G. Carreyrou, E. Mougeotte, D. Paillé
En vue de 2012, Nicolas Sarkozy a promu les uns et débarqué les autres selon son bon vouloir. Il a aussi
officialisé un groupe de conseillers officieux de manière très décomplexée, faisant fi des questions de conflits d’intérêts. Petit tour d’horizon de ce jeu de chaises musicales de la
rentrée.
Les débarqués
Dominique Paillé
Sept petits mois après sa nomination, l’ancien porte-parole de l’UMP, Dominique Paillé, est évincé de la tête de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’organisme chargé du retour volontaire
des migrants ou de leur intégration en France. Son tort? Avoir rejoint Borloo, dont il est devenu le porte-flingue (il a pris la tête du «Médias-Ripostes» de l’équipe de campagne – lire notre article du 22 juin). Il est remplacé à l’OFII par l’avocat Arno
Klarsfeld.
Un débarquement programmé. «Vous allez voir, il va m’ôter la présidence de l’Office français de l’Immigration…», confiait le radical valoisien aux journalistes depuis quelques jours. Il assure avoir reçu un coup de téléphone de Claude Guéant à la mi-août pour l’informer de sa prochaine éviction. «Sarkozy a fait pression. C’est sa méthode de gouvernement», a-t-il dénoncé mercredi.
«On veut dissuader Jean-Louis Borloo d’être candidat par tous les moyens. C’est évidemment une attitude vaine», a-t-il commenté, ajoutant: «Sarkozy ne connaît que le rapport de force. Il croit tenir les gens par l’argent. Mais ce poste, je m’y suis investi, et je ne l’avais même pas demandé. Aujourd’hui, je retrouve ma liberté de parole sur ces sujets… D’ailleurs, j’étais bénévole, j’avais renoncé à l’indemnité de 4000 euros par mois. Mais ça, je pense qu’il ne le savait pas…»
Il avait été nommé à la direction de cette administration le 23 janvier, après avoir perdu sa fonction de porte-parole de l’UMP lorsque Jean-François Copé s’est emparé de la direction du parti présidentiel, en novembre 2010. «J’ai été bombardé à la tête de cette administration sans l’avoir sollicité. J’ai assuré ma mission avec passion», assure-t-il.
Avant de faire ses cartons de l’OFII, Dominique Paillé ne s’est pas privé d’adresser une petite pique à l’attention de son successeur: «Puisqu’il a été nommé récemment au Conseil d’État, et devient ainsi un grand serviteur de l’État, il voudra sans doute lui-même y renoncer…» Ce n’est pas la première fois que Klarsfeld est récompensé par Nicolas Sarkozy. Depuis 2006, l’avocat s’est vu confier nombre de postes, missions et places sur les listes électorales par Nicolas Sarkozy. En octobre dernier, il avait été nommé au poste très envié de conseiller d’Etat (lire notre enquête du 23 novembre).
Maxime Tandonnet
Le conseiller immigration de l’Élysée (depuis 2007) a été débarqué
sur demande du secrétaire général Xavier Musca et part se recycler au cabinet de Claude Guéant, Place Beauvau. Maxime Tandonnet? Souvenez-vous: le ministère de l’immigration et de
l’identité nationale, c’est lui. Le discours de Grenoble sur la déchéance de la nationalité, lui aussi. La distinction entre «les Français d’origine étrangère» du reste de la Nation,
le lien entre la délinquance et «cinquante ans d’immigration insuffisamment régulée», «l’échec de l’intégration», encore lui.
«Quand on vit la réalité des policiers ou des travailleurs sociaux, sur le terrain, on s’aperçoit que la plupart des délinquants sont d’origine étrangère, relativement récente», confiait-il à l’automne dernier à Mediapart (litre notre portrait). Entré en 2005 au cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur, ce haut fonctionnaire issu de l’ENA l’avait suivi à l’Élysée. Proche de l’ancienne conseillère Emmanuelle Mignon et de Claude Guéant, il n’aurait pas su trouver sa place dans la nouvelle équipe élyséenne, remaniée après le départ de celui-ci.
En avril, le haut fonctionnaire avait été mis au placard après quelques billets de blog chocs aux positions proches du FN. Le nouveau secrétaire général de la présidence de la République, Xavier Musca, lui aurait demandé de ne plus alimenter son blog. Dans les faits, il n’avait pas été désavoué. Le 13 avril dernier, il réfutait d’ailleurs toute censure: «Personne ne m’a demandé de fermer mon blog, mais plutôt de m’abstenir de communiquer sur les sujets relevant de ma compétence dans mes fonctions actuelles, ce qui est tout à fait normal» (lire notre article du 25 mai).
Sur son blog, il se présentait toujours comme «conseiller à la Présidence de la République» et se charge de diffuser quelques théories et messages sur des sujets sensibles. Le secrétaire général de l’Elysée, Xavier Musca, en aurait eu assez. «(Il) trouvait qu’il était trop marqué, rapportait au Figaro un conseiller de Nicolas Sarkozy, le 24 août. Il y a une vraie volonté d’aseptiser l’Élysée avant le début de la campagne.» L’idée est surtout de laisser croire que Nicolas Sarkozy a quitté ses habits de président clivant pour endosser ceux de président protecteur en période de crise.
Les promus
Bruno Beschizza
Secrétaire national de l’UMP avec le titre le plus énigmatique qui soit («en charge de l’Emploi des forces de sécurité»),
l’ancien syndicaliste policier a pris du galon pendant l’été. Le voici reconverti en porte-flingue officieux du parti présidentiel (officiellement, il n’y a plus de porte-parole sous l’ère
Jean-François Copé). Un travail qu’il effectue avec la même délicatesse que Frédéric Lefebvre, qui occupait ce poste jusqu’en novembre 2010.
Depuis quelques mois, il est chargé de dégainer des communiqués à tout-va. Pour taper sur le Parti socialiste de préférence, (dénoncer «l’opération de communication» de Martine Aubry à Marseille, ou s’indigner de l’affaire Guérini). Mais aussi pour défendre la politique sécuritaire du gouvernement: se féliciter «de la constance de Claude Guéant dans les objectifs qu’il s’est fixés» ou de la nomination d’un nouveau préfet délégué à la sécurité à Marseille, une «réponse de l’Etat face à une situation marseillaise « non-satisfaisante »». Mercredi, c’est lui qui a tiré le premier contre le livre Sarko m’a tuer, une «opération médiatique», «une campagne de dénigrement, sans preuve, envers le président de la République», a-t-il estimé dans un communiqué officiel.
Comme Arno Klarsfeld, il n’en est pas à son premier coup de pouce de Nicolas Sarkozy. Parachuté (sous les critiques) sur une liste UMP lors des régionales de 2010 en Seine-Saint-Denis, l’Elysée s’est ensuite donné de la peine pour qu’il sauve son siège: pour parer à l’incompatibilité de sa profession de commandant de police avec son mandat, il a été nommé à toute vitesse sous-préfet hors cadre par un décret du président de la République.
Beschizza est également un proche de Guéant. Les deux hommes se connaissent depuis 1995, du temps où Claude Guéant était directeur général de la police nationale, et Bruno Beschizza déjà secrétaire général de Synergie. C’est le ministre de l’intérieur qu’il l’a poussé à entrer en politique.
Le trio des anciens de TF1
Dans le petit club de réflexion qui a vu le jour cet été pour épauler Nicolas
Sarkozy lors de la prochaine campagne présidentielle, un trio détonnant a fait son entrée. Trois anciens journalistes de TF1 et d’Europe-1, affidés du chef de l’Etat de longue date: le patron
du Figaro, Etienne Mougeotte, l’éditorialiste de France Soir et ancien chroniqueur politique de TF1, Gérard Carreyrou (qui revendique d’écrire dans le quotidien «80%
d’éditoriaux favorables à Sarkozy»), et Charles Villeneuve, ancien de TF1 et d’Europe-1 lui aussi. Une collaboration affichée de manière ostensible et décomplexée et faisant fi des questions de conflits d’intérêts et
d’indépendance des pouvoirs. Et tant pis si cela froisse les rédactions du Figaro et de France Soir…
Jean-René Fourtou
Signe que Nicolas Sarkozy réactive ses réseaux personnels en vue de 2012: la promotion du président du Conseil de
surveillance de Vivendi, Jean-René Fourtou, à la tête de ce «think tank». On y retrouve également le patron de BNP Paribas, Michel Pébereau, mais aussi l’ancien ministre de Balladur, Alain
Carignon. Voilà qui ne manquera pas de rappeler l’épisode du Fouquet’s, l’image d’un président proche des milieux d’affaires.
Un nouveau «Monsieur opinion»
L’actuel «Monsieur Opinion» de l’Elysée, Julien Vaulpré (35 ans, recruté par Emmanuelle Mignon en 2006 après une carrière
chez Coca-Cola), avait annoncé son départ il y a trois mois (il part créer un cabinet de gestion de crise auprès de dirigeants d’entreprises avec Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de
l’Elysée). Il est remplacé par Jean-Baptiste de Froment, qui continuera de travailler avec le trio Jean-Michel Goudard (le publicitaire de Sarkozy), Patrick Buisson (l’ex-patron de
Minute et conseiller très droitier du président) et le sondeur Pierre Giacometti.
A 32 ans, le conseiller éducation de l’Elysée est déjà en charge de la coordination du futur programme de Sarkozy. Comme le souligne Libération du 1er septembre, cet agrégé de philo ne connaît rien a priori à l’analyse et la technique des sondages. Mais sa nomination devrait conforter le positionnement (plus modéré) d’un président rassembleur défendu par Giacometti.
Par Marine Turchi pour Mediapart
Merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré
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