L’homophobie, nouveau sujet de campagne des ayatollahs intégristes de l’hétérosexualité ?
(tribune pour Atlantico)
L’homophobie ferait-elle un bon sujet de campagne ? A n’en pas douter doivent penser certains parlementaires UMP de la droite populaire, doux nom pour évoquer ces députés aux valeurs souvent si proches de l’extrême droite et qui semblent de plus en plus s’inspirer des militants américains du Tea Party.
Quel est l’objet du courroux des Boutin, Vanneste et autre Myard ? La remontée du taux de chômage, la pauvreté qui s’accroît, la crise de l’euro, les discriminations … Non, beaucoup plus grave, vous imaginez bien !
Voilà ce qui déclenche cette levée de boucliers : «Le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. Cette identité sexuelle, construite tout au long de notre vie, dans une interaction constante entre le biologique et contexte socio-culturel, est pourtant décisive dans notre positionnement par rapport à l'autre. »
Mon dieu, comme le dirai Christine Boutin ! Où trouve-t-on ces dangereux propos ? Dans un manuel Hachette de Sciences et vie de la terre de la classe de Première et, plus précisément, dans le chapitre 9, intitulé « Devenir femme ou homme - Vivre sa sexualité »…
Le passage que je vous cite se trouve dans ce manuel, comme dans d’autres, par la volonté du ministère de l’Education nationale. Dans une circulaire du 30 septembre 2010, le ministère indiquait que les programmes de SVT de Première devaient comporter un chapitre intitulé «Devenir homme ou femme». La circulaire précise : «On saisira l'occasion d'affirmer que si l'identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l'orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée.»
Ce faisant, Luc Chatel aurait intégré dans le programme de SVT de Première la théorie du genre, qui veut que l'identité sexuelle des individus dépende autant du contexte socio-culturel que de la biologie.
Est-ce que ce chapitre est une bonne chose ? Bien évidemment ! L’école a pour mission l’acquisition de connaissances et, au-delà de ça, celle d’aider les jeunes dans leur apprentissage de la citoyenneté et des valeurs de la République.
Rappelez-vous ces chiffres : un jeune homosexuel sur cinq a déjà été victime d’une agression physique et près d’un sur deux a déjà été insulté. Un jeune homosexuel a près de dix fois plus de risques de faire une tentative de suicide qu’un jeune hétérosexuel. Ces chiffres ne sont-ils pas une justification suffisante à l’insertion de ce chapitre ?
Je vais vous dire le fond de ma pensée : je suis fatigué de ces dérapages, de ces petites phrases stigmatisant une partie de la population non pour ce qu’elle a fait, mais pour ce qu’elle est. Mariage et adoption par des personnes de même sexe, réforme du PACS … voilà autant des débats qui ont permis à certains élus de balancer des petites phrases homophobes. Certains parlent de parole décomplexée … Ne faudrait-il pas plutôt parler de haine et d’intolérance assumées de la part d’ayatollahs intégristes de l’hétérosexualité ? La liberté d’expression ne saurait cacher des valeurs aussi noires. Oserais-je dire que la liberté d’expression ne peut évidemment les absoudre ?
Il y a quelques années, certains élus manifestaient contre le PaCS aux côtés de certains militants scandant avec haine « les PD au bûcher » ! Aujourd’hui, on essaie d’être plus subtil du côté de la droite populaire mais la finalité reste finalement exactement la même : refuser l’égalité à celles et ceux qui sont homosexuels.
Alors je m’adresse à vous, messieurs et mesdames les élus : pensez-vous sincèrement que l’homophobie est une valeur à défendre ? N’avez-vous pas l’impression de dénaturer notre République « pour toutes et pour tous » et de cracher, impunément, sur notre devise « Liberté, égalité, fraternité » ?
Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le sida (ELCS)
Président du Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida (CRIPS Ile-de-France)