J’ai découvert l’ancêtre de Louvre-passion. C’est Diderot qui entre 1759 et 1781 allait au Louvre puis écrivait des articles sur ce qu’il avait vu. Avant de continuer je tiens à préciser que, bien entendu, je n’ai pas la prétention de me comparer à ce grand écrivain. Simplement je vais au Louvre et j’essaie de raconter mes promenades mais la similitude s’arrête là.
A l’époque de Diderot le musée n’existe pas encore (il sera crée par la Convention en 1793). Tous les deux ans l’académie royale de peinture organise une exposition dans le Salon carré du Louvre qui ouvre à la Saint Louis (le 25 août), fête du patron du roi. Cette exposition appelée le « Salon », en raison du lieu où elle se déroule, est un évènement artistique majeur.
Denis Diderot (1713-1784) est connu comme le maître d’œuvre de l’Encyclopédie et l’un des principaux représentants de l’esprit des Lumières. Son portrait, peint par Louis-Michel Van Loo en 1767, est toujours au Louvre. Il se lie d’amitié avec l’écrivain allemand Friedrich Melchior Grimm (1723 – 1807) qui publie « La correspondance littéraire » une gazette qui informe les princes européens sur la vie intellectuelle de Paris. Diderot qui l’accompagne au Salon lui suggère des idées et en 1759 Grimm lui confie la charge de raconter aux abonnés ce qui s’y passe. Petit à petit Diderot se prend au jeu.
Son premier compte rendu est comme une lettre où il donne quelques indications sur les toiles accrochées au Louvre. En 1767 c’est devenu un véritable guide, trente fois plus long que le texte de 1759, dans cet exercice Diderot invente en quelque sorte le métier de critique d’art. Nous qui vivons dans un monde ou l’image est partout présente sur des supports imprimés ou électroniques, nous avons du mal à nous représenter la difficulté de l’exercice. Comment restituer, uniquement par écrit, un tableau ou une sculpture ? Diderot n’a que sa plume. Il doit mémoriser sur place ce qu’il voit et prendre des notes. Parfois il commence par donner les dimensions, par exemple « Tableau de 7 pieds 6 pouces de haut sur 4 de large » (soit environ 2,25 mètres sur 1,20 mètre). Il faut aussi avoir à l’esprit que Boucher, Greuze, Chardin, Van Loo, Vernet… ces artistes qui pour nous sont des « classiques » sont pour Diderot des contemporains, assez souvent il les critique sans ménagement et n’hésite pas à nous infliger de longues digressions ou ses penchants moralistes. En 1769 il s’en prend aux collectionneurs privés qui accaparent les œuvres d’art « Vernet avait exécuté pour M. de la Borde huit grand tableaux (…) l’homme riche en les lui commandant, a exigé que ces tableaux une fois placés dans sa galerie n’en sortiraient plus.(…) Le moderne Midas qui ne connaît que l’argent, s’était imaginé que l’argent était la portion la plus précieuse de l’honoraire d’un homme qui doit avoir l’âme grande et le caractère libéral ».
La semaine prochaine nous regarderons, avec l’œil de Diderot, quelques unes des œuvres qu’il a commentées et qui sont toujours visibles au Louvre, vous y gagnerez certainement au change.