Le 36ème volume de l'intégrale de Masaaki Suzuki permet de découvrir quatre cantates écrites en 1725 (le chef japonais constitue son intégrale en suivant le chronologie de composition de cet impressionnant corpus).
Le Bach Collegium Japan imprime à nouveau dans ce volume sa marque de fabrique : une interprétation soucieuse du respect du texte et d'un équilibre impressionnant. Comme pour les enregistrements précédents, la tension de la ligne n'est absolument pas synonyme de rigidité mais au contraire de révélation de la puissance de l'écriture du cantor. On est encore, dans ce 36ème enregistrement sidéré par la beauté, l'élévation divine suggérée par cette interprétation. Masaaki Suzuki réalise une sorte de synthèse idéale des options esthétiques engagées par ses prédécesseurs (Herreweghe, Koopman, Kuijken...) avec une ligne d'une grande clareté tout en injectant quelquefois un certain mordant.
C'est tout à fait perceptible dans ce volume, et ce dès la Cantate BWV 42 ("Am abend aber desselbigen Sabbats"). Celle-ci démarre, contrairement à la plupart des cantates chorales de JS Bach, non pas par un choeur d'introduction, mais par une seplendide Sinfonia. De cette dernière, très enjouée, émane une splendide lumière et une énergie étonnante. Masaaki Suzuki l'interprète à vive allure mais avec une fluidité étonnante. On pourrait écouter en boucle cette Sinfonia, enivrante à souhait, très rythmée et dansante.Autre caractéristique, une aria de plus de 13 minutes pour alto ("Wo zwei un drei versammlet sind"), accompagnée d'un hautbois, incarnation divine qui mène l'orchestre pour accompagner le chanteur.
La cantate BWV 103 tient également une place singulière. Le choeur d'introduction est introduit par une flûte piccolo, sorte de petit aiguillon qui fixe le tempo et impose d'emblée une grande nervosité avec sa sonorité pointue. Masaaki Suzuki, servi par Dan Laurin, flûtiste accompli, nous saisit encore par la pertinence du propos. Ce choeur est l'un des plus atypiques et des plus intéressants de l'intégrale des cantates de JS Bach. Un intermède surgit avec la basse, incarnant le Christ et déclamant son texte et rappelant nettement le climat des Passions écrites par JS Bach.
L'accompagnement virtuose de la flûte piccolo se prolonge dans l'aria pour alto ("Kein Arzt ist ausser dir zufinden") où JS Bach confirme bien à quelle point son écriture pour la voix est instrumentale. L'alto et la flûte dialoguent avec une belle sérénité. Cette aria a indéniablement quelque chose de céleste.
La cantate BWV 108 déroge également à l'enchaînement formel des cantates chorales avec en introduction, non pas un choeur, mais une aria pour basse.
Enfin, le disque se termine avec la superbe cantate chorale BWV 6 dont le choeur d'introduction ("Bleib bei uns..."), est l'un des plus beaux de l'ensemble des cantes écrites par JS Bach.
Pour cet enregistrement, Masaaki compte toujours sur Yukari Nonoshita (soprano) et Robin Blaze (alto), réguliers, et dont la prestation est tout à fait correcte (Robin Blaze tiens bien sur la durée de l'aria de la cantate BWV 42). En revanche, je suis plus réservé sur James Gilchrist (ténor) et surtout Dominik Wörner (basse) que je trouve assez inégaux et pas toujours à l'aise avec les exigences des arias qu'ils doivent exécuter.
Ce volume 36 tient une place particulière dans l'intégrale de Massaki Suzuki, ne serait-ce que par le fait que ces cantates écrites en 1725 dérogent aux règles formelles de la plupart des autres cantates.
Intégrale des cantates de JS Bach - Volume 36 - Bach Collegium Japan - direction Masaaki Suzuki - Yukari Nonoshita (soprano), Robin Blaze (alto), James Gilchrist (ténor), Dominik Wörner (basse) - label BIS.