Depuis plus de dix ans que Fedrik Welin habite sur île avec sa chienne et sa chatte. Chaque jour, il fait un trou dans la glace pour s'immerger. Chaque jour, il consigne sur son journal de bord les menues variations de son environnement minéral : la température, les oiseaux sur le ponton, l'intensité du vent. Avant ces pauvres lignes, l'homme a eu une vie pourtant : un père serveur, une petite amie, une carrière de chirurgien. Aujourd'hui, à soixante ans passés, ne reste que cette île de la Baltique que ses grands -parents lui ont légué : des roches prises dans l'eau glacée. Une île comme son âme, figée..., jusqu'à ce qu'une vieille femme accostée sans préambule sur la glace hostile lui rappelle que des villes, du bruit, l'on peut se couper, de la responsabilité d'un acte ou d'une promesse jamais... à moins de devenir moins que soi-même, un être sans mémoire vivant comme Ulysse chez la nymphe Calypso : dans un cadre magnifique mais caché, donc absurdement. Nous ne sommes rien de plus que des nœuds de relations sociales, nous disent les mythes grecs, notre identité n'est que relative. Alors, pour être, il faut, en Ulysse, quitter la belle île et ses plaisirs... ou accepter qu'elle soit violée par d'autres.
Dans les romans policiers de l'auteur suédois Mankell, les personnalités et l'aspect psychologique sont aussi soigneusement brossés que l'intrigue. Les chaussures italiennes procède de la manière inverse : c'est un roman psychologique aux méthodes d'enquête progressives, minutieuses et policières, qui, en narrant l'histoire d'un dégel, nous replonge dans la vérité des mythes grecs.
Les chaussures italiennes, Mankell, Ed. Seuil, Point, 373 p.