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anatomie du chaos (8)

Publié le 03 septembre 2011 par Hoplite

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" (...) Paradoxalement, l’ancien monde, celui du mondialisme américain vient d’emporter en Libye une nouvelle victoire. Confronté au retour de la Russie, aux ascensions chinoise, indienne, latino-américaine, les États-Unis et les alignés, semblent vouloir reconfigurer le plus rapidement possible les périphéries faibles, qui regorgent de ressources stratégiques, l’Afrique en particulier. Tant pis si ce sont les anciennes brigades d’Al-Qaïda qui affirment leur pouvoir au sein des rebelles libyens ! Tant pis si, nonobstant les incontestables frasques de Kadhafi, l’OTAN vient encore d’abattre un régime qui avait porté le niveau d’éducation et de développement de son peuple au sommet des pays arabes (taux d’alphabétisation de 82% soit le plus élevé en Afrique du Nord), où tous avaient accès à une eau et une électricité gratuite, où le niveau d’endettement de l’État était l’un des plus faibles du monde (dette publique de 3,3% du PIB contre 85% en France), où chaque étudiant qui voulait faire ses études à l’étranger bénéficiait d’une bourse généreuse de plus de 1600 euros par mois… et j’en passe encore. Aucun pays arabe n’avait atteint un tel niveau de bien-être social et économique. Bien sûr que le régime présentait aussi un visage odieux ! Qui dira le contraire ? Je ne suis pas dupe quant à la cruauté des traitements qui pouvaient être infligés aux opposants. Mais je ne suis pas dupe non plus sur la nature première d’une rébellion qui n’avait rien à voir avec un soulèvement général du peuple comme en Tunisie ou même en Égypte. Il s’agissait d’une rébellion ancienne, localisée à l’Est, dans ses bastions de la Cyrénaïque, qui avait été réprimée encore plus durement qu’elle ne le fut au début de 2011, lorsque, par le passé, le monde occidental soutenait sans scrupule Kadhafi.

Mais comment contester que Kadhafi, plus que d’autres, avait réinvesti la rente pétrolière dans le développement et protégé la souveraineté de ses ressources face aux appétits étrangers ?

C’est donc encore la même histoire que l’on nous rejoue. L’Irak était en 1990 un phare du développement et de la modernisation du monde arabe. Deux guerres et un embargo cruel l’auront ramené à ses joutes tribales. La Serbie était la locomotive du monde yougoslave ; un pays indépendant qui refusait le plan d’élargissement de l’OTAN. Les bombes alliées l’ont brisée.

Le bilan de l’OTAN est terrible. Depuis la chute de l’URSS, il n’aura tapé sur la tête que de ce Tiers-monde qui ne voulait plus l’être. Au nom des droits de l’homme et de la démocratie ? Il n’y a désormais que les imbéciles pour y croire encore. Il faut dire que la maîtrise de l’Occident en matière de guerre de l’information est telle que plus le mensonge est gros, mieux il passe. Des sommets ont encore été atteints avec cette guerre contre la Libye. Comme par exemple la fausse liesse à Tripoli tournée dans des studios au Qatar et qui aura servi à duper (avec la complicité déterminante de la chaîne Al Jazeera), non seulement les troupes khadafistes tout à coup convaincues que la partie était perdue, mais aussi les médias occidentaux qui ont tous repris les images. Relayé par les médias occidentaux, dupes ou complices, le stratagème aura accéléré le succès des rebelles. La guerre est la guerre et la guerre psychologique ou guerre de l’information en fait partie. Ce ne sont pas les militaires de l’OTAN ou les rebelles qui sont à blâmer de ce point de vue ; ce sont en revanche les journalistes professionnels qui oublient leur œuvre nécessaire de réinformation.

Ce 1er septembre, la « grande » presse (Libération) révèle un secret de polichinelle : la France aurait conclu un accord avec le Conseil national de transition (CNT) au début du conflit libyen lui attribuant 35% du pétrole libyen. Quand je pense que lorsque je soutenais cela à la radio face à mes contradicteurs, on raillait mon approche « machiavélienne » du conflit. J’invite les internautes à relire et réécouter maintenant les appels à la guerre soutenus par nos incontournables « experts » en géopolitique ou géostratégie. Ils nous vantaient les mérites d’une guerre qui visait à soulager la souffrance du peuple libyen et à le protéger d’un odieux dictateur. La réalité est que les bombes de l’OTAN auront causé le plus grand nombre de tués parmi les civils. Ne parlons même pas des exactions en cours de la part des rebelles de l’Est lesquels, ne disposant pas du soutien d’une majorité des Libyens, ont engagé une épuration radicale qui sera mise intégralement sur le dos des Kadhafistes. Les révélations macabres (charniers) et caricaturales (les amazones de Kadhafi violées par le satrape africain…) rappellent la fable de la soldatesque de Saddam Hussein s’attaquant aux « couveuses » de Koweït City en 1991, les prétendues attaques serbes sur le marché de Sarajevo ou bien encore l’exode massif des Albanais du Kosovo prétendument causé  par une épuration ethnique serbe. En Libye, l’OTAN a d’abord gagné la guerre de la désinformation. Nul ne sait d’ailleurs ce qui se passe réellement sur le terrain en terme de rapports de force. Prudents et intelligents, les Russes ont prévenu qu’ils reconnaîtraient le Conseil National de Transition si celui-ci fait la preuve qu’il peut unir le peuple libyen. Nous en sommes très loin en effet !"

le blog d'Aymeric Chauprade


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