Nous avons le plaisir de relayer un article publié par Benoit Toussaint sur son nouveau site, In Eco Veritas. Destiné à couvrir l’actualité économique avec des articles de fond à la manière de The Economist, In Eco Veritas est un site à suivre avec intérêt. Ci-dessous, un de ses premiers articles.
Une usine General Motor près d’Ahmadabad en Inde. L’économie indienne, la troisième d’Asie, affichait en 2010 une croissance de près de 7.5 % (AP Photo/Ajit Solanki)
En août 2011, l’Inde a achevé vingt années de réformes économiques qui ont permis de moderniser l’économie du pays et d’ouvrir le marché indien à la mondialisation. La croissance économique du pays, en berne jusque dans les années 1990, a bondi depuis pour faire du pays la troisième puissance d’Asie. Toutefois, une deuxième vague de réforme reste encore à réaliser.
« Un Indien sera en moyenne deux fois plus riche que son grand-père, un Coréen 32 fois », estimait Robert Lucas, en 1985, dans un document intitulé De la mécanique du développement économique. Les chiffres de ce prix Nobel d’économie étaient basés sur des estimations datant des années 1960-1980, période où le revenu par habitant en Inde progressait de 1,4% par an. Mais de 1992 à 2002, cet indicateur a progressé à 3,7%, et de 2003 à 2010, il a progressé de 6,9%. A ce rythme, un Indien sera bientôt 32 fois plus riche que son grand-père, lui aussi !
Le mois d’août 2011 marque ainsi les vingt ans de la mise en place d’une commission de haut niveau – le comité Narasimham – créé par le gouvernement indien afin d’entreprendre des réformes au sein du monde de la finance indienne. En recommandant une déréglementation de ce secteur, le comité Narasimham a permis à l’Inde de parcourir un long chemin. Il a notamment contribué à améliorer l’efficacité des marchés de capitaux, ingrédient clé de la croissance économique. Les promoteurs de l’économie libre de marché n’étaient cependant pas nouveaux en Inde. Bien avant 1991, le professeur Bellikoth Ragunath Shenoy, président de l’Indian Economic Association, avait déjà mené un combat d’avant-garde afin de favoriser le libre-échange.
40 années de planification et de crises systémiques
Isolé, B.R. Shenoy mettait en garde l’Inde concernant les conséquences de la « planification centrale », instaurée dans les années 50 par le gouvernement de Jawaharlal Nehru et fortement influencée par le modèle soviétique. Il a ensuite fallu attendre vingt ans avant que d’autres chercheurs ne dénoncent ce programme. Jagdish Bhagwati, professeur de droit et d’économie à l’université de Colombia, et T.N. Srinivasan, professeur d’économie à l’université de Yale, expliquaient au milieu des années 70 que « les lois indiennes limitant le commerce extérieur, conjuguées aux politiques d’octroi de Licence Raj (autorisations gouvernementales de production ou d’extension de capacités) pour le secteur industriel […] compromettaient la performance économique du pays ». C’était en 1975 dans leur livre Foreign Trade Regimes and Economic Development: India.
Pendant longtemps, cependant, Shenoy a été le seul économiste indien à dénoncer le deuxième plan quinquennal Nehru-Mahalanobis (qui tendait à reproduire le modèle du Gosplan, comité étatique pour la planification en URSS). Dans une note de 1955, il faisait remarquer que le deuxième plan avait été conçu « en décrétant l’augmentation du revenu national qu’il était supposé atteindre ! » En d’autres termes, le plan déterminait un certain taux de croissance et s’employait ensuite à trouver un moyen de collecter les sommes nécessaires pour atteindre cet objectif. Shenoy expliquait au contraire que « c’est la disponibilité des ressources réelles qui doit être mesurée en premier et le plan d’investissement ne doit être élaboré qu’à partir de ces données ».
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