La presse reparle, ces temps-ci, des aides publiques aux entreprises, le pouvoir affirmant son désir d’aider notamment les PME dans ces temps de crise. S’il avait vraiment le désir de les « aider », il les libérerait au lieu de les asservir notamment par ces prétendues aides. C’est l’occasion de décrire rapidement ce système qui est une nouvelle facette du désastre français.
Il y a quelques années, un audit avait été effectué à ce propos. Le coût total s’élève à 65 milliards, soit 4 % du PIB et un peu plus que le budget de l’Education nationale. C’est, grosso modo, l’équivalent de l’impôt sur les sociétés.
Il existe pas moins de 6 000 dispositifs. Parmi les 6000, se trouvent 22 aides européennes, 730 aides nationales et 650 aides pour l’ensemble des collectivités locales de la seule région Île de France. Il y a 220 dispositifs différents d’aide à la création d’entreprise et seulement 10 % des entreprises qui se créent, en bénéficient en pratique.
Ces chiffres sont évidement très incertains et mouvants, car dans une forêt vierge personne n’y voit vraiment goutte. Le désordre de l’État est tel que pour arriver à ce recensement il a fallu mobiliser trois corps d’inspection : finances, administrations et affaires sociales.
Le coût réel
En plus, ces chiffres doivent être fortement majorés car ils se limitent aux montants des aides elles-mêmes. Le coût total pour l’économie nationale doit tenir compte des dépenses déclenchées à la fois dans le public et dans le privé pour la gestion de ce vrai délire bureaucratique. Dans le public, il faut compter avec les innombrables services qui, tant au niveau étatique qu’au niveau régional, départemental et municipal, s’occupent de ces aides. Plusieurs ministères s’y consacrent activement.
Pour ce qui concerne les dépenses privées, il y a lieu d’enregistrer les heures interminables consacrées par les entreprises à l’analyse de ce maquis avec quelquefois des services complets et des directions importantes au sein des grandes firmes. Ne pas oublier non plus les organisations patronales dont une grande partie des services contribuent à ce maquis. Cette circonstance explique, au demeurant, une complicité de fait entre les pouvoirs publics et les organisations patronales en vue du maintien et de l’amplification du système. Les organisations patronales sont souvent, hélas, du mauvais côté partageant avec les politiques de solides intérêts personnels et la même idéologie dirigiste.
Les 65 milliards ci-dessus doivent, donc, pour une analyse honnête être affectés d’un coefficient de majoration inconnu mais certainement très élevé.
La paupérisation du pays
Au même moment les pleurnicheries publiques sur le PIB désespérément plat s’étalent dans tous les journaux, les larmes étant versées principalement par les politiques qui sont très précisément dans leur activisme débridé à l’origine de la panne de croissance.
C’est le moment de rappeler, cependant, la vanité du PIB. Cette quantité, que l’on affecte parfois d’un coefficient pour calculer le PIB par habitant, est devenu aux yeux des politiques de tous niveaux la mesure prétendue juste de la prospérité du pays. La population conditionnée par la presse suit le mouvement. Or c’est une quantité tout à fait erronée qui rassemble des données hétérogènes ; de surcroît, elle est manipulée d’une façon permanente par les statisticiens d’Etat, sans compter des manipulations internationales en vue d’établir des comparaisons qui n’ont pratiquement aucune valeur.
L’inexactitude des chiffres est telle que lorsque le PIB, manipulé par les statisticiens nationaux, ne convient pas pour une raison ou une autre, les politiques imaginent d’autres paramètres ; c’est ainsi qu’il est devenu à la mode de parler de « bonheur national brut » : les augures, décidément, savent se regarder sans rire !
Aux yeux des pouvoirs publics, soit nationaux soit internationaux, l’intervention du PIB est quelque chose d’essentiel ; elle légitime leur interventionnisme et le torrent réglementaire dont ils vivent en découle irrémédiablement.
Dans la réalité, la richesse des nations est absolument non mesurable et ne le sera jamais. L’on peut simplement se prononcer à la vue de certains aspects particuliers. En France, le véritable désastre du chômage et d’une crise du logement telle qu’un grand nombre de Français ne sont pas satisfaits de leur logement, sont deux signes évidents de la paupérisation nationale.
Même si leur inquiétude repose sur des chiffres contestables les pouvoirs publics réagissent ; ils réagissent mal, au coup par coup, puisqu’ils restent englués dans leur liturgie interventionniste, carrefour de leur propre idéologie et de leurs avantages personnels.
Le désastre des aides aux entreprises
Ces aides en résultent avec une forêt impénétrable de réglementations, de lois, de décrets, le tout souvent obscur, plein de redondances et contradictoire. Ce sont des lacets qui étouffent. C’est, d’ailleurs, parfaitement logique parce qu’il n’y a pas de raison que l’esprit qui les inspire soit supérieur à celui des aides à l’emploi ou des aides au logement.
Le « principe des calamités » veut que lorsque les hommes politiques ont créé une calamité, ils en créent d’autres pour soi disant corriger la première. En vertu de ce principe il y a quelques années il avait été créé un « comité permanent pour la régulation et l’évaluation des aides publiques aux entreprises (COPRA) ». Voilà un nouveau « machin » formant une nouvelle calamité en tant que telle. J’avoue ne pas en avoir trouvé trace récente et ignorer s’il se borne à dormir calmement dans des locaux bien au chaud ou s’il n’a pas été véritablement créé.
Le désastre pour les entreprises est complet. D’abord, en dehors des coûts de gestion signalés plus haut, elles doivent payer les impôts permettant de prétendument les aider. Le rapprochement avec l’impôt sur sociétés est significatif. Ensuite, quand elles se lancent à la course au pactole, elles souffrent des terribles lenteurs bureaucratiques et, au finish, elles doivent adapter leur stratégie aux idées propres des fonctionnaires juges des dossiers.
La richesse des nations qui n’est pas mesurable repose sur les initiatives individuelles soit des particuliers soit, principalement, des entreprises agissant librement sur les marchés. Un gouvernement « libérateur » devrait sans tarder supprimer ces aides et, dans la foulée, les impôts correspondants, ce qui serait très bénéfique pour les entreprises.
Il y a donc lieu d’être optimiste car ce facteur s’ajoute à bien d’autres pour montrer que contrairement à la propagande officielle la marge de manœuvre du pouvoir est très grande comme nous l’avons souvent souligné.
Encore faut-il que quelqu’un ou quelques-uns le comprennent et puissent la saisir. C’est ici qu’il est permis d’être vraiment pessimiste tout au moins à court terme.
Michel de Poncins – Tocqueville Magazine
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