenté l’apnée de presque un siècle, m’arrêtant là ou il s’était arrêté et cadrant au plus près du regard initial. L’esprit a disparu bien sur. La jeune femme au manteau court présente sur beaucoup de cliché s’est peu à peu muée sur les plaques corrodées en mère à la tenue stricte. Aujourd’hui même son fantôme me manque. D’une certaine manière, mes images vont témoigner de son absence et finalement le projet d’emboiter les pas du photographe F. se muera bien vite en une ode à la féminité comme si toute la ville tenait à la présence puis à l’absence de cette femme.

Tout est perdu, la ville manque de tenue, les gens aussi. L’espace public a perdu de son autorité. Seuls demeurent les sanglots de l’absence. Car on pourra écrire sur l’histoire des villes tant que l’on voudra, je sais maintenant que ce sont les femmes qui en constitue l’étoffe la plus sure. Elles seules ont le courage de faire tenir tout cela debout et sans elles notre monde s’écroulerait comme un château de cartes.