Le 24 août 2011, le Premier Ministre François Fillon a annoncé son plan de rigueur, dont une nouvelle réglementation fiscale des plus values immobilières qui s’avère être à la fois absurde, inefficace, injuste, démagogique et contre-productive. Explications.
Par Ulrich Genisson
La notion d’État de droit est très ancienne, elle nous vient du droit positif, que les libertariens opposent au droit naturel. En France, l’État de droit est partout. Dans les moindres recoins de la vie quotidienne, l’État et ses lois s’immiscent toujours plus. De la façon dont vous devez arriver au monde, jusqu’à la façon dont vous devez mourir. Tout le monde connait le grand principe du « droit » qui en échange demande l’exécution de certains « devoirs ». Mais nous sommes arrivés à un tel degré de complexité du droit que plus personne ne sait quel devoir il doit remplir. Que ce soient les citoyens face à leur État, ou l’État face à ses citoyens.
Je vais m’arrêter sur la mesure qui va rapporter le plus à l’État : la taxation des plus-values immobilières (hors résidence principale). Dans un pays où la pensée socialiste est aussi prégnante, peu de gens vont oser se plaindre d’être raquettés sur une plus-value immobilière. Je vais rentrer dans les détails un peu plus loin, mais parlons simple, je vais vous donner des exemples concrets pour simplifier la compréhension du sujet.
Jusqu’au 25 août 2011, les plus values immobilières étaient taxées à hauteur de 31,3% jusqu’à 5 ans de détention du bien, puis de 5 ans à 15 ans de détention un abattement de 10% par an était appliqué à cette taxation, et enfin à partir de 15 ans de détention l’impôt disparaissait. Désormais, l’État français taxera votre plus value à 31,3% (voire 32,6% dès fin septembre) et ce, quelle que soit la date d’acquisition de votre bien, même si c’était il y a 80 ans (déduction faite, quand même, de l’inflation).
Voici dans les faits ce que cela peut donner :
Jean-Pierre, 54 ans, ouvrier du bâtiment est propriétaire de sa petite maison en banlieue parisienne. Il possède une petite résidence secondaire en Creuse qu’il a achetée 300.000 francs en 1990. Il l’a restaurée de ses mains et y passe quelques semaines par an. Sa femme décédée récemment, il n’a plus goût à y aller. Il veut donc la vendre €160.000. S’il l’avait vendue le 23 août 2011, il aurait payé €0 d’impôts. S’il la vend le 26 août 2011, il paiera €29.977€ d’impôts sur la plus value et s’il la vend fin septembre il paiera €31.222 d’impôts. Manifestement, Jean-Pierre est un gros capitaliste et l’État a donc bien raison de l’assommer. Surtout que Jean-Pierre avait l’intention, avec le fruit de cette vente, d’installer sa fille Julie qui vient de se marier. Et bien Julie devra se passer de €30.000.
Marie-France, 38 ans est secrétaire de direction à Lille. Son entreprise déménage à Toulouse. Elle est propriétaire depuis 7 ans de son petit pavillon qu’elle a acheté €190.000. N’étant pas certaine de se plaire loin de ses racines, elle décide d’accepter sa mutation mais de louer un appartement à Toulouse, et de mettre en location son pavillon lillois. Finalement au bout d’un an, préférant la vie au soleil, elle décide de vendre sa maison pour acheter sur Toulouse. Elle trouve un acquéreur à €280.000. Mais Marie-France apprend qu’elle va devoir payer des impôts car ce n’est désormais plus sa résidence principale. Si elle avait vendu son pavillon le 23 août 2011, elle aurait payé €16.779€ d’impôts. Si elle le vend le 26 août 2011, elle paiera €20.974 et enfin si elle le vend fin septembre elle devra payer €21.845 d’impôts. Marie-France est une grosse capitaliste vermoulue par l’argent, l’État français à raison de la taxer. Marie-France va donc devoir emprunter plus pour acheter à Toulouse et combler les €5.000 d’impôts supplémentaires que l’État va lui prendre, car pendant ce temps-là, le marché immobilier ne l’a pas attendue, il continue de monter. L’État lui a donc amputé une partie de son pouvoir d’achat.
Marcel, 84 ans, est retraité et propriétaire de la maison qui l’a vu naître. Ancien agriculteur, il perçoit €500 de retraite mensuelle. Il ne possède rien, hormis sa maison délabrée (qui a bien besoin de travaux pour pouvoir l’abriter jusqu’à la fin de sa vie), et un petit jardin à la sortie de son village. Ce petit jardin de 950m² est désormais constructible grâce à la récente réforme de l’urbanisme en vigueur dans son village. Ce petit jardin, Marcel l’a obtenu par héritage, à la mort de son père il y a maintenant 50 ans. Il a été estimé 500 francs (à l’époque des anciens francs). Il est désormais proposé à la vente €100.000. Si Marcel avait vendu son terrain le 23 août 2011, il aurait payé €0 d’impôts. S’il le vend le 26 août 2011, il va payer €31.277 d’impôts. S’il le vend fin septembre, il va payer €32.576 d’impôts. Une alternative que cet État de droit offre à Marcel : donner son terrain à son fils unique sans droit de succession avec une valeur de €100.000. Son fils pourra alors le revendre €100.000 euros, sans payer le moindre impôt. Et Marcel pourra aller en maison de retraite, que la collectivité paiera pour lui, car Marcel n’a qu’une petite retraite.
Pour finir, le cas de Gérard. De profession libérale, il détient une belle maison, un appartement à la mer, et 4 appartements dans une résidence qu’il a achetés, il y a 20 ans, pour préparer sa retraite qui, il le sait, sera maigre. Après quelques soucis de mauvais payeurs ainsi qu’une dégradation du quartier, Gérard souhaite mettre à la vente ses 4 appartements, achetés chacun 600.000 francs en 1991, à €300.000 l’unité. Si Gérard avait vendu le 23 août 2011, il aurait payé €0 d’impôts. S’il vend le 26 août 2011, Gérard va payer €219.763 d’impôts, mais que Gérard se dépêche car sinon fin septembre ce sera €228.891. À moins qu’ulcéré d’avoir donné autant d’argent pendant toute sa vie à un État peu reconnaissant, il choisisse de partir vivre en Italie ou en Espagne. Dans ce cas, sa plus-value ne sera plus taxée qu’à hauteur de €133.402.
Tous ces exemples dans quel but ? Tout simplement pour prouver concrètement que cette nouvelle réglementation fiscale est à la fois, absurde, inefficace, injuste, démagogique et contre-productive, je m’explique.
Absurde : Mettez vous dans la peau de Gérard, de Marcel, de Marie-France et de Jean-Pierre. Qu’allez-vous faire face à cet impôt absolument imprévu ? Il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps : soit vous allez demander du liquide lors de la transaction (donc augmenter de la fraude fiscale), soit vous allez augmenter votre prix de vente (pour combler en partie le manque à gagner dû à cet impôt), soit vous allez quitter la France pour réduire plus significativement cet impôt et sortir de cet État qui vous ponctionne toujours plus vos revenus et votre patrimoine.
Injuste : Contrairement à ce qui a été annoncé par le Premier Ministre, cette taxe ne touche pas les plus hauts patrimoines, car des individus qui détiennent de l’immobilier en grand nombre ou de grandes valeurs ne le détiennent pas directement mais par l’intermédiaire de sociétés pour lesquelles les règles fiscales différent. Donc ce sont bien les petits, la classe moyenne, la classe besogneuse qui travaille, économise et se tait, qui est touchée !
Inefficace : L’État décide de taxer les plus-values immobilières pour faire quoi ? Acheter des terrains et construire des logements sociaux ? Non, non, juste combler avec €2,2 milliards escomptés sur un plan de €11 milliards, une partie des plus de €100 milliards de déficit annuel.
Démagogique : Un État, qui, dans la même semaine, annonce une taxation exorbitante de la plus-value immobilière, annonce la réduction de son train de vie en ponctionnant 11 milliards de plus aux français, annonce lutter contre le mal logement des étudiants, tout ça en nous faisant croire que l’on taxe les 1% des Français les plus riches pour redistribuer à tous les autres, qu’est-ce d’autre si ce n’est de la démagogie ? De l’irresponsabilité ? Oui ! Aussi !
Contre-productive : L’État est responsable de la hausse de l’immobilier en France, par des restrictions foncières. Il organise la pénurie de terrains à bâtir (POS-PLU, Schéma directeur, SRU), pour faire grimper le prix du foncier et ainsi maintenir l’immobilier à un niveau élevé. Pourquoi ? C’est très simple, toute la fiscalité locale est assise sur cette valeur immobilière. Vous faites chuter le prix de l’immobilier de 50% et les régions, cantons et municipalités seront ruinées. Je ne parle même pas des autres taxes telles que les droits de mutation, les droits de succession, etc. L’État n’a pas d’autre choix que de maintenir cette valeur de l’immobilier. De plus, depuis deux décennies le gouvernement encourage, par divers avantages fiscaux, l’investissement dans l’immobilier locatif pour combler un déficit chronique de logements (Scellier, Borloo, De Robien, etc.) La taxe sur les plus-values qui vient d’être votée est simplement le remboursement des avantages qui ont été donnés. Or, comment maintenant ce même État va t-il encourager des contribuables à investir dans un secteur présentant une insécurité fiscale totale ? La confiance que demande ce type d’investissement à long terme, est totalement rompue.
Cette mesure fiscale va entraîner :
- L’évasion fiscale des plus fortunés qui seront fortement encouragés à quitter la France pour amoindrir l’impact de cette réforme.
- Une organisation précoce des successions pour ne jamais lever la plus-value même si les Français doivent pour cela payer des droits de succession qui seront toujours moins confiscatoires que ce nouvel impôt.
- Le paiement d’une partie des transactions immobilières en espèces même si les Français doivent pour cela prendre de gros risques avec le fisc et avec des acheteurs indélicats.
- L’augmentation des prix de vente pour répercuter ce nouvel impôt sur l’acheteur.
- De gros problèmes financiers, pour les quelques particuliers, qui sont déjà engagés auprès d’agences immobilières via des mandats sur un prix de vente qui, au final, va se retrouver amputé par des impôts votés du jour au lendemain et à effet immédiat. Quand vous avez souscrit un crédit relais de €300.000 et qu’au final on vient vous prélever €30.000 et que vous n’avez pas pu l’anticiper, cela fait un trou.
Le bilan sera le suivant :
- Hausse continue du marché de l’immobilier en France.
- Augmentation des durées d’emprunt pour les acquéreurs.
- Blocage du marché immobilier, avec une raréfaction des transactions.
- Baisse des mises en chantier due à l’augmentation des prix du foncier et à la diminution des investissements locatifs (-60 000 logements/an prévus par le secteur).
- Licenciements dans le secteur du bâtiment (estimés à 60.000).
- Baisse de la collecte de la TVA dans l’immobilier neuf (déjà chiffrée à €2 milliards).
- L’impossibilité pour les primo-accédants de suivre le mouvement : les transactions immobilières se feront, de plus en plus, entre propriétaires excluant ces primo-accédants.
Non seulement, cette mesure est injuste et inefficace, comme je l’ai démontré, mais elle va surtout produire des effets indésirables qui vont couter, au final, plus chers qu’une absence de réforme. L’État français s’est montré une nouvelle fois, incompétent, démagogue et aveugle au-delà de l’échéance électorale. Et je rajouterai « tyrannique » car une loi à effet immédiat, décrétée unilatéralement par M. Fillon lors d’un discours, n’est rien d’autre que la façon de faire des dictatures les plus sombres.