Les fakes grouillent sur la Toile. S'ils suffisaient de les écraser d'un simple coup de torchon, version "Block and report spam", Ils ne seraient pas plus gênants qu'une mouche verte. Mais voilà, ils s'incrustent et renaissent à la première occasion. Voyons comment les répérer facilement, pour ensuite les empêcher de nuire.
Le fake au sens strict, c'est celui qui se fait passer pour celui qu'il n'est pas : un people ou une tête d'affiche du moment, en général. Certains sont complètement mythos, tel ce "David" qui s'est mis à jouer à Vanessa Demouy en lançant son faux compte Twitter. Soi-disant pour dénoncer le «développement de l'égo» sur Twitter. En vertu de quoi il nous a bassiné avec le sien. Beaucoup prospèrent sur l'actualité, tel le fake de Tristane Banon, qui a sévi quelques jours avant que la supercherie ne soit dénoncée.
Le fake malfaisant, c'est une variante du fake tout court : caché derrière un pseudo, il manipule ou il ment, forme dégradée de la manipulation. Définition de la manipulation : dissimulation d'une information importante dans le but d'obtenir une réponse positive à une demande. Le manipulateur communique donc avec un but caché. Définition du mensonge : énoncer délibérément des faits contraire à la vérité. Le menteur dit donc le contraire de sa pensée dans l'intention de tromper.
Un fake malfaisant, c'est quelqu'un qui ment sciemment sur son état civil, ou bien son sexe, sa profession, ses opinions, le nombre de ses followers, ses contacts, ses actions dans la vie réelle, etc., pour une cause bien différente de celle affichée. Avec un pseudo de circonstance, il tente de faire réagir le public en diffusant des informations erronées. Ce faisant, il cherche à s'attribuer une notoriété, une réputation, une envergure que sa présence à visage découvert ne susciterait en aucun cas. Son intention est de tromper son monde, pour un but connu de lui seul.
Ces fakes-là sont faciles à démantibuler, avec un peu travail. Je sais bien qu'égratigner les fakes leur fait souvent plus de publicité que de mal. C'est un risque. Mais ça évitera peut-être d'autres emballements à l'avenir, si les internautes sont mieux avertis de leurs sales manières.
Passées les vérifications d'usage, il faut s'intéresser à deux choses :
- le contenu de ses tweets
- le nombre et la structure de ses followers.
J'ai récemment pris en flagrant délit de mensonge L'informatrice qui se vantait d'être une femme journaliste, et qui se trompait tous les deux tweets sur l'accord en genre. Il racontait aussi qu'il avait été convoqué pendant sept heures au commissariat pour diffamation (fortiche, les flics, qui ont réussi à convoquer un mec avec un pseudo sur Twitter...) et aussi pour infraction à la "Charte de déontologie des journalistes". Un machin qui n'existe pas, pas de chance... Et je vois mal un commissaire régler un problème interne à une profession. Et y passer 7 heures, qui plus est.
Mais plus que les tweets, ce sont les faux followers qui doivent alerter. J'ai fait un décompte précis des faux followers de L'informatrice. Au 25 août, plus de 15 % étaient des faux comptes, soit près de 500, ce qui n'est pas rien. Caractéristique de ces faux followers ? Pas de photo, un nom qui sonne comme un spam, pas un seul follower, pas un seul tweet (1), tout juste quelques followings, et toujours les mêmes. Et les comptes en question ont été créés -quel hasard !- juste après la création du compte de la fausse journaliste, lancé le 4 août (on peut le savoir grâce à une application comme "When did you join Twitter"). Ils déboulent sur internet un 15 août, ils ont des noms à coucher ailleurs qu'en France (un peu comme moi, voyez…) et hop, ils se mettent à suivre "L'informatrice zélée" qui dénonce les compromissions du journalisme hexagonal. C'est pas beau, ça ?
Ce qui épate à première vue, ce sont les 85% de followers restants, des gens a priori normaux. «Rien de plus simple, explique Xavier Mouton-Dubosc, expert et développeur web. Beaucoup de comptes suivent automatiquement ceux qui les suivent : vous vous mettez à les suivre et vous récoltez du follower en retour». Il est possible d'industrialiser cette manip', comme le précise Pierre Deruelle, administrateur système : «Avec une application comme Twitter Adder, vous pouvez littéralement bombarder des centaines de comptes, et récolter en retour des centaines de followers.»
Ce que publie le fake a aussi son importance : selon Xavier Mouton-Dubosc, «il suffit de quelques mots clés bien choisis dans un tweet pour générer automatiquement l'intérêt de robots qui scannent les time-lines et repèrent les mots-clés en question". Je m'en suis rendu compte récemment : j'ai cassé l'écran de mon iPhone, j'en ai parlé sur Twitter. Et dans les heures qui ont suivi, plusieurs réparateurs se sont mis à me suivre. «Parlez de votre recherche d'appartement sur Twitter, vous verrez bientôt les agences immobilières apparaître...», s'amuse Xavier. Dans le cas qui nous préoccupe, dites que vous êtes journaliste, vous serez suivi tout de suite par des palanquées de comptes intéressés : hommes politiques, militants, syndicalistes, éditeurs de musique indépendants, blogueurs... Ajoutons le buzz entretenu sans vérification autour d'un compte sulfureux et le tour est joué.
Rappelons une évidence : le nombre de followers, même s'il est impressionnant, n'a AUCUNE signification en soi. Il faut arrêter de se gargariser avec ça. Acheter des faux followers ou en créer soi-même, c'est à la portée du premier imbécile venu. Donc vous pensez, un fake malfaisant... Mais pas seulement. Ainsi j'ai regardé le compte de Zarko, participant au dernier Secret Story, qui a ouvert un compte Twitter le 23 août et qui a déjà plus de 15 000 abonnés. «Mazette», direz-vous. Et surprise ! Ce compte est bourré ras la gueule de faux followers.
Soyez donc vigilant : si vous trouvez plein de têtes d'œufs dans les followers d'un compte, passez votre chemin. Malfaisants ou pas, les fakes ne vous en seront pas reconnaissants.
Outils utiles
- Twitter counter
- When did you join Twitter
- Twitter Adder
(1) il y a parfois un ou deux tweets, mais qu'on retrouve à l'identique d'un faux compte à l'autre. «Coïncidence ? Je ne crois pas !», comme dit l'autre...