BATTLE HYMN OF THE TIGER MOTHER
Il y a tellement de choses à dire sur ce livre qui a soulevé la polémique aux Etats-Unis à sa sortie que je ne sais pas par quel bout commencer. Une chose est sûre, ceux qui critiquent l'auteure, Amy Chua, avec véhémence, n'ont certainement pas lu le livre jusqu'au bout et ont même dû s'arrêter aux deux premières pages.
Au final, j'ai trouvé que c'était un récit profondément touchant d'une famille sino-américaine, et plus particulièrement d'une mère, dont le seul souci est de donner le meilleur à ses enfants et leur assurer un avenir dans ce monde plus cruel que convivial. Et n'est-ce pas ce à quoi chaque parent aspire, chacun à sa méthode?
Ce qu'on lui reproche dans l'éducation à la chinoise qu'elle préconise: brider les désirs des enfants, empêcher leur épanouissement personnel, ne leur laisser aucune liberté, créer des enfants-robots qui excellent peut-être académiquement, mais qui ne développent aucun esprit créatif, et surtout, gâcher leur enfance en exigeant trop de leur personne.
Quelque part, c'est une éducation qui est toute à l'image de la société chinoise, où le respect de l'autorité des aînés est un principe acquis. C'est culturel, c'est une société où il est naturel d'obéir, de respecter et d'avoir de la reconnaissance envers ses parents, impensable de leur dire merde ou de les déshonorer de quelque façon que ce soit. Plus particulièrement chez les familles immigrés, la transmission de ces valeurs, auxquelles il faut rajouter celle de l'apprentissage du dur labeur bon gré mal gré, est d'autant plus fondamentale qu'elle est basée sur de nombreux sacrifices de la part des parents. Dans une société compétitive qui fait très peu de cadeaux, il faut être armé pour y survivre dans les meilleures conditions.
Personnellement j'ai beaucoup aimé le personnage d'Amy Chua. Elle est complètement "folle" (du point de vue occidental que je rejoignais parfois dans certains cas), barge, hallucinante, mais irrésistiblement attachante et touchante. Elle assume totalement ce qu'elle est et fait, sa mission est d'élever ses enfants, et elle s'y tient sans se laisser distraire. J'étais complètement fascinée par cette volonté de fer, cette conviction inébranlable de bien faire, le découragement est une notion qu'elle ne connaît pas là où ses filles sont concernées, et si ces dernières devaient la haïr pour ses pratiques, et le monde la juger, qu'importe, elle aura fait son devoir de mère.
Pour extrême que sa rigueur et discipline puissent paraître, en réalité, personnellement je suis plus pour ses méthodes éducatives (en peut-être un poil plus souple
) que la méthode des parents qui pardonnent tout et récompensent leurs enfants à la moindre bêtise pour avoir la paix, ou les délaissent parce que c'est plus facile et que ça prend du temps d'élever des enfants.... Un laxisme qui fait ses preuves parmi la nouvelle génération qui nous fait parfois halluciner, sans vouloir généraliser (cf Chroniques d'une prof qui en saigne de Princesse Soso par exemple).Un point très important que j'aimerais souligner car vraiment je ne m'y attendais pas: je pensais que ce récit allait être un long sermon dans lequel Amy Chua allait démontrer la supériorité de son éducation de mère-tigre sur l'éducation à l'occidentale, quelle erreur!
Ce récit est finalement l'histoire d'une famille biculturelle, avec ses hauts et ses bas, et les efforts d'une mère pour accomplir son devoir. A ce niveau, ça s'assimile plus pour moi à un témoignage et une réflexion sur l'application d'une méthode éducative (qui fait ses preuves en Chine) et ses difficultés dans un contexte qui ne s'y prête pas forcément bien (société américaine), avec ses conséquences sur l'entourage, ses propres enfants et sur soi.
C'est instructif culturellement parlant, captivant, très intéressant, et surtout, c'est un récit qui ne manque pas d'humour. Je ne m'attendais vraiment pas à rire autant! Au début, je me demandais si c'était voulu où si c'était simplement le décalage culturel qui rendait les choses aussi drôles, mais Amy Chua a un sens de l'auto-dérision confirmé, et son récit m'a vraiment beaucoup amusée tout le long, tellement les situations décrites sont décalées et surréalistes.
L'épisode qui m'a le plus marquée, c'est celui des cartes d'anniversaire de ses filles. Là je me suis dit, "elle est grave quand même!", mais je n'ai pu m'empêcher de trouver ça très drôle, et à la réflexion, je me dis qu'elle n'avait pas tort (juste, elle manque de tact notre Amy
).C'est une forte personnalité que celle de cette femme à la base, et c'est amusant d'ailleurs de voir qu'ayant elle-même eu cette éducation très stricte, elle soit si peu malléable et soumise en réalité, au contraire, c'est une femme clairement têtue, déterminée, et visiblement épanouie. Ça m'a bien amusée aussi de voir que ses parents avaient un autre comportement avec ses enfants (ce qui l'écoeurait - elle m'a bien amusée là aussi!) mais ça je crois que c'est le propre des grands-parents - méga sévères avec leurs enfants, et top cool avec leurs petits-enfants.
Et j'ai bien aimé aussi l'éternelle confrontation avec Lulu, la cadette obstinée qui n'en fait qu'à sa tête. Deux caractères forts qui s'affrontent et se tiennent tête, c'est un sacré spectacle. C'est d'ailleurs ce qui a fortement contribué à rendre ce récit palpitant, intéressant, et intense en suspense (si si - la fin est formidable!).
J'ai été aussi intriguée par le mari, Jed Rubenfeld, qui est cité à maintes reprises pour les romans qu'il aurait écrit, dont un à succès, L'interprétation des meurtres. Pas lu, mais curieuse maintenant.
Enfin, aucun signe de traumatisme, ni de rancoeur ne semble visible chez les enfants, bien qu'Amy Chua ait eu chaud avec sa cadette. C'est une famille qui s'affiche soudée, moderne, heureuse, et Sophia, l'aînée, tient même un blog où elle tourne toute cette polémique en dérision et semble dotée d'un grand sens de l'humour également.
La chance de ces enfants, c'est peut-être aussi cette biculturalité, le père, Juif Américain, étant relativement "cool", et la mère, bien que d'ascendance chinoise, ayant tout de même grandi aux Etats-Unis.
Bref, personnellement je ne comprends pas bien cette polémique envenimée autour des mères-tigres, je ne les trouve pas pires que les mères-poules, chacune ses extrêmes, chacune ses qualités, chacune ses erreurs, l'important est que chacun essaie d'élever ses enfants au mieux, que les actes soient dictés par l'amour. Pour moi, c'est ça qui compte, la responsabilité qu'on prend d'avoir mis des enfants au monde, plutôt que l'indifférence.
La question quant à la meilleure éducation à prodiguer reste en suspens cela dit.
A paraître chez Gallimard sous le titre L'Hymne de la Bataille de la Mère Tigre. Date de publication non communiquée.
Amateurs du sujet et non réfractaires à la VO, je le fais volontiers voyager en attendant.
Lu dans le cadre de mon Régime PAL Express (7/7 youhou!!)