Les oiseaux de paradis
Résumé : En voyage professionnel au Brésil, Samuel meurt subitement dans le taxi qui le conduit à l'aéroport où il devait prendre l'avion pour Paris et retrouver sa compagne. A travers le récit de cette dernière, le lecteur est confronté à la poignante épreuve de la perte de l'être cher, depuis le coup de téléphone fortuit qui fait basculer la vie, jusqu'à la lente reconstruction de soi pour redevenir "la plus vivante possible".
Extrait : "Un courrier de Flavie est arrivé hier, mais je ne l'ai pas encore ouvert. Je crois savoir ce qu'il contient. Au dosde l'eneloppe, elle a écrit : Ne t'attends à rien, ne sois pas déçue. JE l'ai posé à côté de moi, sur l'autre oreiller.
Le lit n'est pas défait. J'y suis assise, dos calé contre un traversin. Je c'est-à-dire mon corps, les pensées et les humeurs qui l'habitent et lui commandent mouvement ou immobilité, c''est-à-dire aussi mon visage et surtout mes yeux. N'osant pas tourner la tête de côté, je regarde droit devant. Il n'y a rien à voir que cette lueur s'intensifiant sous la toile écrue du rideau. Mes yeux s'attardent sur ce qui est à leur portée, une heure de plus. Sans tourner la tête il est impossible qu'entre dans leur champ de vision cet endroit où le lit est vide. Les yeux voient le rideau devenir de plus en plus blanc, lumineux. Ils voient les jambes nues allongées sur le lit. Le reste du corps que disimule une chemise de nuit en coton bleu pâle. Les avant-bras aux mains jointes. Sur l'un des avant-bras, cinq grains de beauté forment une petite constellation qui ne rime à rien. Triangle ouvert, sourire inversé. Je les effleure du bout des doigts l'un après l'autre, espérant composer le code secret qui m'ouvrira l'accès vers moi-même.
La peau est une barrière qui sépare ce qui se trouve à l'intérieur du corps de ce qui se trouve à l'extérieur. Elle protège les tissus plus profonds contre les traumatismes, synthétise la vitamine D et contient les récepteurs cutanés de la douleur, je l'ai appris lors d'un cours de physiologie. Lorsque je la pince, elle rougit. La rougeur s'estompe presque aussitôt. Pince-moi je rêve, dit souvent ma soeur. C'est une façon de parler, dit-elle encore, lorsque j'essaye de lui pincer le dos de la main.
L'épaisseur de la barrière qui entoure le corps varie d'un demi-millimètre sur les paupières à quatre millimètres sur les talons. Quelque chose de moi y est à l'abir. Quoi ?
Dans le miroir mon corps entier se dépliant passe devant le fenêtre. Le ciel est dégagé, il y a là juste au creux un nuage cotonneux, un chat miaulant posté au bord d'une cheminée, les bruits de la rue, les portes qui claquent et les clés qui tournent, les escaliers dévalés puis un enfant pleure et cesse de pleurer et les lumières s'éteignent une à une puisque c'est ainsi, de nouveau il fait jour."
L'avis de Dazboness : Comment vivre un deuil brutal, celui de l'être aimé. L'auteur nous livre ici la vision d'une femme anéantie par la douleur, terrassée par le chagrin. Elle passe par toutes les étapes possibles, que ce soit la colère, le déni, ou même le profond engourdissement de l'âme.
La narratrice va donc nous faire partager une vie de solitude, que traversent les souvenirs, les regrets, les projets, et enfin l'accpetation. Elle décrit également les "conventions sociales de deuil" : la période pendant laquelle il faut éviter le monde, à partir de quand on se sent capable de revoir des amis et dans quelles circonstances, quel sujets ne pas aborder...
Ce roman nous donne beaucoup de conseils sur la façon de vivre le deuil, ou d'entretenir le souvenir de l'être disparu, par le biais de personnes ou du petit carnet de mots. Et que la perte ne signifie pas la fin.
Auteur : Lise Beninca
Editeur : Editions Joëlle Losfeld
Prix : 13,50€
Nombre de pages : 125
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