Entre poétique et agaçant, ce roman m’a laissée une impression étonnante mélangeant satisfaction et soulagement.
« La légende des fils » situe son action aux Etats-Unis, en Arizona. C’est l’automne 1962, John F. Kennedy est président, la nation craint une nouvelle guerre.
Scott vit mal son adolescence, entre un amour trop fort pour sa mère et une crainte terrorisée de son père qui le bat ou l’ignore. C’est un jeune homme qui n’a pas de véritables rêves et dérive au gré des jours, en admiration devant son cousin déjà plus mur et étonnée devant la belle serveuse qui tente de le séduire.
Chaque jour il tente de grappiller quelques minutes avec sa mère qu’il idolâtre et qui lui offre toute sa tendresse dès qu’elle quitte son travail éreintant d’infirmière.
La famille de Scott est brisée avec d’un coté le père tyrannique dont la jambe blessée à la guerre n’est que le signe apparent d’une fêlure bien plus profonde, de l’autre Scott et sa mère, qui tente de protéger comme elle peut son fils de la violence du père et de la vie.
Autour de Scott, les années ’60 s’écoulent, avec les films, la menace de guerre, les belles voitures, et l’adolescent se laisse pousser.
Une histoire assez linéaire malgré ses tragédies ; c’est un peu surprenant mais vrai.
C’est dans le style de l’auteur que nous trouvons une forte particularité. C’est le premier roman que je lis de Laurent Seksik et je ne sais donc pas si cela se retrouve dans toutes ses œuvres : l’auteur a l’habitude, du moins dans ce livre, de décrire une même situation encore et encore, avec des mots distincts mais similaires, avec beaucoup de détails et de sensations, frôlant la répétitivité.
Chaque mot est bien choisi et juste. Si parfois c’est un peu trop, on ne peut pas nier que cela véhicule un imaginaire précis et apporte de la couleur.
Le souci que j’ai eu avec cette même écriture c’est que quand je posais le livre puis le reprenais, j’avais parfois du mal à retrouver le paragraphe tellement tout se ressemble, ce qui est vraiment dommage et ne devrais jamais arriver.
Les images étaient par moments parfaites, comme celle du jour où le jeune Scott passe une après-midi à l’hôpital à observer le travail de sa mère. L’auteur dépeint l’activité des urgences avec adresse, la fatigue qui s’accumule, les gestes machinales des infirmières, les mots techniques murmurés doucement pour rassurer le patient paniqué.
Mais parfois cette manière d’écrire devenait agaçante et ce pour diverses raisons :
Parfois c'est tout simplement un peu trop de redécrire le déjà-dit. Dans ces cas l'oeil se met à glisser d'une ligne à l'autre sans en saisir toutes les nuances.
Ensuite, l’auteur a la mauvaise habitude de lister les choses, voire même de réciter certains évènements. Ainsi nous trouvons une retranscription d’une petite partie du discours télévisé de JFK sur près d’une page, puis l’inventaire des produits proposés dans un drugstore sur une demi-page ! Non, c’est exagérer. Je suis ravie de savoir que le Drugstore proposait du thon Star-Kist et des biscuits Oreo, du lait en poudre Magic Crystal, du café A&P, de la bière Budweiser, de la bière Carlin, du borbon EarlyTime, de l’aspirine Bayer ……(etc.etc.) mais de là à dresser la liste sur la moitié d’une page ! Autant retranscrire celle des courses à faire, je ne vois pas l’intérêt littéraire.
Ce genre de listes traverse malheureusement le roman.
Si on peut le comprendre quand il s’agit de dépeindre une situation, je comprends beaucoup moins s’il s’agit de listings futiles et sans intérêt pour le roman. A quoi cela peut-il servir de résumer succinctement les films à l’affiche et d’en dévoiler à la même occasion la fin ?
J’admets que j’étais même très surprise lorsque L. Seksik s’est contenté de mentionner que lors de l’office du dimanche le prêtre déclamait la parabole du bon samaritain … sans la réciter! Voilà où cela mène !
Bref : des moments poétiques côtoient des instants rébarbatifs.
Dans l’ensemble, néanmoins, les moments positifs et touchants semblent l’emporter.
Vivant la vie de Scott, on n’effleure pas tous les aspects de l’histoire puisque l’auteur reste dans la peau du jeune adolescent dont la vision est nécessairement limitée, dans tous les sens du terme, certaines choses ne peuvent que lui échapper.
Les moments tragiques auraient pu être un peu plus mis en relief et se trouvaient presque noyés dans les instants insignifiants de la vie de Scott.
Mais globalement c’était un roman plutôt plaisant. De là à dire que je lirai autre chose de Laurent Seksik, c’est un pas que je ne franchirai pas pour l’instant.
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