Le père de Cavanna était maçon et tu étais maçon. Tous les Italiens de cette génération étaient maçons ! Travailleur de force, tu charriais sur ton vélo tous les matins « la caisse à fourbi ». J’en ai hérité de cette caisse à fourbi. Lourde caisse en planches épaisses et remplie de matériel : le kit du maçon italien...
Tu aurais mis des pierres du chantier à l’intérieur qu’elle n’aurait pas été plus lourde. Mais quand tu me montrais la pierre que tu aimais tant travailler, ton doigt était léger, , gracieux, propre, comme lissé par la poussière aiguë que tu faisais lever autour de toi, à grands coups de burin.
Tout petit, je comparais ce burin à mon crayon de papier et je me disais qu’il faudrait en accumuler beaucoup des années à la pointe de mon crayon pour qu’il devienne aussi vigoureux, aussi souple, aussi incisif... Un crayon à la fine mine, capable pourtant de marquer son empreinte dans la pierre et dans les esprits comme dans une chair blanche.