Témoin menacé

Publié le 02 septembre 2011 par Malesherbes

Christophe Barbier, de l’Express, révèle le 31 août que, dans un livre à paraître le lendemain, Sarko m'a tuer, deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, donnent la parole à plusieurs personnes ayant eu à subir la colère du président de la République. L’une d’entre elles, la juge Isabelle Prévost-Desprez, précédemment en charge de l'affaire Bettencourt, affirme notamment qu'un témoin a vu le chef de l'Etat récupérer des enveloppes d'argent liquide chez Liliane Bettencourt. Mais ce témoin, l’ex-infirmière de Madame Bettencourt, ne pouvait pas le dire sur procès-verbal.

Aussitôt, le premier ministre, l’Elysée et tous les soutiens du président, se déchaînent : « Il s’agit là d’allégations scandaleuses, infondées et mensongères » et dénoncent amalgames (de quoi, au fait ?), diffamation, boules puantes, campagne de caniveau. De plus, les propos de ce témoin étant hors procès-verbal, ils sont sans valeur.

Le premier août, le ciel de ces vaillants défenseurs de la vraie foi s’illumine. Suite à une interview de la juge Isabelle Prévost-Desprez à paraître dans le prochain numéro de Marianne, les médias titrent triomphalement : le témoin dément ! Étranges lunettes à focale variable : ce qu’elle confie hors procès-verbal est mensonge, ce qu’elle livre à une gazette est vérité.

En fait, qu’a donc déclaré à Marianne l’ex-infirmière de Madame Bettencourt ? Ceci : « Lorsque j’ai été auditionnée par la juge Isabelle Prévost-Desprez, je ne lui ai pas parlé de remise d’enveloppes à Nicolas Sarkozy, ni à personne d’autre. Je n’en ai parlé ni à la juge, ni à sa greffière ». J’emprunte maintenant une remarque fort judicieuse de Louis-Jean Calvet, dont je recommande le site plus bas à droite. Cette infirmière n’a pas dit qu’il n’y avait pas eu de telles remises, elle n’a pas dit non plus qu’elle n’avait jamais assisté à une de ces remises, elle a simplement dit qu’ elle n’en avait parlé à personne.

Dans le même article, ce témoin déclare : « J’ai reçu des menaces de mort. On m’a fait savoir qu’à cause de mon témoignage dans l’affaire Banier-Bettencourt, on allait retrouver mon corps dans la Seine ». Et lorsqu’on lui demande pourquoi elle n’a pas porté plainte, elle répond : « Porter plainte contre qui ? Contre l’invisible ? Contre l’Etat ? ». Il ne vient à l’idée d’aucun de ces preux gardiens de la réputation de notre souverain de se demander pourquoi ce témoin a renoncé à déclarer sous procès-verbal tout ce qu’elle savait. Et eux qui se préoccupent de boules puantes, ne pourraient-ils prendre les mesures nécessaires pour éviter à ce témoin de recevoir des balles, elles bien réelles !

Qu’attendent-ils pour déclencher une enquête pour découvrir les auteurs de telles menaces ? Ils s’en gardent bien parce qu’ils craignent de les reconnaître ?