Bien qu'ayant disposé très tôt du 2012, État d'urgence de François Bayrou, j'ai choisi de ne commenter, dans mon billet précédent, que les seules propositions économiques de l'auteur.
A vrai dire, ce que j'ai retenu comme principale mesure, dans le livre, c'est celle de constituer des classes parallèlles à l'école primaire et peut-être au collège. Des classes de rattrappage en somme. Il existe à ma connaissance, un dispositif relativement proche en collège : on appelle cela des classe-relais. Je ne sais pas quelles sont exactement les intentions de Bayrou, mais j'ai pour ma part une certitude : ce ne sont que des dispositifs établis dans la durée qui peuvent fonctionner. Quand il s'agit de rescolariser et de remettre à niveau un jeune en difficulté, ce n'est pas en 3 mois qu'on le fait, mais minimum en deux ans. L'actuel dispositif ne prévoit pas plus de trois mois de présence continue. Comme tout ce qui est fait depuis près de 15 ans maintenant dans l'Éducation Nationale, c'est de la poudre aux yeux.
François Bayrou se veut un pragmatique absolu en évacuant la querelle des méthodes pédagogiques, mais admet tout de même l'existence d'une indiscutable baisse du niveau d'exigence et d'un jargon toujours plus jargonnant dans l'élaboration des programmes scolaires. Il propose donc de promouvoir la détection des enseignants qui réussissent. Cela avait fait tiquer sérieusement mon amie Isabelle dans l'un de ses commentaires, et j'avoue moi aussi ma perplexité : QUI va décréter qu'un enseignant est bon ou non ? Et en vertu de quels critères ? Que sont des bons résultats ?
Pour revenir aux pédagogies, je pense que la querelle n'est pas close. François Bayrou reproche à Gilles de Robien d'avoir aboli par décret l'usage de la méthode globale pour apprendre la lecture. Je ne le suis pas dans cette pensée. Je pense que parfois, pour initier un mouvement, il faut trancher dans le vif. La méthode globale à grande échelle était une projection idéologique. Gilles de Robien a bien fait d'ordonner sa fin, et encore a-t-il eu bien du mal à faire l'admettre tant la morgue et la vanité des mandarins du pédagogisme et de leurs alliés ne connaissent pas de limites.
Même si Bayrou met en avant quelques principes simples et de bon sens (scolarités parallèles pour les décrocheurs) à mettre en place, il évacue à mon sens une bonne partie des querelles qui fâchent.
J'aurais pourtant aimé retrouver dans son projet éducatif la pertinence d'un propos comme celui de Natacha Polony, pour citer mon égérie favorite ou plus simplement le Bayrou de 2007 : exit l'exigence d'excellence ?
A côté de cela, Bayrou fait aussi preuve d'un courage certain au moment où il est de bon ton de tirer sur l'ambulance. On le sait, l'UMP et le PS (à mots couverts pour ce dernier) crèvent d'envie de revoir le statut des enseignants datant de 1950 et tout particulièrement leur temps de service ! De ce point de vue, Bayrou ne cède pas à la doxa commune et prend vigoureusement la défense des enseignants en mettant en avant tout ce que peuvent constituer comme somme de travail la préparation des cours, la correction des évaluations et plus généralement les divers à-côtés qui constituent le quotidien de l'enseignant ordinaire.
In fine, à la lecture de la 2ème partie du livre, mon sentiment est mitigé. Si Bayrou veut redevenir aussi convaincant qu'il a pu l'être en 2007 dans son domaine, m'est avis qu'il va lui falloir sérieusement étoffer ses propositions, et puis, parce que je le crois nécessaire, prendre parti sur des terrains certes glissants mais inévitables.