« COCO, COCO, COCO FRAIS ! »
De la rue, monta un cri : « Coco frais, coco !
Rafraichissez-vous ! Qui veut du coco ? »
Cet après-midi de juillet était brulant
Alité, mon oncle expirait sereinement.
Le notaire ouvrit son testament.
Mon cousin héritait naturellement
De tous les biens de son père.
Mais ce fut la stupéfaction
Quand on entendit : « Je laisse à Pierre
Mon manuscrit sur la superstition.
Il le trouvera dans mon bureau
Avec cent francs qu’il remettra
Au premier vendeur de coco
Qu’il rencontrera. »
Le manuscrit donnait l’explication.
En résumé, il disait textuellement :
« Une étoile s’allume en même temps
Que nait un enfant, dit-on.
On croit à l’influence des comètes,
Aux mauvais sorts que des gens jettent,
On craint le chiffre treize, les vendredis…
L’homme vit
Sous le joug des superstitions
Car trop superficielle est son observation.
Ma mauvaise étoile : un vendeur de coco.
Il a crié dans la rue sitôt
Que je naissais.
À huit ans, j’allais aux Champs-Elysées
Avec la bonne. Arriva dans notre dos
La voiture d’un marchand de coco.
Elle nous a renversés.
J’eus le nez cassé.
Le jour de mes seize ans,
Je fus invité par des amis
Pour chasser en forêt de Senlis.
Au moment
De monter dans la diligence,
(Vous allez dire « coïncidence »,
Sans chercher au-delà.)
Une voix m’interpella :
« Coco frais ! »
Ces mots, vous en conviendrez,
N’ont rien de bizarre.
N’y voyez que la cause du hasard.
Je n’étais point maboule
Mais je tirais sur un chien
Que j’avais pris
Pour un lapin et tuais une poule
Que je crus bien
Etre une perdrix.
Le matin de mes vingt-cinq ans,
Un autre marchand
Me tendit un verre de sa boisson.
Je bus le coco sans façon.
Or ce jour là, je rencontrais une belle
Qui devint ma femme…avec laquelle
Je ne fus jamais heureux.
Enfin, voici le malencontreux
Vendeur de coco
Qui brisa ma carrière illico.
Je venais d’être diplômé
Et devais visiter le Recteur
Avant d’être nommé
Adjoint d’un Président d’Université.
Je partais donc me présenter
Il pleuvait. J’étais en retard. Je me pressais
Quand sur le sol boueux je glissais.
Un cri aigu me perça alors les oreilles :
« Coco, coco ! qui veut du coco ? »
Je me retrouvais dans une flaque d’eau
Accroupi, souffrant d’un orteil.
Le temps de rentrer changer d’effets,
L’heure de l’audience était passée.
J’étais refait.
Je m’excusais. »
Le manuscrit se terminait par ces mots :
« Méfies-toi des marchands de coco. »
Le lendemain, croisant
Un vieux porteur de coco.
Je lui donnai aussitôt
Un billet de cent francs.
Stupéfié,
L’homme me répondit : -Soyez remercié
Mon bon seigneur,
Cela vous portera bonheur !
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Une noix, bonne noix.
Deux noix, assez de noix.
Trois noix, trop de noix.
Dicton
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